Le recueil, complété par deux publications postérieures, forme comme une revue de l’histoire de l’humanité, saisie en ses principales (ou soi-disant telles) époques ; c’est une suite de larges tableaux ou de drames pathétiques, où s’expriment les croyances morales du poète. […] La direction de l’inspiration échappe au cœur, est reprise par l’esprit, qui fait effort pour sortir de soi, et saisir quelque ferme et constant objet882. […] Nous saisissons encore l’évolution du romantisme chez Louis Bouilhet888 : vestiges de passion orageuse, exotisme effréné dans l’orientalisme et la chinoiserie, fantaisie capricieuse des rythmes, voilà le romantisme ; mais essai de restitution érudite de la vie romaine, effort pour saisir la vie contemporaine en sa réalité pittoresque, et surtout sérieuse tentative pour traduire en poésie les hypothèses de la science, voilà les directions nouvelles vers l’art objectif et impersonnel. […] Il regarde, il saisit la vie universelle en tous ses accidents. […] On saisit le procédé dans les Phares.
À défaut de la terre, il saisit l’homme. […] La collecte et les saisies. […] Le même intendant écrit, en 1784, année de famine679 : « On a vu avec effroi, dans les campagnes, le collecteur disputer à des chefs de famille le prix de la vente des meubles qu’ils destinaient à arrêter le cri du besoin de leurs enfants. » — C’est que, si les collecteurs ne saisissent pas, ils seraient saisis eux-mêmes. […] Aussi bien, « en Normandie, dit le Parlement de Rouen688, chaque jour on voit saisir, vendre, exécuter, pour n’avoir pas acheté de sel, des malheureux qui n’ont pas de pain ». […] Il n’y en a pas de plus redoutables689, ni qui saisissent plus âprement tous les prétextes de délit. « Que charitablement un citoyen donne une bouteille de boisson à un pauvre languissant, et le voilà exposé à un procès et à des amendes excessives… Un pauvre malade, qui intéressera son curé à lui aumôner une bouteille de vin, essuiera un procès capable de ruiner non seulement le malheureux qui l’a obtenue, mais encore le bienfaiteur qui la lui aura donnée.
La mémoire n’est donc à aucun degré une émanation de la matière ; bien au contraire, la matière, telle que nous la saisissons dans une perception concrète qui occupe toujours une certaine durée, dérive en grande partie de la mémoire. […] Il y a dans ce mouvement, tout à la fois, une image qui frappe ma vue et un acte que ma conscience musculaire saisit. […] Nous saisissons ici, dans son principe même, l’illusion qui accompagne et recouvre la perception du mouvement réel. […] Il faudra donc se rejeter sur le sens métaphysique du mot, et étayer le mouvement aperçu dans l’espace sur des causes profondes, analogues à celles que notre conscience croit saisir dans le sentiment de l’effort. […] C’est dire que nous saisissons, dans l’acte de la perception, quelque chose qui dépasse la perception même, sans que cependant l’univers matériel diffère ou se distingue essentiellement de la représentation que nous en avons.
Mais quand les fragments sont trop nombreux et trop petits, on a beau les regarder tous successivement, on n’a point d’idée de l’ensemble : si on colle l’œil sur chaque feuille, chaque branche, chaque racine l’une après l’autre, on ne verra pas l’arbre : il faut se reculer et le saisir d’un regard. […] Ne croyez pas que tout ce que l’esprit dans sa première et rapide inspiration a saisi, soit bon. […] Il faut saisir le point d’où l’idée rayonnera en quelque sorte sur l’œuvre entière, et sera présente, toutes les fois qu’il faudra, sans qu’on la répète. […] Je ne parle point ici de l’obligation où l’on peut être de répéter plusieurs fois de suite, en un même passage, la même idée, sous des formes diverses, pour la faire mieux saisir du public et l’enfoncer dans les esprits. […] On a saisi son plan, sans avoir songé un moment que c’était son plan qu’il faisait : ou bien on croit l’avoir deviné, lui avoir dérobé son secret, et ce petit et imaginaire triomphe de l’amour-propre enfonce les choses dans l’esprit.
Tu seras saisi de respect, d’admiration & d’enthousiasme, lorsque le vulgaire ne sera pas même ému ; tu seras pour ainsi dire le point vivant ou viendront se refléchir les merveilles diverses de la Nature, & ton amour invincible pour le vrai, pour le bon, te donnera chaque jour une idée flatteuse de la sublimité de ton ame. […] Il n’est point de plaisirs flatteurs s’ils n’affectent le sentiment : c’est la partie divine de notre être, elle saisit ce qui est inaccessible aux sens, elle se passionne, s’attendrit, s’enflamme, sa subtilité inconcevable pénetre les objets les plus éloignés ; elle est la créatrice & la dépositaire des plaisirs de l’homme de Lettres, plaisirs aussi vifs peut être que ceux que procurent les passions, mais sans contredits plus fréquens, plus vrais & plus durables. […] Ainsi la méditation qui paroît sombre & severe, & qui est le supplice d’un esprit superficiel devient la passion chérie d’un homme de Lettres ; son esprit profond parcourt successivement la chaîne qui lie les êtres, monte, descend, s’arrête, compare les rapports, les juge, & est fier des traits épars & lumineux qu’il saisit dans sa course rapide. […] Alors dans les vastes pensées d’une sublime méditation, le livre antique lui tombe des mains, le soufle inspirateur se répand dans son ame, son cœur s’échauffe ; son imagination s’allume, un frémissement délicieux coule dans ses veines, l’enthousiasme le saisit ; sur des aîles de feu, son esprit s’élance, il franchit les limites du monde, il plane au haut des Cieux : là, il contemple, il embrasse la vertu dans sa perfection, il s’enflamme pour elle jusqu’au ravissement & à l’extase, je vois son front riant tourné vers le Ciel, des larmes de joie coulent de ses yeux, l’amour sacré du genre humain pénetre son cœur d’une vive tendresse, son sang bouillonne ; la rapidité de ses esprits entraîne celles de ses idées ; c’est alors qu’il peint avec sentiment, qu’il lance les foudres d’une mâle éloquence, qu’il crée ces chefs-d’œuvres l’admiration des siécles ; il donne l’ame, la vie, ou plutôt il embrâse tout ce qu’il touche. […] Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.
Les hommes du douzième siècle, plus grossiers, n’en avaient pas saisi le sens purement symbolique et mythique ; ils en firent un agent d’ensorcellement magique. […] Et on peut douter s’il est possible à un auditeur qui n’est pas au courant de la légende, de saisir le tout à une première audition. […] Ceci est un point si essentiel dans toute l’œuvre de la maturité de Wagner, qu’on ne peut espérer arriver à une compréhension un peu profonde de ce maître, si on ne l’a très clairement saisi. […] La tâche du musicien, par contre, est de se saisir d’un tel point concentré, et de développer jusqu’à plein épanouissement son contenu émotionnel ». […] Le poète a saisi tous les fils d’événements nombreux et compliqués ; rapidement il les a fait converger en un unique point mathématique.
» Cette scène, qui saisit l’imagination à la lecture, se réduit à cette pensée : « Vous me demandez, Sire, de déshonorer le nom que mes aïeux m’ont transmis glorieux et pur. » À l’idée des aïeux, de la race, le poète s’est contenté de substituer celle des individus : il a mis les unités à la place du groupe. […] En un mot, c’est le désert ; Buffon saisit le trait général, il l’appuie, l’enfonce, faisant abstraction de tout le reste. […] Enfin dans les deux descriptions j’apercevrai, non pas deux procédés seulement, ni deux arts, mais deux siècles et deux hommes : d’un côté, l’esprit lettré, l’orateur, qui raisonne sa sensation et ne conçoit rien que de triste hors des conditions du monde civilisé et de la vie de société ; de l’autre, le critique, l’artiste, capable de prendre tour à tour l’âme de tous les peuples, acceptant la sensation étrange et même illogique, habile à saisir la beauté dans les moins riants aspects de la nature, dans l’égalité monotone de la lumière. […] On ne l’isole pas, mais on l’étudie comme le chimiste fait certains corps, dont il saisit seulement l’action sur d’autres corps qu’on met en leur présence.