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975. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Qu’est-ce qu’un seigneur qui regarde au prix des choses ? […] madame, répondit le duc de Nivernais, quand le roi a dit cela, il vous regardait ». — « Mon cher Fontenelle », lui disait une de ses amies en lui mettant la main sur le cœur, « c’est aussi de la cervelle que vous ayez là. » Fontenelle souriait et ne disait pas non : voilà comment, même à un académicien, on faisait avaler ses vérités, une goutte d’acide dans un bonbon, le tout si bien fondu que la saveur piquante ne faisait que relever la saveur sucrée. […] Comme on s’attarde involontairement à regarder et à écouter ! […] Mais on n’y regarde pas de si près : il faut bien un emploi aux doigts oisifs, un débouché manuel à l’activité nerveuse ; la pétulance rieuse éclate au milieu du prétendu travail. […] Mme de Genlis, Souvenirs de Félicie, 160. — Il faut noter pourtant, sous Louis XV et même sous Louis XVI, le maintien de l’ancienne attitude royale. « Quoique je fusse prévenu, dit Alfieri, que le roi ne parlait pas aux étrangers ordinaires, je ne pus digérer le regard de Jupiter Olympien avec lequel Louis XV toisait de la tête aux pieds l’homme présenté, d’un air impassible, tandis que si l’on présentait une fourmi à un géant, le géant, l’ayant regardée, sourirait ou dirait peut-être : Oh, quel petit animalcule !

976. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Privé d’espoir, l’homme cède à la force des dieux, et regarde, frappé de stupeur, son œuvre s’abîmer. […] on les regarde, on ne les ressent pas. […] Quand j’arrivais à la porte du chapitre, je regardais à travers le trou de la serrure jusqu’à ce qu’on m’eût ouvert. […] Je la regardai fixement ; pour la première fois je me sentis mal à l’aise ; je lui demandai : “Eh bien ! […] Je la regardais de côté ; ses yeux étaient levés vers le ciel, mais le regard en était brisé comme si tout leur feu s’était concentré à l’intérieur.

977. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Les jeux-partis, sorte de dialogues mêlés de récit et de réflexions, pourraient être regardés comme de grossières ébauches du poème dramatique17. […] Pour ce qui regarde l’Église, je n’ai remarqué que deux ou trois traits de satire timide et détournée contre les moines, ces plastrons, pendant près de cinq siècles, de tout ce qui tenait une plume en France, prosateur ou poète. […] Regardez-y de près : c’est toujours la guerre entre l’esprit de liberté et l’esprit de discipline, dont la réconciliation, à certaines époques, produit les chefs-d’œuvre. […] Si, au contraire, l’idéal de la poésie française est dans le mélange du génie national et du génie ancien, le Roman de la Rose, qui est un faible pas de la poésie française vers cet idéal, doit être regardé comme un progrès. […] Villon y mêle des pensées touchantes et, si vous y regardez de près, une larme va paraître au bord de ses paupières, et mouillera ce visage souriant.

978. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Pour ce qui regarde le dogme, nous n’en pouvons guère juger, et je le dis de ceux surtout qui se croiraient le droit d’en parler légèrement. […] Tantôt il regarde le mystère en face, et il se porte impétueusement au plus épais des saintes obscurités, avec le généreux courage d’un soldat qui se jette dans une mêlée. […] On avait peur d’être aperçu de cet œil pénétrant, qui regardait entre ses paupières à demi fermées. […] Il se tient à l’écart, il le regarde de loin, dans la foule, plus ébloui qu’attiré par l’auréole lumineuse qui entoure sa tête. […] On regarde pourtant ce petit livre comme le chef-d’œuvre de Massillon.

979. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Le travail visible de dépense, — marcher, parler, regarder, écouter, etc., — est sans doute, sur le moment même, une perte de force motrice ; mais d’abord, nous venons de voir que, dans l’organisme suffisamment nourri, il y a réparation du nerf par la nourriture à mesure qu’il s’use par l’exercice ; le simple repos suffît aussi à le réparer : il n’y a donc point ici perte sèche et définitive. […] Tout change en eux si vous regardez leurs occasions extérieures ; mais comme leur cause intérieure et profonde est la vie même tendant à se conserver et à s’accroître, vous reconnaîtrez que leur inconstance recouvre ce qu’il y a de plus constant chez l’homme. […] Ce sont de « faibles obstacles à la force vitale qui constituent l’état de santé » que nous regardons à tort comme un état de bien-être continuel. […] Vous pouvez peu de chose sur vos organes intérieurs ; vous ne pouvez, par exemple, placer votre estomac ou votre cœur dans l’attitude active de l’attention, tandis que vous pouvez volontairement regarder, écouter, flairer, savourer, palper. […] Demandons-nous si tous les plaisirs, même ceux qui paraissent nés d’un besoin, même ceux qui semblent les plus grossiers, ne sont pas encore de même nature pour celui qui regarde au fond des choses.

980. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Il ne regarda de la vie que les livres ; il s’attira de bonne heure la haine des mauvais écrivains, l’amitié des illustres. […] Regarde et passe, est le seul mot à dire en passant ainsi en revue toutes les médiocrités et tous les engouements d’un siècle. […] Le soleil en naissant la regarde d’abord, Et le mont la défend des outrages du nord. […] Il le regardait, dit-on, comme un enfant gâté du génie, mais comme un enfant noué qui ne grandirait pas au-dessus de la taille des enfants à la stature des vrais grands hommes. […] Je regarde comme un bonheur de mourir le premier ! 

981. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Ils disent qu’en ce qui regarde l’antique Orient la formule de Cousin ne convient guère qu’à l’Inde brahmanique. […] De là la durée limitée, quoique fort inégale, de tous les individus, de toutes les espèces, de tous les types d’organisation, dont aucun ne peut être regardé comme éternel. […] Chaque animal est chargé de sa représentation. » Il fallut longtemps avant que l’esprit humain se décidât à regarder les animaux comme de simples objets d’étude, sans autre préoccupation que celle du savoir. […] S’il faut en croire Sprengel, Praxagoras de Cos fut le premier qui disséqua des cadavres ; les Ptolémées permirent cette pratique, regardée jusque-là comme criminelle et s’y livrèrent eux-mêmes :  Regibus corpora mortuorum ad scrutandos morbos insecantibus , dit Pline. […] Quelle contradiction et quelle folie ne serait-ce pas de se plaire à regarder les simples copies de ces êtres en admirant l’art ingénieux qui les a reproduits en peinture ou en sculpture et de ne point se passionner encore plus vivement pour la réalité de ces êtres que crée la nature et dont il nous est donné de pouvoir découvrir les causes !

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