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660. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Tous ces dialectes ont avec celui de l’Ile-de-France, lequel devait être la langue française, des rapports de vassalité, semblables à ceux qui liaient les seigneurs au roi. […] Un grand roi et un grand pape, Louis IX et Innocent III, l’un en exigeant du clergé plus de connaissances et de lumières, l’autre en encourageant les doctes et en fondant les premiers établissements littéraires, font faire un progrès notable à l’esprit français. […] Il avait vu dans son sommeil le roi agenouillé devant un autel, et plusieurs prélats le revêtant d’une serge rouge de Reims. […] Combien ces questions du roi sur Dieu ces leçons de morale qu’il donne au chevalier, lequel avouait naïvement qu’il aimait mieux se mettre trente fois en péché mortel que d’avoir la lèpre ; ces disputes avec le fondateur de la Sorbonne, en présence de Louis IX, qui jugeait entre son sénéchal et son chapelain ; combien ces entretiens sévères ou capricieux du roi avec Joinville ne donnent-ils pas plus à penser que les aventures héroïques de l’époque de Villehardouin, époque toute d’action, où il est si rare de trouver la trace d’un retour de l’homme sur lui-même, et où la pensée ne paraît être qu’un instinct perfectionné ! […] Le sens de cette confusion universelle, dans laquelle il vivait, était trop obscur pour qu’il fût tenté de le chercher et comment se serait-il ému de toutes ces destructions de la guerre, dont personne, ni peuple, ni noble, ni roi, n’était excepté ?

661. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Le service du roi était coûteux ; Vauvenargues, capitaine au régiment du roi, ne recevait que peu de secours de sa famille, et il était obligé à bien des dépenses par position, en même temps qu’il était libéral et généreux par nature. […] J’ai eu quelque pensée sur M. d’Oraison ; il a un fils qu’il voulait mettre au Régiment du roi ; je le défie de l’y faire entrer, à qui que ce soit qu’il s’adresse ; mais il est riche, il a des amis ; cela ne le touchera guère ; il trouvera bien à le placer : cependant, s’il persistait à le vouloir avec nous, je le prendrais bien sur moi, et je lui tiendrais parole ; mais comment lui dire cela, comment même l’en persuader ? […] Ainsi il est d’avis de tenter M. d’Oraison de deux manières : ou du côté de son fils, s’il persiste à le vouloir faire entrer dans le Régiment du roi : Vauvenargues, toute difficile qu’est la chose, s’en chargerait et en ferait son affaire ; — ou du côté d’une de ses filles : il s’engagerait bien à en épouser une dans deux ans, s’il n’était en mesure alors de le rembourser ; il payerait de sa personne, moyennant toutefois certaine condition de dot.

662. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Mais Saladin, grêle et fin, et faisant déjà le vaincu, n’a pris qu’un coussin de soie rempli de duvet, et a demandé à Richard si avec sa grande épée il le pourrait pourfendre : — Non, certainement, répondit le roi ; nulle épée, fût-ce l’Excalibar du roi Arthur, ne pourrait fendre ce qui n’oppose aucune résistance. — Et lui, Saladin, d’un coup habile de son cimeterre qui ressemble à une faucille dorée, a déjà divisé le coussin sans presque faire semblant. […] Pétrarque à la main (roi des élégances), J’arrondis mon style et me crois Toscan : Le ton primitif se fond en nuances ; Mais soudain ma voix part en dissonances… Oh ! […] Comme je voyageais sur le chemin de Rome, lannic Côz, une lettre arrivait jusqu’à moi ; On y parle de vous, brave homme, Des chanteurs de Tréguier vous le chef et le roi.

663. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il avait l’imagination tendre et vive ; enfant, sa pensée se tournait naturellement aux choses célestes, et, dans ce pays de montagnes, il s’était accoutumé à les considérer comme les colonnes qui portaient le palais du Roi des mondes ; il ne s’agissait que de gravir pour y atteindre : Comme cette pensée roulait sans cesse dans son esprit, nous dit M. de Rémusat, qui se fait ici le traducteur excellent et l’humble interprète du premier biographe, il arriva qu’une nuit, il crut la réaliser. Il vit dans une plaine des femmes qui étaient les servantes du roi, et qui faisaient la moisson avec une paresse et une négligence extrêmes. […] Il gravit donc la montagne et se trouva dans le palais du roi, resté seul avec le premier officier de sa Cour (Dapifer), car c’était la saison des récoltes et tout le monde était aux champs. En entrant il s’entendit appeler, et il alla s’asseoir aux pieds du roi.

664. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Il parle, il dicte, il agit, et toujours avec la même supériorité aisée ; élégant, éloquent, prodigue, le premier au Forum ou dans les soupers, futur roi du genre humain ou roi des convives, il a le génie d’Alcibiade, mais il y joint une ambition constante et fixe qu’Alcibiade n’avait pas.

665. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Nous savons par l’histoire, que plusieurs des rois d’Égypte qui avaient foulé leurs peuples pour élever ces pyramides immenses, furent flétris par la loi, et privés des tombeaux qu’ils s’étaient eux-mêmes construits. […] Mais aussi lorsqu’un prince humain et bienfaisant, tel qu’il y en eut plusieurs, avait cessé de vivre, et que les prêtres récitaient ses actions en présence du peuple, les larmes et les acclamations se mêlaient aux éloges ; chacun bénissait sa mémoire, et on l’accompagnait en pleurant vers la pyramide où il devait éternellement reposer… Depuis trois mille ans, ces usages ne subsistent plus, et il n’y a dans aucun pays du monde, des magistrats établis pour juger la mémoire des rois ; mais la renommée fait la fonction de ce tribunal ; plus terrible, parce qu’on ne peut la corrompre, elle dicte les arrêts, la postérité les écoute, et l’histoire les écrit.

666. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Que le lion soit roi, rien de plus juste. […] — Non pas, c’était un roi dont les feux violents Me firent ressentir leur ardeur criminelle. […] — J’en parle bien aux rois. — Quand un roi te prendra,     Tu peux lui conter ces merveilles. […] Ce n’est qu’une échappée, il ne faut pas qu’elle dure ; d’ailleurs vous plaisantez, et on ne plaisante que légèrement ; dites que le renard est un courtisan, que le lion est un roi ; cette comparaison prise à la volée nous montrera un air de tête, un geste expressif ; mais passez vite ; si vous insistiez, toute l’image disparaîtrait. […] Comme vous êtes roi, vous ne considérez Qui ni quoi ; Rois et dieux mettent quoi qu’on leur die.

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