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1281. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Corneille I. Comédie française : le Cid 15 juin 1880. La Comédie française a fêté l’anniversaire de Corneille en nous donnant le Cid, c’est-à-dire le plus jeune et, tout le monde le sent, quoique tout le monde ne l’avoue pas, le plus beau de ses drames ; j’ajoute bravement : le seul que j’aime sans réserve et de tout mon cœur. La représentation a été, dans son ensemble, brillante et chaleureuse. Les comédiens semblaient soulevés d’un vent d’enthousiasme ; les grands vers et les beaux vers héroïques et amoureux sonnaient avec allégresse.

1282. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Mais supposez qu’au lieu d’être prononcée devant de lourds Romains, la phrase de Crassus ait été dite à Athènes, à la fin du ve  siècle, et qu’un certain Socrate se fût trouvé présent à l’entretien. […] Brunetière, qui savait mal douter, s’appliquait à bien bâtir, à jeter oratoirement, comme Cicéron Branquebalme, des aqueducs romains, et c’est pourquoi il se fit conduire par Bossuet comme Dante par Virgile. […] Pour un Français il n’y a pas deux antiquités, il y en a trois, la grecque, la romaine, la française du xviie  siècle.

1283. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

C’est l’esprit poétique qui inspire, par exemple, des poésies comme celle du Maître d’études : Le maître d’études a « l’esprit des vieux Romains, il est un flambeau, un destin tronqué, un matin noyé dans les ténèbres, il a des yeux funèbres, il est sans oiseaux dans son ciel, sans amours dans son cœur. […] L’École des Beaux-Arts, boutique spéciale pour les costumes romains, anciens et modernes, confections de martyrs et de Vénus ; les paysagistes, des faiseurs d’effets ; quatre à peine osent aborder la franche lumière du midi. […] Corrègeaa, habile peintre à faire une Antiope à chair ferme et éblouissante ; Raphaël, roide, sec, élégant, mathématique, ennuyeux, homme dont la jeunesse brillante, la beauté et la mort rapide ont plus consacré la renommée que n’aurait pu faire son talent seul ; le Dominiquin et ses Romains de théâtre ; le Guerchin, les Carrache, Vinci, Giorgioneab, qui se sauvera d’entre eux comme homme de pensée ou de sentiment ? […] Quant à celui de M. de Laborde, espèce de monument romain d’une taille et d’une solidité formidables, j’avais d’abord cru qu’il porterait un peu le carnage parmi les idées officielles ; car l’écrivain dit fièrement : Je suis un innovateur et je déteste la routine.

1284. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Le peintre David n’a peut-être pas vu tant de malices dans cet élan, où l’homme passionné, aimant, amoureux, apparaît sous le masque romain de l’empereur. […] Les chefs de l’État français, qui s’appelaient alors les « citoyens directeurs » Barras, François (de Neufchâteau), Merlin (de Douai), Rewbell et Révellière-Lépeaux, étaient vêtus d’un costume romain et attendaient, en cet équipage, le nouveau Cincinnatus. […] On songe parfois en parcourant les catalogues de nos librairies et les programmes de nos « bouis-bouis », à ces titres suggestifs que Tertullien lisait sur les affiches des théâtres de Rome, au temps où l’empire romain se décomposait dans les cirques… Des aventures immondes, des « élégances » répugnantes, toutes les variétés de l’éréthisme abêtissant, de l’amour égrillard et de l’adultère bourgeois, voilà ce que nous avons vu, revu à satiété, dans les boudoirs, alcôves, « garçonnières » et cabinets de toilette, sempiternellement décrits par nos romanciers mondains. […] Voulez-vous maintenant que je vous cite une page de la grande Histoire romaine qu’achève mon vieil ennemi M. 

1285. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

S’il s’agit de pièces grecques ou romaines, il est d’ailleurs évident que le point de vue d’où on a successivement jugé l’antiquité s’est fréquemment déplacé, et que la même représentation ne pourrait satisfaire les spectateurs actuels, après avoir satisfait ceux des deux derniers siècles. […] S’il s’agit, non plus de pièces grecques ou romaines, mais d’une œuvre dramatique dont le sujet a été pris dans le monde contemporain de l’époque où elle a paru pour la première fois à la scène, il faut distinguer si l’œuvre est ancienne ou moderne. […] Comme nous n’avons que des idées fort confuses sur ce que pouvait être la demeure d’un Thésée, je ne ferai aucune difficulté d’accepter l’architecture du décor, bien qu’elle pût convenir à toute autre tragédie grecque et même à une tragédie romaine. […] Jadis, on faisait généralement avancer les soldats grecs et les licteurs romains en une sorte de file indienne ; puis ils faisaient front, face au public, comme nos conscrits sur le terrain d’exercice.

1286. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Pour le Bain d’une jeune Romaine, il fait plus, il note la journée précise où elle aurait été composée, « le 20 mai 1817. » La Dryade y prend pour second titre celui d’idylle « dans le goût de Théocrite. » Pourquoi ces minutieuses précautions rétroactives ?

1287. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Chez les Romains, en ceci assez pareils aux Grecs, Calpurnie, la femme de Pline le Jeune, était assurément une femme lettrée et des plus cultivées par l’étude, mais à l’usage et en l’honneur de son mari seulement : à force de tendresse conjugale et de chasteté même, elle s’était faite tout entière à son image, lisant et relisant, sachant par cœur ses œuvres, ses plaidoyers, les récitant, chantant ses Vers sur la lyre, et, quand il faisait quelque lecture publique ou conférence, l’allant écouter comme qui dirait dans une loge grillée ou derrière un rideau, pour y saisir avidement et boire de toutes ses oreilles les applaudissements donnés à son cher époux.

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