Nous sentons qu’il y a, pour nous, quelque chose de bien plus sérieux à accomplir. […] Serait-il excessif ou faux de dire que les poètes sont des adorateurs les plus sérieux de Dieu ? […] Certains poètes grands et sérieux ont méconnu la politique. […] Ce n’est que par l’application la plus sérieuse que des créateurs comme Sophocle, comme Phidias, comme Platon, comme Dante, comme Michel-Ange, comme Descartes, comme Hugo, comme Carlyle, comme Vigny, ont pu acquérir peu à peu cette étendue d’inspiration, cette certitude dans la technique, cette force et cette justesse dans tous les sens de l’art. […] * * * Tels sont donc plusieurs des devoirs auxquels se soumettent les poètes sérieux.
Quoi de plus enfantin et de plus grossier que cette invention, qui ne peut être, pour être quelque chose, qu’une mauvaise plaisanterie exécutée avec une conscience et un sérieux sans égal par l’homme le moins gai, pour ne pas dire le plus sombre, par l’esprit le plus complètement et le plus férocement anglais, quoique Irlandais, qui ait jamais existé ! […] Machiavel, le sphynx de Florence, a laissé un doute sur le sérieux de son Traité du Prince. […] Telle est la plaisanterie de Swift, ce sanglier saxon, qui n’a pas d’articulation dans le cou et qui se retourne tout d’une pièce ; tel est l’esprit de ce Voltaire anglais, de ce bouffon au masque immobile, qui, à force de sérieux, finit par être sinistre, et qui l’a été, une fois, plus que les fossoyeurs de Shakespeare bouffonnant avec des têtes de mort dans le cimetière d’Elseneur. […] Ce mépris-là fut toujours sérieux.
L’art est donc vraiment une réalisation immédiate par la représentation même ; et cette réalisation doit être assez intense, dans le domaine de la représentation, pour nous donner le sentiment sérieux et profond d’une vie individuelle accrue par la relation sympathique où elle est entrée avec la vie d’autrui, avec la vie sociale, avec la vie universelle. […] Le grand art, l’art sérieux est celui où se maintient et se manifeste cette unité ; l’art des « décadents « et des « déséquilibrés », dont notre époque nous fournira plus d’un exemple, est celui où cette unité disparaît au profit des jeux d’imagination et de style, du culte exclusif de la forme. […] Loin d’être, comme le croit l’école de Spencer, un simple « jeu de nos facultés « représentative », l’art est la prise au sérieux de nos facultés sympathiques et actives, et il ne se sert de la « représentation », encore une fois, que pour assurer l’exercice plus facile et plus intense de ces facultés qui sont le fond même de la vie individuelle et sociale.
Si le fond et l’idée sont parfois plus à discuter que le style, il est en tout une certaine précision, une certaine franchise et un sérieux (nous y reviendrons), qui ne l’abandonnent jamais. […] cet auteur, si suspect aux religieux observateurs du mariage, n’a pas craint de mettre là en scène un mari à demi trompé, qui n’a rien de ridicule ni de paterne, mais plein de sérieux, et s’élevant à une éloquence parfois qui a gagné le public, quelque peu surpris. […] Je le dis bien haut, parce que ç’a toujours été ma pensée : dans cette Lélia même, si attaquée en naissant, il n’y a rien qui n’émane d’un esprit plutôt sévère, d’une imagination sérieuse, trop sérieuse même, puisqu’elle ne prévoit pas toujours les chances de l’ironie et de la malignité.
Il se ruina, s’endetta, et il en était à regretter d’un air sérieux ses premiers désordres, car « le ridicule, pensait-il, est préférable à la pauvreté ». Le pauvre homme, enfin, avec de l’esprit et bien des qualités aimables, était plus qu’en chemin de se rendre à tout jamais ridicule et méprisable dans la société, quand il commença à faire quelques réflexions sérieuses, auxquelles une maladie grave vint prêter appui. […] Ces Dialogues ne sont pas entièrement de lui ; c’est le résultat des conversations sérieuses qu’il eut avec un de ses amis, l’abbé de Dangeau, homme distingué, estimable, métaphysicien aussi exact qu’on peut l’être, grammairien philosophe, et qui, à dater de ce jour, prit sur l’abbé de Choisy un ascendant des plus salutaires. […] La seule chose sérieuse qu’il y fait, c’est d’entrer au séminaire et d’y recevoir les ordres sacrés en quatre jours, des mains d’un évêque in partibus. […] Il mène et conduit les narrations les plus sérieuses avec le même dégagé qu’il ferait Peau d’âne : c’est un talent.
Le caractère des Français veut un monarque sérieux ; c’est Montesquieu qui l’a dit : oserons-nous ajouter qu’il veut un Dieu sérieux ? […] Mais cette recommandation est-elle sérieuse ? […] S’il n’est pas sérieux, que parle-t-il de désespoir ? […] Toute chose n’est sérieuse que par là. […] Quinet est triste et n’est pas sérieux.
Ensuite, la variété du génie grec, son enjouement dans les matières sérieuses, sa hardiesse spéculative, sa netteté et sa précision dans les sciences, s’ajustaient mieux à l’esprit de Rabelais que la sévérité du latin, outre que le latin était la langue de la discipline et des interdictions. […] Non qu’il n’y ait dans la partie bouffonne un certain sel qui pique même les esprits sérieux mais, pour la bien goûter, il y faut apporter une disposition d’esprit analogue : au lieu que, pour cette part de l’utile, tout esprit cultivé y est toujours assez préparé. […] On regrette qu’il n’ait jamais, soit la volonté, soit la force de suivre une idée sérieuse. […] On a remarqué de tous les grands écrivains comiques, qu’ils ont eu l’humeur sérieuse triste et mélancolique. […] Le trait le plus touchant du caractère de Molière, c’est le contraste du sérieux de son humeur et de la gaieté si franche de son esprit.