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330. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Arrivé aujourd’hui au commencement du dix-septième, nous le retrouvons tel que nous l’avons connu dans les publications précédentes : historien effaré, qui ne veut pas se donner la peine de faire bien ; qui sait, mais qui met sa haine au-dessus de la science ; coquet dans cette haine comme la femme que nous avons dit qu’il était ; artiste en blessures, travaillant ses assassinats comme des bijoux. […] Pourquoi ce Livre d’Or d’une noblesse recherchée et retrouvée dans cette foule que le poète Barbier appelle une sainte canaille et qui est bien au-dessus de tous les blasons du génie, de la gloire et du caractère, privilèges insolents de toutes les grandes personnalités de l’histoire ? […] Vous les retrouveriez trait pour trait et presque mot pour mot dans cette Histoire de la Révolution française, maintenant terminée si vous vouliez les y chercher… et telle est la première sensation désagréable que nous cause ce livre fait avec un autre livre, dans lequel la pensée, devenu inféconde, se reprend à couver la coquille vidée d’un œuf éclos. […] Dans ses Femmes de la Révolution, il a retrouvé tout entière son ancienne rage contre le prêtre à propos des femmes, près desquelles il le voit toujours, et qui furent hostiles à la confiscation des biens de l’Église, à la boucherie de l’échafaud ! Cette rage retrouvée l’aveugle au point que lui, l’historien, l’homme des faits, dans une note de la page  129 qu’il nous est impossible de transcrire, non par pudeur, mais par honte (que le lecteur la lise sans nous !)

331. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

La trace de ces influences se retrouve dans quelques débris des anciens offices de l’Église grecque. […] Ne retrouve-t-on pas également ici, sous les humbles refrains de la prière chrétienne, un souffle du génie qui dans ces mêmes fêtes avait animé jadis la voix et la lyre ? […] Le contrecoup de tant de luttes et comme le long souvenir de ces vives douleurs se retrouve aussi dans ses poésies, langage familier de son âme, non moins naturel pour lui que la prédication ou la prière. […] Quelque chose de leurs accents altiers ou gracieux semble se retrouver ici, pour un ordre de croyances et d’émotions si peu soupçonné de ces poëtes et si nouveau pour le monde. […] Il appartient à l’art, en quelque sorte, plus qu’à la religion ; et cependant cet art, qu’il aimait, et auquel les épreuves et les émotions de sa vie le ramenaient sans cesse, ne nous a laissé que des chants religieux : ni les maux de sa patrie ni ses douleurs privées ne se retrouvent dans ses vers.

332. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Ce vers de dix syllabes17, assonancé18, distribué en laisses ou couplets monorimes d’inégale étendue, que l’on retrouve dans toutes les anciennes chansons de geste, est d’origine très probablement latine comme tout notre système de versification. […] On pourrait poursuivre l’énumération, et retrouver d’autres fragments d’épopée encastrés dans l’amas confus des matériaux dont sont construites les chansons de geste. […] Mais, en somme, on ne retrouve nulle part, à mon sens, un ensemble pareil à celui que présente chacune des trois chansons dont j’ai parlé ; on n’a que des fragments à recueillir, non des œuvres à étudier. […] Il y avait là une jolie idée, comique et romanesque à la fois : aussi retrouve-t-on plus d’une fois le brave enfant qui veut se battre et refuse d’étudier. […] La victoire remportée par Louis III à Saucourt sur le pirate Hastings est le sujet du poème de Gormont et Isenbart, dont un fragment de 600 vers a été retrouvé en 1876.

333. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Telle cérémonie nuptiale, purement symbolique à ce qu’il semble, comme l’enlèvement de la fiancée, se retrouve exactement partout où existe un certain type familial, lié lui-même à toute une organisation politique. […] « Puisque, dit-il, le phénomène social, conçu en totalité, n’est, au fond, qu’un simple développement de l’humanité, sans aucune création de facultés quelconques, ainsi que je l’ai établi ci-dessus, toutes les dispositions effectives que l’observation sociologique pourra successivement dévoiler devront donc se retrouver au moins en germe dans ce type primordial que la biologie a construit par avance pour la sociologie65. » C’est que, suivant lui, le fait dominateur de la vie sociale est le progrès et que, d’autre part, le progrès dépend d’un facteur exclusivement psychique, à savoir la tendance qui pousse l’homme à développer de plus en plus sa nature. […] Seulement, ils y sont associés et c’est cette association qui est la cause de ces phénomènes nouveaux qui caractérisent la vie et dont il est impossible de retrouver même le germe dans aucun des éléments associés. […] La famille patriarcale était presque aussi développée chez les Juifs que chez les Indous, mais elle ne se retrouve pas chez les Slaves qui sont pourtant de race aryenne. […] Il faudrait admettre alors une tendance interne qui pousse l’humanité à dépasser sans cesse les résultats acquis, soit pour se réaliser complètement, soit pour accroître son bonheur, et l’objet de la sociologie serait de retrouver l’ordre selon lequel s’est développée cette tendance.

334. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Mais tel qu’il est, du reste, ce petit livre inachevé de Balzac est une véritable fortune pour tous les esprits — littéraires ou du monde — qui recherchent cette espèce de littérature dans laquelle on retrouve, sous des formes piquantes, les raffinements des excessives civilisations. […] Je sais, et Balzac le savait aussi, ce qui sépare l’auteur des Contes drolatiques de l’énorme Modèle et du Maître dont il a essayé une fois de retrouver quelques-uns des secrets perdus. […] Balzac n’aurait retrouvé ce genre de rire qu’il n’eut qu’une fois, — dont une fois il a fleuri sa fantaisie, — ce rouge bourgeon de vigne qu’il a ôté, pour le mettre à sa couronne, d’autour du hanap de Rabelais. […] Mais, en littérature, plus l’œuvre et le talent seront profonds, plus nous retrouverons ces deux qualités divinisantes. […] Balzac vaut bien pour le moins, pédanterie à part, la plupart de ces vieux manuscrits grecs qu’on retrouva au xve et au xvie  siècle, et qui furent imprimés, par les Lévy du temps, avec un respect, un amour, et presque une piété que les éditeurs n’ont plus guères !

335. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Pendant que Bonstetten était syndic dans le Tessin, ils s’étaient retrouvés tous trois et avaient passé ensemble une journée délicieuse à la campagne de Pline près du lac de Côme. […] Il l’avait déjà vu, je crois, à Copenhague ; il le retrouva dans un coin obscur du palais Barberini, pauvre encore et tout à fait ignoré. […] On le retrouve plus au complet dans ses correspondances, peut-être aussi parce qu’on leur demande moins qu’à des livres proprement dits qui auraient eu besoin d’être plus composés. […] Quand vint l’heure du désappointement, Sismondi fut tenté de pleurer ; Bonstetten ne fit que sourire : il retrouvait bien là sa chère et incorrigible humanité.

336. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

En Grèce seulement, par une fortune singulière et un reste de privilège natal, cette littérature sacrée, dans la bouche des Basile et des Chrysostome, retrouva sans effort l’abondance et l’harmonie, et comme des accents de Platon ; mais à Rome, mais en Afrique, le latin des premiers Pères fut dur, recherché, tourmenté, en même temps que la pensée neuve, excellente et souvent sublime. […] Mais avec la marche des siècles, après les révolutions et les cycles laborieusement accomplis, les astres se rejoignent et redeviennent cléments ; l’harmonie, la suprême beauté se retrouve ; elle éclate, elle resplendit dans le monde des arts, dans cette Rome aimable et raphaélesque de Léon X : dans un ordre moins brillant, mais plus estimable peut-être, dans l’ordre moral et de la parole éloquente, de la poésie sincère et convaincue, elle reparaît en France sous le règne de Louis XIV. […] Il a écrit Werther, mais c’est Werther écrit par quelqu’un qui emporte aux champs son Homère, et qui le retrouvera, même quand son héros l’aura perdu. […] alors l’équilibre entre les talents et le milieu, entre les esprits et le régime social, se trouverait rétabli ; on se retrouverait à l’unisson ; la lutte, la maladie morale cesseraient, et la littérature d’elle-même redeviendrait classique par les grandes lignes et par le fond (c’est l’essentiel) ; — non pas qu’on aurait plus de talent, plus de science, mais on aurait plus d’ordre, d’harmonie, de proportion, un noble but, et des moyens plus simples et plus de courage pour y arriver.

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