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262. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Mais son ami le reconnaît à ce petit coin du sourire, à ce son argenté de la voix, au feu du regard ; surtout il les reconnaît, parce qu’il a conservé le souvenir, le respect et la fidélité des jeunes années. […] elle n’en sait rien ; en attendant elle plaisante, elle jette ses regards çà et là, en riant de tout le monde, et en médisant de toutes choses. […] Pourquoi celle-là, sans nom, sans voix, sans beauté, sans regard, sans éclat, sans émotion intérieure, pourquoi celle-là, rien qu’à regarder le parterre, le fait rugir de joie ainsi que fait l’orage dans la vaste mer ? […] Et pendant que Bartholo livre son menton au rasoir, pendant que le barbier couvre d’écume et de quolibets cette tête grotesque, les deux amants, espionnés de si près, peuvent à peine échanger un tendre regard. […] Ce n’était, des deux parts, ni la même langue, ni les mêmes façons d’agir, ni la même manière de saluer ; ce n’était pas le même geste, le même regard, la même façon de se haïr ou de s’aimer.

263. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Je n’oublierai jamais le regard du pauvre Diddlof, quand Son Excellence, ayant roulé en boule un gros paquet de cette mixture, et s’écriant tuk, tuk (c’est très-bon), administra l’horrible pilule à Diddlof. […] En présence de Laura résignée, pieuse, il s’arrête. « Comme elle faisait son devoir en silence, et que, pour obtenir la force de l’accomplir, elle priait toujours seule et loin de tous les regards, nous aussi nous devons nous taire sur des vertus qui s’offensent du grand jour, pareilles à des roses qui ne sauraient fleurir dans une salle de bal. » Comme Dickens, il a le culte de la famille, des sentiments tendres et simples, des contentements tranquilles et purs qu’on goûte au coin du foyer domestique, entre un enfant et une femme. […] quand elle me regarde froidement, elle me remue autant qu’une colique… Comme elle descendait l’escalier en l’éclairant de ses regards !  […] Jusqu’à la dernière heure de sa vie, Esmond se rappellera les regards et la voix de la dame, les bagues de ses belles mains, jusqu’au parfum de sa robe, le rayonnement de ses yeux éclairés par la bonté et la surprise, un sourire épanoui sur ses lèvres, et le soleil faisant autour de ses cheveux une auréole d’or… Il semblait, dans la pensée de l’enfant, qu’il y eût dans chaque geste et dans chaque regard de cette belle créature une douceur angélique, une lumière de bonté. […] Nothing can be more gratifying than this proof of the affectionate regard which the people has for its instructors.

264. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

J’ai contre ma poitrine ma petite chatte, dont le corps est agité par des secousses, comme données par le contact d’une pile électrique, et sur moi, ce n’est plus le regard distrait de la petite bête de tout à l’heure, c’est le regard profond, mystérieux, énigmatique d’une réduction de sphinx. […] Jeudi 6 août Oui, œil énigmatique, œil de sphinx que l’œil du chat, œil qui n’est, pour ainsi dire, qu’une réverbération verte, ne s’éclairant par aucune des tendresses humaines du regard d’un chien et même des autres bêtes, œil mystérieux, avec sa pupille en forme de lettre magique, changeante à toutes les heures, œil renfermant de l’inconnu, œil inquiétant, quand il vous observe et vous scrute. […] Et je continuai mon ascension, le regard attiré sur les murs, par de petites bandes rousses, effrangées comme de la charpie dans des cadres, par des morceaux de papyrus brûlés par le naphte de l’embaumement, qui me rappelaient à la fois des scories de manuscrits de Pompéi, conservées dans les armoires du Musée de Naples, et les folioles noirâtres de l’état civil de Paris, me pleuvant sur la tête, le 24 mai 1871, lors de ma rentrée dans ma maison d’Auteuil. […] Dimanche 20 septembre Dans notre promenade en landau, il est amusant le regard de Daudet, fouillant pour sa « Caravane » toutes les maisons de paysans et de petits bourgeois, et cherchant à percer les existences qui sont derrière ces murs : « Oui, je les habite !  […] » Tout démonté qu’il était, le jeune homme continuait à exposer son affaire dans l’inattention du banquier, dont il voyait les regards se porter rapides, à droite, à gauche, quand tout à coup, dans un ramassement de main, il attrapa une mouche, qui rentra dans le sucrier.

265. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Il regarda le ciel, et une larme germa lentement dans ce regard. […] toi monade en naissant engloutie, Qui jettes sur le gouffre un regard insensé, Et qui meurs quand le cri de ta vie est poussé ! […] Le regard au ciel est une œuvre. […] Jette un regard distrait sur cet homme qui pleure, L’envoie au bagne et part pour sa maison des champs. […] Il veut mieux ; reçoit de leur rayon même Le regard qui va plus loin qu’eux.

266. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Je ne sais quel caractère il a reçu du ciel, celui qui ne désire pas le suffrage des hommes, celui qu’un regard bienveillant ne remplit pas du sentiment le plus doux, et qui n’est pas contristé par la haine, longtemps avant de retrouver la force qu’il faut pour la mépriser. […] l’on n’était alors, aux regards de tous, qu’une espérance ; et qui n’accueille pas l’espérance !

267. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

C’était un homme de qualité, un homme d’esprit, de belle figure, un homme de cour, mais non un de ces courtisans de profession, qui bornant leur ambition à obtenir une parole ou un regard du prince, se pâmaient de joie en s’entendant nommer pour un voyage de Mari y ou Ce Fontainebleau. […] Au contraire, les lettres qui nous manquent nous montreraient madame de Sévigné livrée à elle-même, jetant ses premiers regards sur la société, sur ses connaissances, sur ses amis ; réglant son esprit à mesure qu’il se développe, sa conduite, à mesure qu’elle avance entre les écueils du grand monde ; répandant l’admiration, faisant naître l’amour dans tout ce qui l’entoure, et restant attentive et vigilante sur elle-même.

268. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Aujourd’hui, nous avons à mettre en regard avec le premier le second mérite de Mme de Girardin et à examiner les deux volumes où la femme d’esprit apparaît avec un tel mouvement, un tel étincellement, une telle vie, qu’elle emporte tout, comme l’hirondelle « Emporta toile et tout, « Et l’animal pendant au bout !  […] Une femme seule pouvait nous donner ces feuilletons, qui feront certainement suite, dans l’histoire de la société française, aux lettres de Mme de Sévigné, cette feuilletoniste du grand siècle de Louis XIV, et déplier au regard qui craint qu’elles ne s’envolent ces fragiles peintures d’éventail On aura beau, par un tour de souplesse de l’imagination, se faire spirituel, dandy, Rivarol en habit violette expirante, grand seigneur, prince de Ligne, avec ses coureurs roses et argent, devant sa voiture rose, on n’arrivera jamais, si on n’est qu’un homme, à être le vicomte de Launay d’un siècle grave, par des choses que le siècle dédaigne ou n’aime plus, avec cette supériorité !

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