/ 1899
203. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Car il est justement l’œuvre de ce public nouveau que forment alors le nouveau régime et les nouvelles mœurs : je veux dire de l’aristocratie désœuvrée par la monarchie envahissante, des gens bien nés, bien élevés, qui, écartés de l’action, se rejettent vers la conversation et occupent leur loisir à goûter tous les plaisirs sérieux ou délicats de l’esprit348. […] Sa lacune originelle. — Signes de cette lacune au dix-septième siècle. — Elle s’accroît avec le temps et le succès. — Preuves de cet accroissement au dix-huitième siècle. — Poèmes sérieux, théâtre, histoire, romans. — Conception écourtée de l’homme et de la vie humaine. […] Il n’y a de vivant au dix-huitième siècle que les petites esquisses brochées en passant et comme en contrebande par Voltaire, le baron de Thundertentrunck, mylord Whatthen, les figurines de ses contes, et cinq ou six portraits du second plan, Turcaret, Gil Blas, Marianne, Manon Lescaut, le neveu de Rameau, Figaro, deux ou trois pochades de Crébillon fils et de Collé, œuvres où la familiarité a laissé rentrer la sève, que l’on peut comparer à celles des petits-maîtres de la peinture, Watteau, Fragonard, Saint-Aubin, Moreau, Lancret, Pater, Baudouin, et qui, reçues difficilement ou par surprise dans le salon officiel, subsisteront encore, lorsque les grands tableaux sérieux auront moisi sous l’ennui qu’ils exhalaient. […] Tant de poèmes sérieux, depuis la Henriade de Voltaire jusqu’aux Mois de Roucher ou à l’Imagination de Delille, que sont-ils sinon des morceaux de rhétorique garnis de rimes ?

204. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

D’autres enfin, qui seraient consciencieux, sincères et ne demanderaient qu’à prendre leur travail au sérieux, sont gênés sans cesse par l’attitude du directeur qui gouverne l’organe où ils écrivent. […] Un critique, différent pour chaque rubrique, donnerait des analyses sérieuses des livres qui lui paraissent les plus importants, et remettrait à un critique qui lui serait adjoint, et qu’il aurait choisi, le reste des livres concernant cette rubrique et dont ce lieutenant donnerait un bref compte rendu. […] L’effort critique des écrivains contemporains, qui est sérieux et suivi, paraît intéresser les lecteurs des journaux et des revues. […] Et il faut que cette camaraderie complaisante des critiques soit un danger assez sérieux puisqu’il a été signalé par plusieurs.

205. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Il a versé son immense savoir dans son roman de Vathek ; mais, au lieu de donner à son œuvre la forme grande et sérieuse dont elle était digne, il conte dans un style badin, pastiche très habile de Hamilton, les plus sombres et les plus terribles légendes qu’ait inventées l’imagination orientale. Pouchkine, dans Rousslan et Lioudmila, est un épicurien incrédule qui ne sait pas garder son sérieux en débitant ses contes. […] Grâce à des amis très chatouilleux sur le point d’honneur pour leurs amis, l’affaire est déclarée sérieuse ; un duel a lieu, et Lenski est tué. […] Il y revient mûri par le chagrin et par l’étude, plus indulgent pour les autres, moins égoïste et plus sérieux.

206. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

De la fantaisie franche, elle est passée à la comédie grave ; des traits sérieux se sont mêlés aux francs éclats de son rire. […] Monteprade, au contraire, est un digne et sérieux vieillard. […] Je veux mon rang parmi les femmes sérieuses, Ces mères et ces sœurs pour nous mystérieuses, Dont nous ne savons rien, pauvres filles, sinon Le respect que font voir nos amants à leur nom. […] Elle manque d’importance, de gravité, de sérieux historique, de foi en elle-même.

207. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Dans l’expression pourtant il se glisse quelques termes trop enfantins comme on en passe à saint François de Sales, mais qui sont déplaisants ici sous une plume châtiée et dans le sérieux du Grand Siècle : « Il faut vous apetisser, vous faire enfant, vous emmaillotter et vous donner de la bouillie ; vous serez encore une méchante enfant. » Ce sont là les mièvreries du genre, et le mauvais goût de Fénelon. […] S’il a l’esprit sérieux, il le dérobe souvent, il a l’enfance de l’imagination ; la langue de son temps y prête, et il en use comme d’un privilège qui lui serait singulier. […] Je ne veux pas trop le presser dès à présent et le définir, ayant à le montrer encore par de plus sérieux côtés.

208. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Il représente une phase nouvelle et un progrès social dans la science qu’il cultivait avec succès ; il contribua plus que personne en son moment à la rendre facile, accessible, même élégante de forme, en la laissant sérieuse et solide ; à la tirer des écoles, sans la rendre pour cela frivole et sans la profaner. […] L’un, élevé au faîte de la gloire, ne voit que du repos dans l’enseignement ; son langage est froid et sérieux ; pourquoi s’agiterait-il ? […] Cromwell a voulu éteindre la race de ses rois, tu as voulu détruire la Faculté ; il n’a pris que le titre modeste de Protecteur, tu t’es contenté de celui de secrétaire de la Société, etc., etc. » Mais il ne faudrait pas croire que tout cela ait été dit au sérieux ; la lettre mise sous le nom d’Andry, membre de la Société royale, n’est faite que pour ridiculiser tout le monde et Andry lui-même ; celle lettre est encore de Le Roux des Tillets.

209. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Mesnard et en voyant un magistrat éminent et un homme politique aussi distingué profiter de quelques moments de loisir pour traduire Dante comme autrefois l’on traduisait Horace, ma première pensée a été de me dire qu’il avait dû se passer en France toute une révolution littéraire, et qu’un grand travail s’était fait dans les portions les plus sérieuses de la culture intellectuelle et du goût. […] Ceux même qui connaissaient le mieux l’Italie, tels que de Brosses, et qui y mettaient plus d’application et de sérieux, n’étaient pas d’un sentiment très différent. […] Ginguené le premier se distingue bien méritoirement dans les études critiques sérieuses et suivies, qui vont s’ouvrir pour ne plus cesser.

/ 1899