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225. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

que c’est bien commencer son livre, Monsieur, que de le commencer par ce qu’il y a de plus doux, de plus saint dans l’espèce humaine : la religion ! […] L’auteur a senti que les religions bien entendues sont, comme étant à la fois divines dans leur objet, humaines dans leurs ministres, pleines de controverses, d’incrédulités et de crédulités populaires dans leurs dogmes, mais qu’en masse les religions sont des vases célestes transmis de générations en générations aux peuples, et dans lesquels les philosophes de tous les âges ont versé tour à tour, en les clarifiant, la plus pure morale, les plus saintes règles de vie, les plus admirables pratiques de charité et de fraternité qui aient honoré les siècles ; en sorte que, sans disputer sur leur nature révélée par la raison, lumière de Dieu, ou par Dieu lui-même, quand une religion se brise, toute la morale se répand, et le peuple risque de mourir de soif. […] VIII Nous ne blâmons pas dans le terroriste, dans l’évêque, le déisme qui croit, qui adore et qui pratique ; c’est une religion autre, la religion de Cicéron, de Marc-Aurèle, des philosophes avant, pendant et après les religions révélées. […] Voilà pour la religion de l’évêque. […] Et remarquez déjà, chose étonnante dans ce poème des travailleurs illusionnés : c’est que personne n’y travaille, et que tous sortent du bagne ou sont dignes d’y être, à l’exception de l’évêque et de Marius, de la religion et de l’amour.

226. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

J’ai vu, j’ai lu, j’ai écouté, j’ai réfléchi : c’est plus qu’il n’en faut pour exciter & seconder le zele que tout Homme doit à la Religion, à la raison, à la Littérature, & à l’équité. […] On m’assure que ce Bibliothécaire de la ville de Geneve a toujours été rempli de religion & de probité. […] Tout ce que je puis faire, après le témoignage rendu à la religion de M. […] Il annonce un Esprit aussi zélé pour les vrais principes du goût, que pour ceux de la Morale & de la Religion. […] Heureux s'il s'en fût tenu à celle-là, sur le chapitre de la Religion !

227. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Julie, éclairée par la religion, par le sentiment de l’omniprésence de Dieu, conçoit l’idée d’une vie absolument franche. […] Voltaire réimprimait dans un de ses catéchismes la profession de foi du Vicaire savoyard : il y reconnaissait l’idée de sa religion ; et cela n’empêche pas qu’en fait, entre la religion de Voltaire et celle de Rousseau, il y a un monde. […] Mais c’était chimère d’espérer faire vivre la religion civile. Le réveil du sentiment religieux ne pouvait se faire qu’au profit d’une religion traditionnelle. […] Il a fondé toute sa politique, toute sa religion, toute sa morale sur l’instinct et l’émotion.

228. (1813) Réflexions sur le suicide

Quelles sont les lois que la religion chrétienne nous impose relativement au Suicide ? […] Nous avons opposé, sous le rapport de la religion, le Martyre au Suicide : nous pouvons de même, sous le rapport de la dignité morale, présenter le contraste du dévouement à ses devoirs avec la révolte contre son sort. […] Deux êtres qu’on dit estimables, admettent la religion en tiers de l’acte le plus sanguinaire ! […] Mais en supportant ce terrible sort par la fermeté que la religion me prête, j’inspire aux vaisseaux battus comme moi par l’orage plus de confiance dans l’ancre de la foi qui m’a soutenue.  […] Pardonnez ma faiblesse, ô mon père en religion, vous qui m’avez tendrement chérie ; nous serons réunis dans le ciel, mais entendrai-je encore cette voix si touchante qui m’annonçait un Dieu de bonté ?

229. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Écrira-t-elle sur la religion ? […] Elle était de la religion qui parlait le plus éloquemment de la nature et de la liberté en s’élevant cependant à l’adoration du Créateur : c’était alors celle du philosophe de Genève exprimée dans la profession de foi du Vicaire Savoyard. […] Rousseau ; mais elle était surtout de la religion littéraire du moment, la déclamation, l’éloquence, la gloire, le génie humain. […] Chacun aspirait à la vérité en religion, en politique, en littérature, en système ; chacun enflait sa voix pour se persuader à lui-même et pour persuader aux autres qu’il l’avait trouvée. […] C’est après ce dernier effort qu’il marcha tranquillement au supplice, dont sa constance a fait la gloire de la religion et l’exemple de l’univers.

230. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Dieu défendit la divination aux Hébreux ; cette défense est la base de leur religion ; la divination au contraire est le principe de la société chez toutes les nations païennes. […] Lorsque les peuples sont effarouchés par la violence et par les armes, au point que les lois humaines n’auraient plus d’action, il n’existe qu’un moyen puissant pour les dompter, c’est la religion. […] Les fausses religions sont nées de la crédulité, et non de l’imposture. — Elle répond aussi à l’exclamation impie de Lucrèce au sujet du sacrifice d’Iphigénie ( tant la religion put enfanter de maux ! […] Ces religions cruelles étaient le premier degré par lequel la Providence amenait les hommes encore farouches, les fils des Cyclopes et des Lestrigons, à la civilisation des âges d’Aristide, de Socrate et de Scipion. […] Sur ce dernier article la religion chrétienne s’accorde avec toutes les autres.

231. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Secondes conséquences  Par la théorie nouvelle l’État devient despote  Précédents de cette théorie  La centralisation administrative  L’utopie des économistes  Nul droit antérieur n’est valable  Nulle association collatérale n’est tolérée  Aliénation totale de l’individu à la communauté  Droits de l’État sur la propriété, l’éducation et la religion  L’État couvent spartiate. […] En dernier lieu, notre couvent laïque a sa religion, une religion laïque. […] Car le pacte social ne tolère pas une religion intolérante ; une secte est l’ennemi public quand elle damne les autres sectes ; « quiconque ose dire hors de l’Église point de salut doit être chassé de l’État »  Si enfin je suis libre-penseur, positiviste ou sceptique, ma situation n’est guère meilleure. « Il y a une religion civile », un catéchisme, « une profession de foi dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d’être bon citoyen ou sujet fidèle ». […] Dès la première année, Grégoire dira à la tribune de l’Assemblée constituante : « Nous pourrions, si nous le voulions, changer la religion, mais nous ne le voulons pas. » Un peu plus tard, on le voudra, on le fera, on établira celle d’Holbach, puis celle de Rousseau, et l’on osera bien davantage. […] Dès 1770, il trace le programme d’une religion et d’un culte semblables à ceux des Théophilanthropes, et son chapitre est intitulé : Pas si éloigné qu’on le pense.

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