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1077. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

. — Saint Pierre se prend à envier le sort des Saints Innocents, massacrés pour Jésus-Christ et baptisés dans leur propre sang : Que je porte d’envie à la troupe innocente De ceux qui, massacrés d’une main violente, Virent dès le matin leur beau jour accourci ! […] Dans la pièce au nom du duc de Bellegarde, on sait la belle prosopopée : Reviens la voir, grande Âme… Quelque soir, en sa chambre apparais devant elle, Non le sang en la bouche et le visage blanc, Comme tu demeuras sous l’atteinte mortelle                  Qui te perça le flanc : Viens-y tel que tu fus quand, aux monts de Savoie, Hymen en robe d’or te la vint amener131, Ou tel qu’à Saint-Denis, entre nos cris de joie,                  Tu la fis couronner. […] Mais comme le tout est relevé et ennobli par cette strophe charmante : Réservez le repos à ces vieilles années    Par qui le sang est refroidi : Tout le plaisir des jours est en leurs matinées148 ; La nuit est déjà proche à qui passe midi.

1078. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Mille infortunes avaient traversé ses jours remplis de durs labeurs… Personne, durant cinquante ans, ne s’était occupé de son âme… Il avait toujours eu des maîtres pour lui vendre l’eau, le sel et l’air, pour lever la dîme de ses sueurs, pour lui demander le sang de ses fils ; jamais un protecteur, jamais un guide… Au fond, que lui avait dit la société ? […]     Il triompha du moins assez vite de ces premiers assauts, plus redoutables, qui suivirent immédiatement son retour à Dieu, de la séduction du péché encore tout proche, des mauvais souvenirs encore tout chauds dans le sang de ses veines. […] Hugo est plein de feu, de sang et de larmes.

1079. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

que je donnerais tous les condors de Leconte de Lisle, et même une partie du bagage lyrique de Hugo dans la Légende des siècles, pour cette page des Mémoires d’outre-tombe, où Chateaubriand peint dans l’antichambre de M. du Theil, l’agent du comte d’Artois à Londres, ce paysan vendéen, cet homme qui n’était rien, au dire de ceux qui étaient assis à côté de lui, ce héros obscur qui avait assisté à deux cents prises et reprises de villes, villages, redoutes, à sept cents actions particulières, à dix-sept batailles rangées ; et qui, dans l’étouffoir fade de l’antichambre diplomatique, devant une gravure de la mort du général Wolf, se grattait, bâillait, se mettait sur le flanc, comme un lion ennuyé, rêvant de sang et de forêts. […] fait-il, en me voyant entrer, on a été six minutes avant de m’endormir… je croyais que je ne dormirais jamais… Pozzi m’a dit : Vous avez pris de l’éther… Oui c’est vrai, j’en ai beaucoup pris, à la suite d’un grand chagrin, qui me donnait des contractions de cœur… et ces contractions, l’éther les calmait… vous savez, l’éther c’est comme un vent frais du matin… un vent de mer qui vous souffle dans la poitrine… Ah, après ce que j’ai souffert… il me semblait que j’avais le corps rempli de phosphore et de flamme… Il faudra encore que dans trois semaines, je fasse une saison de Luchon… C’est bien ennuyeux d’être obligé de refaire son sang. […] Il parle de la tête oscillante du condamné sur les épaules, comme si elle ne tenait plus, de la longueur du visage par la descente de la mâchoire, de la pâleur qui tourne au chocolat, et nous fait voir le couteau, remontant éclaboussé de sang, comme du papier peigne, avec la trace parfaitement indiquée des deux carotides.

1080. (1922) Gustave Flaubert

Corneille et lui sont deux beaux types d’indépendance normande, deux beaux refus que fait le sang nordique de s’adapter à la communauté de la capitale. […] Ce livre, tout en calcul et en ruses de style, n’est pas de mon sang, je ne le porte pas en mes entrailles, je sens que c’est chose voulue, factice. […] Mais elles s’accordent dans la chair et le sang d’une créature vivante. […] Il ne voit couler sans émoi que le sang des autres. […] Mais le gros Arnoux vit autant en dehors, en fumée et en bruit, que le baron vit en chair, en sang et en feu.

1081. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Tout art original est réglé par lui-même, et nul art original ne peut être réglé par un autre ; il porte en lui-même son contre-poids et ne reçoit pas de contre-poids d’autrui ; il forme un tout inviolable : c’est un être animé qui vit de son propre sang, et qui languit ou meurt, si on lui ôte une partie de son sang pour le remplacer par du sang étranger. […] Pourtant, je ne peux pas vous regarder et vous tuer ; je vous prie, tournez votre face. —  Soit, et frappe bien, à fond. —  À fond, aussi loin que mon épée entrera734. » Et du coup, lui-même il se tue. —  Ce sont là les mœurs tragiques et stoïques de la monarchie militaire, les grandes prodigalités de meurtres et de sacrifices avec lesquelles les hommes de ce monde bouleversé et brisé tuaient et finissaient. —  Cet Antoine, pour qui on a tant fait, lui aussi, il a mérité qu’on l’aime ; il a été l’un des vaillants sous César, le premier soldat d’avant-garde ; la bonté, la générosité palpitent en lui jusqu’au bout ; s’il est faible contre une femme, il est fort contre les hommes ; il a les muscles, la poitrine, la colère et les bouillonnements d’un combattant ; c’est cette chaleur de sang, c’est ce sentiment trop vif de l’honneur qui cause sa perte ; il ne sait pas se pardonner sa faute ; il n’a pas cette hauteur de génie qui, planant au-dessus des maximes ordinaires, affranchit l’homme des hésitations, des découragements et des remords ; il n’est que soldat, il ne peut oublier qu’il a failli à la consigne : « Mon empereur ! 

1082. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

De là est née, non d’une usurpation ou d’un caprice, mais de là est née d’une nécessité et d’un droit, l’hérédité de la propriété, aussi logique que l’hérédité du sang dans les mêmes veines. […] XXV La nature a donné à la mère un admirable instinct d’amour pour l’enfant sorti de son sein, formé de son sang, et à qui la nature a préparé, avant de l’appeler au jour, un berceau tiède et un lait nourrissant sur le sein de la femme.

1083. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Prodigue du sang des guerriers, il a été avare de supplices, plus non pas seulement qu’aucun usurpateur, mais même qu’aucun des rois les plus célèbres… » Il paraît que cette horreur de Sismondi pour la contre-révolution, et surtout cette impartialité d’historien, cet hommage au glorieux vaincu de la campagne de France, scandalisèrent profondément la comtesse. […] Et pendant que le sang coule à Paris, il joue à Florence ses rôles de tragédie.

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