N’est-il pas étrange que ce soit un prêtre catholique qui note parmi ces vertus la religion ? […] Dans un discours de sa jeunesse79, il avait traité de la politique des Romains dans la religion ; il est vrai qu’il s’agit de la religion en la main des grands pour gouverner les petits, par « cette crédulité des peuples qui est toujours au-dessus du ridicule et de l’extravagant. » Bossuet l’entend d’une tout autre façon. […] Bossuet avait vu de quoi la religion rend capable le cœur où elle est maîtresse de la volonté ; il savait de quelles chutes elle relève les âmes ; il ne lui en coûta pas de reconnaître dans le sentiment religieux, là même où la religion était fausse, une des causes de la grandeur du pays. […] Le Discours sur l’usage de la religion chez les Romains l’en approche ; les Lettres persanes l’en distraient sans l’en séparer, et dans les plus belles il semble déjà s’y essayer. […] Ils étaient tout, dans l’ordre civil comme dans la religion, non par ambition, — on sait leurs refus et leurs fuites, — mais malgré eux, parce que, dans la défaillance croissante des puissances temporelles, on allait à eux comme aux plus habiles, par le besoin que de tout temps les hommes ont eu de la science, de l’éloquence et de la vertu.
La religion arrêta d’abord les géants dans les terres qu’ils occupèrent les premiers, et cette prise de possession fut l’origine de tous les droits de propriété, de tous les domaines. […] C’est encore la religion qui les détermina à former une union régulière et aussi durable que la vie, celle du mariage, d’où nous avons vu dériver le pouvoir paternel, et par suite tous les pouvoirs. […] J’appelle matériaux les religions, les langues, les terres, les mariages, les noms propres et les armes ou emblèmes, enfin les magistratures et les lois. […] Ces religions, ces langues, etc., avaient été propres aux premiers hommes, monarques de leur famille. […] En effet, les pères de famille qui s’étaient réservé leur religion, leur langue, leur législation particulière à l’exclusion de leurs clients, ne purent se séparer ainsi sans attribuer ces privilèges aux ordres souverains dans lesquels ils entrèrent ; c’est en cela que consista la forme si rigoureusement aristocratique des républiques héroïques.
En philosophie et en religion, M. […] « Celui qui proclame, dites-vous, l’existence de l’infini accumulé dans cette affirmation plus de surnaturel qu’il n’y en a dans tous les miracles de toutes les religions. » Vous allez, je crois, un peu loin, Monsieur ; vous donnez là un certificat de crédibilité à des choses étranges. […] Les religions se donnent comme des faits et doivent être discutées comme des faits, c’est-à-dire par la critique historique. […] Grâce à lui et à quelques autres comme lui, la libre philosophie de notre âge a possédé dans son sein des vertus susceptibles d’être comparées à celles dont les religions sont le plus fières. […] … » Sa foi ne fut nullement atteinte par l’affaiblissement des organes. « Dans les temps modernes, dit-il à la fin du morceau que je citais tout à l’heure et qui est en quelque sorte son testament philosophique, est survenu un grave événement d’évolution, qui n’est plus ni une hérésie ni une religion nouvelle.
Ce gentilhomme qui abhorre les « philosophicailleries modernes », qui l’ait de la religion la base de la société, qui sollicite du despotisme royal des lettres de cachet contre fils, femmes et filles, cet homme de vieille roche, ce dur, cet intraitable féodal est l’ennemi des prêtres, des commis, des financiers, des courtisans, fait des avances à Jean-Jacques, bénit Quesnay, ne rêve que progrès, améliorations sociales, bonheur du peuple, et se fait mettre à Vincennes pour le libéralisme de sa théorie de l’impôt. […] Au fond, l’avocat général Omer de Fleury ne se trompait pas tant quand il dénonçait au Parlement les Encyclopédistes comme « une société formée pour soutenir le matérialisme, pour détruire la religion, pour inspirer l’indépendance, et nourrir la corruption des mœurs ». […] C’est le cas de Dalembert mathématicien illustre, esprit indépendant, au-dessus de l’ambition et de l’intérêt, ami de son repos jusqu’à l’égoïsme, et jusqu’à renoncer à l’expression publique de ses idées, excitant les autres sous main à se compromettre, et gardant lui-même un silence prudent : critique étroit, fermé à l’art, à la poésie, philosophe intolérant, affolé de haine contre la religion et les prêtres ; écrivain lourd et pâteux, sans tact, d’une inélégance innée, et d’une sécheresse qui se dissimule mal par l’emphase et la fausse noblesse. […] Raynal est au-dessous d’Helvétius : il a fait un livre à tiroirs, d’où s’échappent à tous propos toutes sortes de déclamations contre Dieu, la religion et le gouvernement ; il invitait ses amis à lui en apporter, et Diderot s’est fait son fournisseur. […] Il estimait que toutes les religions ont droit à la tolérance pourvu qu’elles ne choquent point la morale.
Sans géographie l’histoire n’existe pas, la politique est aveugle, la guerre ne sait ni attaquer ni défendre, la paix ignore sur quels fleuves, sur quelles mers, sur quelles montagnes il faut construire ses forteresses ou asseoir ses limites ; la navigation ne peut se servir de ses boussoles, le commerce s’égare sur les océans, inhabile à découvrir quelles sont les productions ou les consommations qu’il doit emprunter ou porter aux climats divers dont il ne connaît ni la route, ni les richesses, ni les besoins, ni les langues, ni les mœurs, ni les philosophies, ni les religions. […] La solution que propose aujourd’hui le gouvernement français à l’Europe est évidemment, à mon avis, la meilleure : l’unité des Maronites et des Druzes sous la vice-royauté héréditaire de la famille de l’émir Beschir, famille à la fois maronite, arabe, druse, chrétienne, musulmane, hébraïque, éclectique, résumant en elle toutes les religions qui se disputent la montagne, et prenant ses soldats dans chaque tribu pour imposer à toutes l’ordre, l’égalité et la paix. […] Tout cela passe successivement sous vos yeux comme un panorama parlant du globe, qui vous dit la biographie complète du globe, des temps, des races, des idées, des religions, des empires, par où l’humanité a passé, passe et passera avant de tarir, en faisant ce petit bruit que les historiens profanes appellent gloire, civilisation, puissance, et que les philosophes appellent néant ! […] À chacune de ces superficies géographiques j’appliquerais la partie de l’histoire qui lui donne sa signification, son caractère, sa corrélation avec les peuples voisins, avec les temps, avec les idées, les religions, la politique de telle ou telle date du globe. […] Quelle était la langue, quelle est la religion, les lois, les mœurs, la politique, les dynasties ou les républiques ?
Il me semble toutefois qu’une société qui de fait n’encourage qu’une misérable littérature, où tout est réduit à une affaire d’aunage et de charpentage, qu’une société, qui ne voit pas de milieu entre l’absence d’idées morales et une religion qu’elle a préalablement désossée pour se la rendre plus acceptable, qu’une telle société, dis-je, est loin des sentiments vrais et grands de l’humanité. […] Cela est immoral ; cela est une conception étroite et finie de l’existence ; cela ne peut partir que d’une âme dépourvue de religion et de poésie 50. […] La perfection, ce serait l’aspiration à l’idéal, c’est-à-dire la religion, s’exerçant non plus dans le monde des chimères et des créations fantastiques, mais dans celui de la réalité. […] Il faut renon-cer aux grandes choses ; les généreuses pensées ne vivront plus que dans le souvenir des rhéteurs ; la religion ne sera plus qu’un frein que la peur des classes riches saura manier. […] La même application irrationnelle, mais énergique et belle, d’un principe de la nature humaine se remarque dans les idées des religions sur l’expiation.
En religion, on les tenait pour ignorants et peu orthodoxes 590 ; l’expression « sot Galiléen » était devenue proverbiale 591. […] Pleins d’égards à cette époque pour les religions étrangères, quand elles restaient sur leur propre territoire 604, les Romains s’interdirent l’entrée du sanctuaire ; des inscriptions grecques et latines marquaient le point jusqu’où il était permis aux non-Juifs de s’avancer 605. […] Il proclame les droits de l’homme, non les droits du juif ; la religion de l’homme, non la religion du juif ; la délivrance de l’homme, non la délivrance du juif 634. […] La religion de l’humanité, établie non sur le sang, mais sur le cœur, est fondée.