Peut-être dans le silence attentif, lui qui fit l’éloge au début de la soirée du chant de la Douleur, les eût-ils récités vraiment magiques, avec sa face de Christ longue comme une main de saint, haut et noir sur la scène vide sauf la floraison des pupitres crucifères. […] Après sa Sainte Marthe et son Martyr, c’est quelque déception que les violettes de Maurice Denis et son fragment d’une suite pascale, surtout les violettes, malgré leur fuchsine voulue partout irradiée autour de l’endimanché des têtes. […] Et nous déroulerons ces notes sur FILIGER parce qu’après tous les peintres « parisiens » il est agréable d’en voir un qui s’isole au Pouldu ; parce qu’il montre présentement une sainte Cécile avec un violon et trois anges, et que cela est très beau ; parce qu’il nous plaît ainsi ; parce qu’enfin c’est un déformateur, si c’est bien là le conventionnel nom du peintre qui fait ce qui est et non — forme soufflée dont il le dégangue — ce qui est conventionnel. […] On connaît la Sainte couchée entre les pages, longues comme ses mains, de l’Idéalisme de M. de Gourmont, et les deux têtes, Christ et Vierge, enluminure du Latin Mystique. — Le Jugement dernier s’élabore, mais il faudrait presque qu’il ne fût point fini, car le prétexte sera lors mort de créer des faces d’anges ou de damnés, chevelues de flammes ou de rayons ; et nous n’aimerons plus, forcés, au changement, l’image — où Georgin couche la lame sonore de son verset sur la tête de mort en bois, sonnant à tous les champignons : noirs subitement germés des dalles : Levez-vous, morts, et venez au Jugement. — En attendant l’étonnement de la trompe finale, ce mois : Sainte-Cécile et son violon : sur le ciel bleu d’arrosoir d’or et l’arche-cadre des croix ornementales, le bras : de la Sainte où le sexe hésite, peut-être main de l’ange mêlée à la sienne, union ou communion. […] Et peut-être plus saint… Les démons qui font pénitence entre les longues côtes, semblables à des nasses, des bêtes, grimpent au ciel de leurs quatre griffes, seule marche aux chemins abrupts… C’est pourquoi définitivement l’art de Filiger le surpasse, avec la candeur de ses têtes chastes d’un giottisme expiatoire.
Mais puisque enfin vous voilà homme fait, et dans la pleine maturité de l’âge, de plus grands sujets vous appellent. » Et il lui montrait la troupe glorieuse des saints et des martyrs qui, rangés dans le ciel, n’attendaient que leur poète. […] Santeul, en s’occupant à chanter les saints, et à remplacer leurs anciennes louanges réputées grossières par des hymnes plus polies et plus dignes des concerts célestes, n’avait fait que changer la forme de son orgueil poétique et de sa vanité. […] À toi tout ce que j’ai dit de vrai, tout ce que j’ai dit de saint ; à moi de n’avoir point traité dans une bonne pensée les bonnes chosesd, et en matière sacrée d’avoir été mû, non de l’ardeur de te plaire, mais d’un excessif orgueil poétique, dont je rougis. […] De même que dans La Harpe converti le critique ne le fut jamais, de même dans Santeul devenu auteur de saintes hymnes le poète resta incurable.
Je ne vivrai plus, mais mes chers enfants et petits-enfants, notre sainte religion, nos bons peuples, ne s’en ressentiront que trop. […] « … Il serait bien malheureux que le repos de l’Europe dépendît de deux puissances si connues dans leurs maximes et principes, même en gouvernant leurs propres sujets ; et notre sainte religion recevrait le dernier coup, et les mœurs et la bonne foi devraient alors se chercher chez les barbares. » Elle fait un léger mea culpa sur l’affaire de la Pologne, sur ce partage où l’Autriche s’est laissé induire (le mot est d’elle), en se liant avec ces deux mêmes puissances qu’elle qualifie si durement ; elle a l’air d’en avoir du regret ; et l’on entrevoit pourtant, par quelques-unes de ses paroles, que si pareille chose était à recommencer, et si l’Autriche, abandonnée d’ailleurs, n’avait point d’autre ressource qu’une telle alliance, elle pourrait encore la renouer sans trop d’effort et jouer le même jeu, en se remettant à hurler avec les loups : « Car je dois avouer qu’à la longue nous devrions, pour notre propre sûreté ou pour avoir aussi une part au gâteau, nous mettre de la partie. » La femme ambitieuse laisse ici passer le bout de l’oreille. […] Nos intérêts (si on veut exterminer, je me sers de ce mot, car il faut le vouloir et ne pas négliger, d’écraser les anciens préjugés entre nos États et nations) — sont les mêmes, tant par rapport à notre sainte religion qui a bien besoin qu’on se tienne unis, que par rapport à nos intérêts. (23 août 1778.) » C’est dans cette lettre qu’elle confesse qu’il y a « un peu d’humeur » entre elle et son fils, à cause de cette négociation pacifique qu’elle avait pris sur elle d’entamer. […] Malheureusement, les anciens préjugés dans nos deux nations ne sont pas encore si effacés que je le souhaiterais, et on voit souvent encore revenir les anciennes préventions contre lesquelles il n’y a que notre constance et amitié qui, à la longue, triomphera pour le bien de nos maisons, peuples et sainte religion.
Je ne veux point, couvert d’un funèbre linceuil, Que les pontifes saints autour de mon cercueil, Appelés aux accents de l’airain lent et sombre, De leur chant lamentable accompagnent mon ombre, Et sous des murs sacrés aillent ensevelir Ma vie et ma dépouille, et tout mon souvenir. […] Il ne lui arrive jamais, aux heures de rêverie, de voir, dans les étoiles, des fleurs divines qui jonchent les parvis du saint lieu, des âmes heureuses qui respirent un air plus pur, et qui parlent, durant les nuits, un mystérieux langage aux âmes humaines. […] Mais bientôt il pensait sérieusement au temps prochain où fuiraient loin de lui les jours couronnés de rose ; il rêvait, aux bords de la Marne, quelque retraite indépendante et pure, quelque saint loisir, où les beaux-arts, la poésie, la peinture (car il peignait volontiers), le consoleraient des voluptés perdues, et où l’entoureraient un petit nombre d’amis de son choix. […] C’est alors qu’un soir, après avoir assez mal dîné à Covent-Garden, dans Hood’s tavern, comme il était de trop bonne heure pour se présenter en aucune société, il se mit, au milieu du fracas, à écrire, dans une prose forte et simple, tout ce qui se passait en son âme : qu’il s’ennuyait, qu’il souffrait, et d’une souffrance pleine d’amertume et d’humiliation ; que la solitude, si chère aux malheureux, est pour eux un grand mal encore plus qu’un grand plaisir ; car ils s’y exaspèrent, ils y ruminent leur fiel, ou, s’ils finissent par se résigner, c’est découragement et faiblesse, c’est impuissance d’en appeler des injustes institutions humaines à la sainte nature primitive ; c’est, en un mot, à la façon des morts qui s’accoutument à porter la pierre de leur tombe, parce qu’ils ne peuvent la soulever ;— que cette fatale résignation rend dur, farouche, sourd aux consolations des amis, et qu’il prie le Ciel de l’en préserver.
Peu après, il fut nommé professeur suppléant d’Écriture sainte à la faculté de théologie de Paris, et alla demeurer en Sorbonne ; mais il n’eut point de cours à faire, et il aida bientôt comme second M. de Salinis, nommé alors aumônier du collège de Henri IV. […] Un ermite au froc noir, à la tête blanchie, Marchait d’abord, Vieux concierge du temps, vieux portier de la vie Et de la mort ; Et nous l’interrogions sur les saintes reliques Du grand combat, Comme on aime écouter sur les exploits antiques Un vieux soldat. […] Plus loin, sur les tombeaux, j’ai baisé maint symbole Du saint adieu ! […] L’abbé Gerbet fut le consécrateur et l’exhortant dans cette scène si profondément sincère et si douloureusement pathétique, mais où le chrétien retrouvait de saintes joies.
Voici ce passage : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’a d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard. Si l’histoire du saint personnage n’est écrite de main habile et par une tête qui soit au-dessus de toutes vues humaines, autant que le ciel est au-dessus de la terre, tout ira mal.
Sans être saint, il fait comme les saints, il aspire à l’impossible.