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682. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Un voile épais de noyers, de frênes, d’aulnes et de tilleuls, le cache, parfois, au regard du voyageur. […] Ce regard si limpide et si profond vous trouble. […] sous mon regard qui te contemple, abaisse, abaisse tes paupières ! Ton amour, il me le faut, je le veux à tout prix. — Tu me disais : Tes paroles me rendent toute tremblante… mais tu es si beau qu’à ton côté, je voudrais pour longtemps t’écouter ; et ton regard, ne l’as-tu pas remarqué ? […] … Je n’ai jamais songé… Mais le moyen de résister à ce regard clair, croisant le sien ?

683. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Tout ainsi et du même regard il y a des périodes, des temps qui sont grands et qui paraissent petits, qui sont longs et qui paraissent courts. […]   Un regard tout plein du blé des granges. […] Le seul regard que nous ayons du monde de la cité sur le monde du salut. […] Souvent Napoléon, plein de grandes pensées, Passant, les bras croisés, dans vos lignes pressées,        Aimanta vos fronts d’un regard ! […] Vous êtes, c’est pour cela que désormais le même regard n’habitera plus vos yeux.

684. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

J’imagine que lorsqu’il va en son pays natal, à Tréguier, et qu’il traverse la place de l’Église, il ne rencontre guère que des regards irrités. […] Ce soir-là, il envoie à Busnach un regard attendri, quand il croit que personne ne l’observe. […] Non qu’ils empiètent et viennent ambitieusement quêter un regard affectueux, mais par cette raison unique qu’ils vivent d’une vie intense. […] Un étranger s’interpose entre eux, un étranger pour qui la veuve a des regards plus tendres qu’autrefois pour son mari. […] Voulez-vous voir en regard ce que conseillent l’honnêteté du monde et la morale courante ?

685. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

La dénomination est caricaturale, toutefois il faut reconnaître qu’il y a parfois de l’acier dans son regard, dans sa voix. […] Je la revois enfin, ma pauvre mère, au château de Magny, sur son lit de mort, au moment où le bruit des gros souliers du curé de campagne, qui venait de lui apporter l’extrême-onction, s’entendait encore dans le grand escalier, je la revois, sans la force de parler, me mettant dans la main la main de mon frère, avec ce regard inoubliable d’un visage de mère, crucifié par l’anxiété de ce que deviendra le tout jeune homme, laissé à l’entrée de la vie, maître de ses passions, et non encore entré dans le chemin d’une carrière. […] Vraiment ils sont curieux chez ces ignorants de la maladie, les regards profonds avec lesquels ils semblent vous demander de leur ôter leur mal. […] Samedi 30 juillet Comme nous félicitions de notre jugeotte des hommes et des femmes, à première vue — faculté que nous trouvons n’appartenir guère qu’à nous seuls dans notre monde, Daudet me disait : « C’est très curieux ; moi les gens, je les juge par le regard, par l’observation… Vous c’est par une espèce d’intuition de l’ambiance !  […] Le docteur Blanche ajoutait : « Il ne me reconnaît plus, il m’appelle docteur, mais pour lui, je suis le docteur n’importe qui, je ne suis plus le docteur Blanche. » Et il faisait un triste portrait de sa tête, disant qu’à l’heure présente, il y a la physionomie du vrai fou, avec le regard hagard et la bouche sans ressort.

686. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

La période dont nous voulons embrasser d’un regard l’ensemble a quelque chose de complet et d’achevé. […] La passion est dans l’expression, mais elle ne trouble ni la clairvoyance du regard ni la droiture du jugement. […] Ce dernier regard d’un roi mourant, qui laissait derrière lui la monarchie compromise et presque perdue  ; ce premier regard d’une reine alors si belle et si adorée, quelques années plus tard si éprouvée et si courageuse, ne sortirent point de la mémoire de M. de Bonald. […] Mais ces défauts ne détruisent pas ses rares qualités, l’élévation de son esprit, la pénétration de son regard, la fermeté de sa raison et le spiritualisme de toutes ses conceptions religieuses, philosophiques et sociales. […] On peut dire que, dans ce voyage, il se trempa dans les mœurs de tous les pays qu’il parcourut, et que ses regards s’étendirent avec les perspectives qui s’ouvrirent devant lui.

687. (1896) Le livre des masques

Maeterlinck n’a pas seulement tenu ouvertes les grandes routes frayées par tant d’âmes de bonne volonté et où de grands esprits çà et là ouvrent leurs bras comme des oasis, — il semble bien qu’il ait augmenté vers l’infini la profondeur de ces grandes routes : il a dit « des mots si spécieux tout bas » que les ronces se sont écartées toutes seules, que des arbres se sont émondés spontanément et qu’un pas de plus est possible et que le regard va aujourd’hui plus loin qu’hier. […] Il est vraiment plus inquiet qu’il ne daigne le dire et le regard des captives le trouble de plus d’un frisson. […] Par l’observation : son regard aigu pénètre comme un dard de guêpe dans les choses et dans les âmes ; il lit, comme la photographie nouvelle, à travers les chairs et à travers les coffrets. […] Son regard, quoique doux, est profond. […] Il verra comme personne n’a vu, car nul n’a jamais été doué d’un regard aussi aigu, aussi vrillant, aussi net, aussi adroit à s’insinuer jusque dans les replis des visages, des rosaces et des masques.

688. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Si l’on mettait les deux portraits sur deux colonnes en regard, on aurait idée du sans-gêne avec lequel Duclos en a usé dans ses emprunts à peu près textuels. […] Entre ces érudits modestes qui s’ensevelissent dans les fondations d’un vieux règne et dans les monuments d’un siècle où ils deviennent ensuite d’indispensables guides (comme l’abbé Le Grand), entre ces peintres éclatants et fougueux qui mettent toute leur époque en pleine lumière et qui la retournent plus vivante à tous les regards (comme Saint-Simon), Duclos n’a suivi qu’une voie moyenne, conforme sans doute à la nature de son esprit, mais qu’il n’a rien fait pour élargir, pour décorer chemin faisant, pour marquer fortement à son empreinte et diriger vers quelque but immortel ou simplement durable : l’abbé Le Grand le surpasse dans un sens, comme dans l’autre Saint-Simon le couvre et l’efface, et comme le domine Montesquieu.

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