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1101. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Lanfranc, premier archevêque normand de Cantorbéry, logicien subtil, discuta habilement sur la présence réelle ; saint Anselme, son successeur, le premier penseur du siècle, crut découvrir une nouvelle preuve de l’existence de Dieu, et tenta de rendre la religion philosophique en faisant de la raison le chemin de la foi ; certainement l’idée était grande, surtout au douzième siècle, et on ne pouvait aller plus vite en besogne. […] Car ce sont les vices qui règnent, d’autant plus odieux qu’ils sont dans les places saintes, et emploient au service du diable l’église de Dieu. « La religion à présent est un beau cavalier, un coureur de rues,  — un meneur de fêtes, un acheteur de terres,  — qui éperonne son palefroi, de manoir en manoir,  — avec une meute à ses talons, comme un seigneur », et se fait servir à genoux par des valets165. […] Wicleff a paru, et l’a traduite comme Luther, et dans le même esprit que Luther. « Tous les chrétiens, hommes et femmes171, vieux et jeunes, dit-il dans sa préface, doivent étudier fort le Nouveau Testament, car il a pleine autorité, et il est ouvert à l’entendement des gens simples dans les points qui sont le plus nécessaires au salut. » Il faut que la religion soit séculière, qu’elle sorte des mains du clergé qui l’accapare ; chacun doit écouter et lire par lui-même la parole de Dieu ; il sera sûr qu’elle n’aura pas été corrompue au passage ; il la sentira mieux ; bien plus, il l’entendra mieux ; « car chaque endroit de la sainte Écriture, les clairs comme les obscurs, enseignent la douceur et la charité. […] Quels jugements ces esprits sérieux et neufs en portèrent, avec quelle promptitude ils s’élancèrent jusqu’à la vraie religion de leur race, c’est ce qu’on peut voir dans leur pétition au Parlement173 : Cent trente ans avant Luther, ils disaient que le pape n’est point établi par le Christ, que les pèlerinages et le culte des images sont voisins de l’idolâtrie, que les rites extérieurs sont sans importance, que les prêtres ne doivent point posséder de biens temporels, que la doctrine de la transsubstantiation rend le peuple idolâtre, que les prêtres n’ont point le pouvoir d’absoudre les péchés. […] And now is religion a ridere, a romere bi streetis, A ledar of love-daiyes and a load bigere ; A prickere on a pelfrey from maner to maner, An hep of hounds at his ars, as he a lord were.

1102. (1908) Jean Racine pp. 1-325

L’amour est vraiment pour lui une religion, et une religion excitatrice de vertus. […] Hippolyte est initié à l’orphisme, à cette religion secrète qui enseignait et symbolisait en ses rites la purification et le rachat par la douleur. […] C’est ton intention Qui choque la nature et la religion. […] Faible encore, il crut d’abord trouver le moyen de purifier la tragédie, de la mettre d’accord avec la religion, et ainsi d’apaiser ses anciens maîtres sans renoncer au théâtre. […] Pascal sur la religion et quelques autres sujets, publiées en 1670, et, notamment, par les réflexions sur les « divertissements ».

1103. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

C’est peut-être pour cela que le public se méfie des communautés religieuses et que les communautés, à quelque religion qu’elles appartiennent, ne risquent pas de disparaître. […] C’est que la Bretagne est toujours et malgré tout, en travail de poésie et de religion. […] … Il avait la religion du travail ; son exemple pourrait être médité par les présidents de nos assemblées et par les fonctionnaires vertueux. […] La religion sera éternelle, à condition qu’on ne s’attache pas trop aveuglément aux formes passagères et particulières de l’esprit religieux. […] Malheur à la religion qui ne le comprendra pas !

1104. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Disciple d’Anaxagore et ami intime de Socrate, il fut initié à l’orphisme qui était, comme vous le savez, une religion épurée ou, pour mieux dire, une philosophie idéaliste, symbolisée par un émouvant appareil de rites secrets et de belles liturgies. […] Sarcey nous rappelle alors que Molière a attaqué le faux sous toutes ses formes : le faux en littérature, le faux en religion, le faux dans le mariage, etc. […] Troisièmement, il y a, dans chaque milieu mondain, un certain nombre d’opinions admises, en littérature, en morale, en religion, en politique. […] En religion, le mot de don Juan lui suffit : « Je te le donne pour l’amour de l’humanité. » Et, comme la politique est absente du théâtre de Molière, M.  […] Il reste ceci, qu’il n’est pas permis, à l’heure qu’il est, à un auteur dramatique de dire du mal de la Terreur, du Comité de Salut public, du tribunal révolutionnaire, et qu’on, offense je ne sais quelle religion d’Etat en protestant contre l’abus que Robespierre et ses complices firent, il y a cent ans, de la guillotine.

1105. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

L’amour du paysan français pour la terre est plus qu’un amour, c’est une religion. […] Sans se laisser abuser par la phraséologie religieuse, il déclare tout net que la religion des Anglais dans la haute société n’est que le complément d’une bonne éducation. […] Par un singulier bonheur, ses institutions, ses lois, sa religion, se sont trouvées en conformité exacte avec ses instincts. […] Il le chargea d’aller lui recruter quatre mille hommes de la religion réformée en Languedoc. […] La philosophie allemande, les poèmes de Wordsworth, le papisme et la religion éclairée et épurée de ses contemporains lui faisaient également horreur.

1106. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il est vrai que Chateaubriand, comme Fontanes, tombait dans autre erreur en faisant de la mélancolie un attribut exclusif de la religion chrétienne. […] Hors en religion, je n’ai aucune croyance. […] Seulement, dans le nouveau recueil on entrevoit une tendance croissante à chercher dans la religion un moyen de relèvement, un instrument de régénération morale. […] peut-on dire, l’Essai sur l’indifférence en matière de religion (1817-1824), est-il un des indices du mal moderne ? […] Il la demande d’abord à la religion ; mais elle lui semble au-dessus de ses forces.

1107. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Or, Pascal a établi décidément que la philosophie et la science sont d’une autre nature que la religion, ne dépendent pas de la religion et que la religion ne dépend pas d’elles. […] Elles bâtissent à côté de la religion ; mais elles ne bâtissent pas sur le terrain déblayé de la religion. […] La religion, premièrement, s’appuie sur des témoignages : ce sont les évangiles. […] Ce nihilisme, la philosophie ou la religion le corrigeait. […] Son esthétique, d’une part ; sa morale et sa religion, d’autre part.

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