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189. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Ciceron, après avoir parlé de l’usage que les pythagoriciens faisoient de la musique dans leur régime, pour ainsi dire, et après avoir dit que Numa le second roi des romains, tenoit de l’école de Pythagore plusieurs usages qu’il avoit introduits dans son petit état, cite comme une preuve de ce qu’il venoit d’avancer la coutume de chanter à table les loüanges des grands hommes avec un accompagnement d’instrumens à vent. […] Nous avons expliqué déja ci-dessus ce que les romains entendoient par le mot carmen. […] Nos vers ne portent point leur mesure avec eux comme les vers metriques des grecs et des romains la portoient.

190. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Personne plus que nous, quand les Césars furent réédités, ne dit plus de bien et un bien plus vrai de ce talent gracieux dans la force qui nous avait reproduit chastement ce fragment impur d’histoire romaine, que Suétone avait déjà peint comme un trumeau d’Herculanum ! […] cet homme qui eut, comme écrivain, une énergie si nerveuse et si souple, le coup de griffe gracieux et mortel du jeune tigre des cirques romains, quand il touchait à la Rome corrompue et à ses abominables maîtres, cet écrivain qui s’est nourri toute sa vie de la plus pure moelle de Tacite, n’est plus qu’un talent spirituel encore, mais énervé. Dans ce grand sujet de Rome et la Judée, dans ce vis-à-vis énorme, mais si facile à la rhétorique et aux déclamations, du monde de l’ancien Testament aboli, de la Synagogue dispersée par l’épée romaine, et de la chaire de Saint-Pierre érigée debout, dans l’apocalypse d’un monde nouveau, il aurait fallu une touche si mâle et si ferme, il aurait fallu quelque reflet surnaturel de saint Paul et de saint Jean réunis, formant le rayon d’une inspiration plus que pittoresque et plus que littéraire, et, au lieu de cela, nous avons un peintre grêle de salon, — presque un feuilletoniste d’histoire, quelque chose comme un Pontmartin historique ; car Champagny, dans ce dernier livre, a beaucoup de Pontmartin !

191. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

C’est en cela que le peuple romain surpassa tous les autres, c’est par là qu’il mérita d’être le peuple roi. […] Mais les jurisconsultes romains l’ont prise pour premier principe du droit naturel. […] Voilà, à ce qu’il semble, le caractère de l’éloquence romaine au temps de Scipion-l’Africain ; mais les états populaires venant à se corrompre, la philosophie suit cette corruption, tombe dans le scepticisme, et se met, par un écart de la science, à calomnier la vérité.

192. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Porté si loin par la conquête, l’idiome romain recevait de points fort opposés ses orateurs et ses poëtes. […] La poésie la plus élégante, dans le siècle poli qui succédait aux proscriptions romaines, ne s’était pas refusé ce langage du deuil dans l’élégie et dans l’ode, et les noms d’Ovide et d’Horace nous le disent assez. […] Mieux vaut, même dans les ruines du génie des Romains, recueillir une de ces épitaphes qu’avaient laissées les martyrs.

193. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Cette délicatesse de bon goût fut ignorée des Romains aux époques où les Néron et les Héliogabale aimaient à anéantir les choses les plus précieuses, comme par une sorte de fureur. — 6. […] L’usage en resta dans les sacrifices, et les Romains appelèrent toujours prosficia les chairs des victimes rôties sur les autels que l’on partageait entre les convives ; dans la suite les victimes, comme les viandes profanes, furent rôties avec des broches.

194. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

Lorsqu’il eut par des voies surnaturelles éclairé et affermi la vérité du christianisme, contre la puissance romaine par la vertu des martyrs, contre la vaine sagesse des Grecs par la doctrine des Pères et par les miracles des Saints, alors s’élevèrent des nations armées, au nord les barbares Ariens, au midi les Sarrasins mahométans, qui attaquaient de toutes parts la divinité de Jésus-Christ. […] À partir du commencement du cinquième siècle, où les barbares inondèrent le monde romain, les vainqueurs ne s’entendent plus avec les vaincus.

195. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

Il ne nous appartient pas — et il serait sans doute infructueux — de rechercher ce qui nous est parvenu du sang ou de l’humeur de nos aïeux celles et gaulois, dans quelle mesure précise, de quelle façon la conquête romaine et l’immigration franque ont modifié le tempérament de la race, où s’étaient déjà mêlés plusieurs éléments. […] Ils agirent comme un puissant réactif, ajoutant sans doute aux éléments celtique et latin, mais surtout les forçant à se combiner, à s’organiser en une forme nouvelle : en leur présence, et à leur contact, se forma, se fixa ce composé qui sera la nation française, composé merveilleux, où l’on ne distingue plus rien de gaulois, de romain ni de tudesque, et dont on affirmerait l’absolue simplicité, si l’histoire ne nous faisait assister à l’opération qui l’a produit.

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