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211. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Et, en effet, ces premiers savants de la Renaissance, ces grands preux de l’érudition, ces pionniers héroïques et généreux, dont Casaubon a comme fermé la liste parmi nous, s’étaient empressés, avec les manuscrits qu’ils avaient en main, d’établir, même aux endroits douteux ou désespérés, des sens spécieux, probables, satisfaisants ; les plus modernes éditeurs avaient de plus en plus aplani les difficultés dans la même voie. […] Il plaidera près des savants eux-mêmes et de ceux dont il partage l’admiration pour l’Antiquité : il veut la Renaissance, toute la Renaissance, mais il se sépare de ceux qui la veulent sous forme de latinité, et il prétend émanciper hautement notre idiome vulgaire et lui donner droit de cité à son tour. […] Il ignore ce que nos jeunes savants appellent aujourd’hui « la belle langue du xiiie  siècle », cette langue si délitable, si en usage et en faveur dans tout l’Occident, et qui, vers le temps de saint Louis, était peut-être plus voisine d’une certaine perfection dans son genre que cette même langue, remise en mouvement et en fusion, ne l’était au xvie  siècle. […] Mais les traductions, si utiles et louables qu’elles soient, n’offrent qu’un moyen incomplet de dresser une langue : il faut en venir aux imitations, à ces imitations détournées et savantes qui sont proprement l’invention des classiques, comme le sentait si bien M.  […] Il le souhaite en dépit des docteurs de toute robe, de ceux qu’il nomme les « vénérables druides », et à leur barbe ; il rompt en visière aux savants jaloux et routiniers qui veulent garder sous verre leurs reliques.

212. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

La ruine de l’empire grec avait envoyé en Occident de savants hommes, mais aussi toute sorte de gens, qui n’avaient de grec que le nom, et, s’ils savaient à peu près leur langue nationale, étaient tout à fait incapables de l’enseigner. […] Autour de François Ier les érudits furent aussi nombreux que les poètes : outre Budé, qu’il fait directeur de sa bibliothèque et maître des requêtes, il essaie d’attirer Érasme ; il reçoit dans sa familiarité Guillaume Cop, traducteur d’Hippocrate et rénovateur de la médecine ; il a pour lecteur Jacques Colin, puis Duchâtel, deux savants hommes, le dernier surtout érudit universel et infatigable liseur, après avoir été un intrépide voyageur. […] En 1529 Budé, dans une de ses Préfaces, rappelait au roi qu’il avait à doter une fille pauvre, la philologie : qu’il avait promis d’orner sa capitale d’une sorte de musée où les deux langues grecque et latine seraient enseignées, où des savants en nombre illimité trouveraient « un entretien convenable et les loisirs nécessaires ». […] À Alençon, à Bourges, à Nérac, à Pau, dans toutes ses résidences, en voyage même, elle n’apparaît qu’entourée de poètes et de savants, qui sont ses valets de chambre, ses secrétaires, ses protégés et comme ses nourrissons. […] Plus savant que Marot, possédant parfaitement le grec comme le latin, traduisant, paraphrasant en français, ou imitant en leur langue les poètes de Rome, il représente mieux l’esprit de l’humanisme : mais il est surtout italien, et il unit la froideur maniérée du pétrarquisme à quelques restes de raide subtilité qu’il a hérités de son père Octovian.

213. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Il en est du producteur industriel comme du savant. Les neuf dixièmes du savoir du savant et de l’habileté du producteur sont dus à la collaboration scientifique, à la coopération industrielle. Le savant greffe sa découverte sur tout l’acquis scientifique antérieur ; l’inventeur industriel accepte et utilise tous les engins, tout le mécanisme industriel et économique de son époque : il n’innove que très peu. […] Il emploie donc dès lors, instinctivement et sans cesse, ce type de la taxation : à propos de tout ; donc aussi à propos des productions des arts et des sciences, des penseurs, des savants, des artistes, des hommes d’État, des peuples, des partis et même d’époques tout entières : il s’informe à propos de tout ce qui se crée, de l’offre et de la demande, afin de fixer, pour lui-même, la valeur d’une chose. […] « Les savants, les fonctionnaires, les intellectuels de toute sorte s’ils sont les représentants de la culture moderne, se trouvent en revanche, par suite du mécanisme de la vie contemporaine, presque privés de tout contact avec la sphère d’activité des politiciens et des hommes d’affaires.

214. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Certes le littérateur trouve saint Augustin et saint Ambroise inférieurs à Cicéron et à Sénèque, le savant rationaliste trouve les légendaires du Moyen Âge crédules et superstitieux auprès de Lucrèce ou d’Évhémère. […] Indifférents à la culture savante, ils la regardaient sans attention et par conséquent sans colère. […] La savante organisation de l’humanité ramènera cet état, mais avec des relations bien plus compliquées que n’en comportait la vie patriarcale, et sans avoir besoin de l’esclavage. […] Qu’est-ce qui résistera à la science, quand l’humanité elle-même sera savante et marchera tout d’un corps à l’assaut de la vérité ? […] Si nous sommes meilleurs critiques que les savants du XVIIe siècle, ce n’est pas que nous sachions davantage, mais c’est que nous voyons de plus fines choses.

215. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Il ne peut être, en pareil milieu, ni savant, ni populaire. […] On a tellement peur des savants et des pédants — deux espèces voisines que l’on confond volontiers — qu’on essaie de rendre les mystères de l’orthographe accessibles à tout le monde ; on propose de supprimer les lettres parasites, inutiles, de rapprocher l’écriture de la prononciation, « afin, dit un projet du temps, que les femmes puissent écrire aussi correctement et assurément les hommes ». […] La science, elle-même, quand elle pénètre dans les salons, cache son austérité sous un voile de dentelle ; elle sourit, s’adoucit, se défait de son parler rude et de sa physionomie sévère ; elle a peur d’être ennuyeuse, ce qui en pareil endroit est le pire des défauts ; elle s’efforce d’être piquante et même amusante autant que savante. […] Au temps de Molière, ils font rentrer dans l’ombre le pédantisme et les savants en us, qui depuis la Renaissance tenaient le haut du pavé. Le débat de Clitandre et de Trissotin, dans les Femmes Savantes, nous permet de prendre sur le fait la lutte de ce qui était alors l’esprit nouveau contre la tradition mourante du xvie  siècle : Permettez-moi, monsieur Trissotin, de vous dire, Avec tout le respect que votre nom m’inspire, Que vous feriez fort bien, vos confrères et vous, De parler de la cour d’un ton un peu plus doux ; Qu’à le bien prendre, au fond, elle n’est pas si bête Que, vous autres, messieurs, vous vous mettez en tête ; Qu’elle a du sens commun pour se connaître à tout ; Que chez elle on sa peut former quelque bon goût, Et que l’esprit du monde y vaut, sans flatterie, Tout le savoir obscur de la pédanterie.

216. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Volney fit un voyage savant, exact, positif, et l’écrivit avec des qualités de style rares, bien qu’incomplètes. […] Je ne veux pas faire tort à Volney ; je ne prétends point lui imposer la poésie : ce n’est point à Lamartine parcourant les mêmes lieux et les revêtant de ses couleurs trop vastes et de son luxe trop asiatique ; ce n’est pas à Chateaubriand, plus sobre et plus déterminé de contours, mais pittoresque avant tout, que je le comparerai : c’est à un savant de son temps, à un observateur et à un physicien du premier ordre, à l’illustre Saussure visitant, le baromètre et le marteau du géologue à la main, les hautes cimes des Alpes qu’il a comme découvertes. […] Saussure, on l’a dit, tout savant qu’il est, a de la candeur ; il a, en présence de la nature et à travers ses études de tout genre, le sentiment calme et serein des primitives beautés ; il se laisse faire à ces grands spectacles ; pour les peindre ou du moins pour en donner idée, pour dire la limpidité de l’air dans les hautes cimes, le frais jaillissement des sources ou de la verdure au sortir des neiges, la pureté resplendissante des glaciers, il ne craindra point d’emprunter à la langue vulgaire les comparaisons qui se présentent naturellement à la pensée, et que Volney, dans son rigorisme d’expression, s’interdit toujours ; il aura, au besoin, des images de paradis terrestre, de fées ou d’Olympe ; après un danger dont il est échappé, lui et son guide, il remerciera la Providence. […] Volney fut le voyageur avoué et estimé de cette école savante et positive. […] [NdA] Je répète cela d’après les biographes, sans l’avoir vérifié moi-même : mais, ce qui est sûr, c’est qu’on lit dans le Journal des savants de janvier 1782 une « Lettre de M. 

217. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Conseillez-en la lecture et la vérification à vos savants et à vos naturalistes14. […] C'est intéressant et spirituel comme tout ce qui vient de ce savant, lequel a été remplacé par M.

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