/ 2716
500. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Aussitôt la razzia finie, le sous-gouverneur s’en revient au galop avec son butin et son cortège ; Horace, qui les guettait avec impatience, va nous les montrer comme si nous les voyions : « Nous avons vu venir de loin sur le sable des fantassins et quelques cavaliers suivis de troupeaux, de prisonniers et d’une arrière-garde. […] Horace revint vite à sa manière, à ses travaux, à la célébration des hauts faits et des exploits qui, en France, ne sont inféodés à aucun régime. […] C’est une baraque. » — « Je reviendrai l’année prochaine, repartit Horace, et vous y serez encore. » Il fut piqué du mot, et puis l’ennui le tenait déjà ; il s’en revint en France. […] Horace persistait, le général aussi : « J’ai fait tout mon avancement dans les guides, je dois m’y connaître. » Horace n’en voulut pas avoir le démenti ; il alla au ministère de la guerre et revint preuves en main.

501. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Ainsi, autrefois, on disait Sarge, et la Cour même continuait de le dire ; mais Paris, où le mot revenait plus souvent, prononçait Serge. […] Et dès lors j’en fis ce jugement, qui se peut faire en beaucoup d’autres mots, qu’à cause qu’on en avait besoin et qu’il était commode, il ne manquerait pas de s’établir. » Arnauld avait risqué le mot d’Exacteté dans son livre de la Fréquente Communion (1643), se réglant en cela sur les terminaisons en usage dans les mots de Netteté, Sainteté, Honnêteté ; mais, se voyant à peu près seul, il se rétracta depuis et revint à Exactitude. […] Il l’accuse de ne pouvoir jamais se contenter elle-même, et de gâter souvent un premier jet heureux à force d’y revenir et de le retoucher. […] La Mothe-Le-Vayer n’est guère qu’un Montaigne un peu tardif et alourdi ; mais il y a temps pour tout, il y a l’occasion qui ne revient pas ; il y a une heure pour Montaigne, et une heure pour Vaugelas. […] Et parmi les adjectifs, ce mot splendide que j’employais tout à l’heure, qui revient sans cesse à la bouche et trop souvent, je l’avoue, faut-il pour cela le tenir en dehors et l’exclure dans le sens où on l’applique ?

502. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Parce que chaque soir revient funèbre et sombre, chaque matinée de soleil ne nous rend-elle pas un peu de vrai printemps ?  […] On le voulut sauver en lui filant une corde : « Je suis prisonnier sur parole, » s’écrie-t-il du milieu des flots ; et il revient à terre, où il est fusillé avec Sombreuil. — Gesril, vous êtes mort en héros, vous avez égalé Régulus et surpassé d’Assas ; et qui connaît votre nom cependant ? […] Mis au collége à Dol, où il apprend Bezout, où il sait par cœur toutes ses tables de logarithmes depuis 1 jusqu’à 10,000, où il fait des vers latins si coulamment que l’abbé Egault, son préfet, le surnomme l’Élégiaque, le chevalier revient passer ses vacances non plus à Saint-Malo, mais à Combourg. […] Le chevalier déclare qu’il renonce à la marine : on décide qu’il achèvera ses études à Dinan et qu’il embrassera l’état ecclésiastique ; mais Dinan est à quatre lieues de Combourg, et il revient perpétuellement à ce gîte austère et chéri jusqu’à ce qu’on s’accoutume à l’y laisser à demeure. […] Mais la route, les grands chemins seulement, les rêves du poëte-ambassadeur, de Sterne-René, dans la vieille calèche autrefois construite à l’usage du prince de Talleyrand ; mais les paysages de Bohême, les conversations avec la lune où tous les souvenirs reviennent et se jouent, tantôt dans une moquerie légère, tantôt dans une ivresse voluptueuse qui ranime, comme sous des baisers, les plus chers fantômes ; mais Venise et la Zanzé de Pellico, et le Lido où l’enfant des mers salue avec amour ses vagues maternelles ; mais Ferrare, et la destinée du Tasse qu’il marie à la sienne, comme un poëme dans un poëme ; ce serait là matière à bien des réminiscences aussi, à bien des fuites sinueuses et des étincelles.

503. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Sans doute, si la plupart des auteurs, des héros de la Révolution revenaient un moment parmi nous, s’ils considéraient ce qu’ils ont payé de leur sang, ils souriraient un peu de pitié, à moins que l’âge, comme nous l’avons vu de quelques-uns, n’eût refroidi leurs antiques exigences et tranquillisé leurs veines. […] A propos de l’organisation des gardes nationales, on était revenu sur la distinction des citoyens en actifs et passifs : de là sa colère et ses larmes de sang. […] Mme Roland, quinze jours avant sa mort, rétractait sans aucun doute ses anciennes âcretés contre La Fayette, en justifiant dans les termes suivants, Brissot, accusé par Amar de complicité avec le général : « Il avait partagé l’erreur de beaucoup de gens sur le compte de La Fayette ; ou plutôt il paraît que La Fayette, d’abord entraîné par des principes que son esprit adoptait, n’eut pas la force de caractère nécessaire pour les soutenir quand la lutte devint difficile, ou que peut-être, effrayé des suites d’un trop grand ascendant du peuple, il jugea prudent d’établir une sorte de balance. » Ces diverses suppositions sont évidemment des degrés par lesquels Mme Roland revient, redescend le plus doucement qu’elle peut de son injustice première. […] Revenue à Paris à la fin de l’année 91, Mme Roland entra, on peut le dire, au ministère avec son mari, en mars 92. […] Mme Roland, dans une autre lettre à part (28 octobre), y revient en tâchant de calmer et de ramener au vrai l’imagination de son ami.

504. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

En 1760, au Grandval, chez le baron d’Holbach, partagé entre la société la plus séduisante et les travaux de philosophie ancienne qu’il rédigeait pour l’Encyclopédie, ces circonstances d’autrefois lui revenaient à l’esprit avec larmes ; il remontait par la rêverie le cours de sa triste et tortueuse compatriote, la Marne, qu’il retrouvait là, sous ses yeux, au pied des coteaux de Chenevières et de Champigny ; son cœur nageait dans les souvenirs, et il écrivait à son amie, mademoiselle Voland : « Un des moments les plus doux de ma vie, ce fut, il y a plus de trente ans, et je m’en souviens comme d’hier, lorsque mon père me vit arriver du collège, les bras chargés des prix que j’avais remportés, et les épaules chargées des couronnes qu’on m’avait décernées, et qui, trop larges pour mon front, avaient laissé passer ma tête. […] Diderot est revenu fréquemment sur cette idée, et l’a présentée sous les formes bienveillantes du scepticisme le moins arrogant. […] Comment maltraiter un enfant qui revient de si loin ?  […] Mais Socrate, à ma place, la leur aurait arrachée. » Il dit en un endroit au sujet de Grimm : « La sévérité des principes de notre ami se perd ; il distingue deux morales, une à l’usage des souverains. » Toutes ces idées excellentes sur la vertu, la morale et la nature, lui revinrent sans doute plus fortes que jamais dans le recueillement et l’espèce de solitude qu’il tâcha de se procurer durant les années souffrantes de sa vieillesse. […] Ceci est trop sévère pour Grimm ; je suis revenu, depuis, à de meilleures idées sur son compte, en l’étudiant de près.

505. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — « Il me revenait souvent à l’esprit, dit M.  […] La sensation ressuscitant dans l’image, l’image revient plus forte quand la sensation s’est trouvée plus forte. […] Pareillement, le chuchotement des petits flots et le tintement des clochettes me reviennent lorsque mes images visuelles sont celles du flot et de la rive ; un commencement de son imaginaire accompagnait déjà les formes colorées imaginaires ; il se dégage, et nous le sentons se reproduire avec toutes ses nuances et jusqu’au bout. […] Il revint bientôt à lui, mais sans se souvenir en aucune façon de l’accident. […] Combes mentionne le cas d’un Irlandais, porteur commissionnaire d’une maison de commerce, qui, étant ivre, laissa un paquet à une fausse adresse, et, revenu à lui, ne put se rappeler ce qu’il en avait fait.

506. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Le duc d’Enghien est fusillé : il envoie sa démission le 20 mars 1804 ; et bientôt, ayant formé le dessein des Martyrs, il part pour l’Orient (1806), il visite la Grèce, Jérusalem, il revient par Carthage et Grenade ; il rentre à Paris le 5 juin 1807. […] Il servit la cause des Bourbons avec désintéressement ; mais il appartient à Chateaubriand d’avoir le désintéressement égoïste : il sert pour l’honneur, ce qui revient, dans la pratique, à se détacher du succès de la cause, à se satisfaire des actes ou des gestes qui dégagent son honneur. […] Il y a quelque chose de risible dans la gravité de cette question, qui revient à la fin de maint chapitre : Et si j’étais mort à ce moment-là ? […] Mais nous y reviendrons. […] Il a donné des leçons d’individualisme, dont nos romantiques s’inspireront ; et à travers Byron, ce sera encore Chateaubriand qui leur reviendra.

/ 2716