A force de relire et toujours à peu près les mêmes textes, le professeur en arrive quelquefois à y retrouver toujours les mêmes impressions et, quand il y trouve toujours les mêmes impressions, il les retrouve un peu affaiblies ou comme émoussées. […] A propos d’un Werther en musique, il y a quelques années, averti par les observations de plusieurs critiques éminents de l’insignifiance et de la puérilité du Werther de Goethe, je relus Werther, que je n’avais pas lu depuis à peu près un demi-siècle, ayant accoutumé de relire plutôt Faust et le Divan, Je fus certainement moins ému qu’à seize ans ; je ne pleurai point ; mais je fus frappé de la solidité de l’ouvrage, de l’admirable disposition des parties, de la progression lente et forte, de tout ce qu’il y a enfin de savant dans cet ouvrage d’un étudiant et qui ne se retrouve plus du tout, beaucoup plus tard, dans les Affinités électives. […] Evidemment, il ne faut relire que ce qu’on a vraiment désir de retrouver.
Il les préférait hautement aux modernes. « Art et guides, disait-il, tout est dans les Champs-Elysées. » Il avait annoté presque à chaque page Platon et Plutarque, avec profit certainement, car la plupart de ses notes sont des maximes qu’on retrouve dans ses fables. […] Il retrouve le grand sentiment de Lucrèce pour décrire « le temps où tout aime et pullule dans le monde », et pour sentir la puissance et la fécondité de la nature immortelle. […] On a retrouvé un de ses premiers jets, et l’on a vu que la fable achevée n’a gardé que deux vers de la fable ébauchée. […] C’est ce don qu’on attribuait à Shakspeare quand on disait qu’il avait « dix mille âmes. »25 Les êtres entrent dans cette âme tels qu’ils sont dans la nature, et y retrouvent une seconde vie semblable à l’autre. […] Alfred de Musset est le seul qui, depuis La Fontaine, ait retrouvé des vers de ce genre, une douzaine de mots ordinaires, assemblés d’une façon ordinaire et qui ouvrent un monde.
Les vers oubliés et retrouvés d’Agrippa d’Aubigné ont-ils chanté aux éditeurs, à mesure qu’ils les retrouvaient, une pareille mélodie ?… Toujours est-il que les éditeurs qui les ont retrouvés ont mis l’Histoire littéraire et la Critique à même de juger un homme seulement entrevu par la postérité, et sur lequel la Gloire, cette ignorante bâtarde de tout le monde, s’était tue longtemps — comme elle va parler — sans trop savoir pourquoi. […] À part les satiriques de notre littérature, qui sont tous issus, plus ou moins, depuis Régnier jusqu’à Barbier et Barthélemy (de la Némésis), de l’auteur des Tragiques, de ce premier et terrible fulminateur contre les vices monstrueux d’une époque si exceptionnellement dépravée, il serait certainement possible de retrouver, à deux cents ans de distance, d’autres ressemblances et d’autres traits de famille entre d’Aubigné, ce précurseur de plus grands que lui, et d’autres poètes qui ne sont pas seulement séparés de lui par deux siècles. […] Je ne peux pas m’appesantir sur ces rapprochements, qu’on peut faire sans moi, du reste, mais j’en ai dit assez pour montrer que l’aïeul de de Musset et de Lamartine peut se retrouver, comme celui de Corneille, sous le bistre du portrait enfumé du vieux Agrippa.
Figurez-vous quel bonheur ce serait pour nous s’il y avait eu autrefois un Mercier à Herculanum et qu’on retrouvât son Tableau ? […] La Bruyère, qui retrouve la grande nature humaine sous le grand costume du xviie siècle, La Bruyère nous fait comprendre son temps autant par son genre de talent, sa manière à lui, que par la peinture qu’il en trace. […] …) il y eut un moment unique de vie retrouvée.
Chaque époque de l’histoire a ses analogies, ses ressemblances de situation, d’événements, de caractères, et c’est de tout cela que l’imagination, frappée plus que la réflexion encore, fait une espèce de miroir dans lequel l’esprit d’un temps s’observe, se retrouve et s’admire. Comme on s’obstina bien longtemps dans la comparaison fatale entre la Restauration des Bourbons et la Restauration des Stuarts, et, plus tard, comme on voulut voir de mystérieuses identités entre la Révolution de 1830 et la Révolution de 1688, de même aujourd’hui la fin d’une République, l’ascendant dynastique d’un homme qui semble avoir absorbé si profondément dans sa gloire le nom de César que, quand on le prononce, c’est à Napoléon qu’on pense, aux qualités impériales retrouvées dans le neveu du César moderne de manière à rappeler involontairement le neveu du César ancien, toutes ces diverses circonstances ont introduit dans les esprits la préoccupation de la grande époque romaine et fait regarder beaucoup la nôtre à travers… Le titre du livre de l’abbé Cadoret semble tout d’abord rappeler cette préoccupation contemporaine. […] Abreuvés de christianisme dès le berceau comme du lait de nos mères, nous retrouvons en nous l’influence chrétienne, même quand nous ne la méritons plus, et cette bienfaisante influence garde les instincts de nos cœurs contre les frénésies de l’orgueil et les froides audaces de la raison.
Décidément je ne puis supporter la vie du monde ; c’est auprès de vous seule que je retrouverai tout ce qui me manque ici. […] J’ai l’âme trop préoccupée de regrets ; je ne me retrouverai qu’auprès de vous ! […] Vous retrouver, voilà tout ! […] « Que vais-je retrouver en France ? […] Vous voyez bien qu’on se retrouve, et que j’ai toujours raison.
Il y a quelque temps que, parcourant un de ces livres aimables et légers, les Souvenirs de madame Lebrun, je me plaisais à y retrouver tout ce monde facile, brillant, poliment mélangé d’avant la Révolution, gens de cour, gens d’esprit, Russes, Français, dont Delille était le poète favori, et madame Lebrun le peintre ordinaire. […] Nous retrouvons, en tête des Souvenirs de madame la comtesse Merlin, ces douze premières années de ma vie qui avaient autrefois débuté timidement, loin du public, et que leur succès dans l’intimité a naturellement encouragés à se prolonger et à se produire. […] « Elle parlait pourtant assez bien espagnol, nous dit l’auteur du récit, mais elle n’en prononça pas un mot.Il semble que dans les grandes douleurs, on revient à la langue naturelle, comme on se réfugie dans le sein d’un ami. » L’arrivée de la jeune Mercedès à Cadix, puis à Madrid où elle retrouve sa mère, sa famille ; l’état de la société peu avant l’invasion des Français ; les accidents gracieux qui formaient de légers orages ou des intérêts passagers dans cette existence de jeune fille, puis l’invasion de Murat, la fuite de Madrid, le retour, la cour de Joseph, et le mariage ; tels sont les événements compris dans ces deux premiers volumes de Souvenirs.