S’il peint à la manière flamande ses premiers plans, choisis avec le discernement et le sentiment d’un Ruysdaël, d’un Potter ou d’un Wouvermans, il n’en lève pas moins parfois les regards vers les cimes ; et par échappées, sur les têtes de ses personnages, un trait plus hardi, plus fier, plus grandement rêveur, nous rappelle la magnifique et immense Nature qui surplombe tous les petits cadres où Topffer s’enferme, des pies nuageux ou irisés de ses sommets. […] Rappelez-vous donc le Bourbonnais dans le Voyage sentimental, et le peuplier au pied duquel est assise Marie la Folle, cette sœur de lait d’Ophélia, et vous saurez la différence d’un talent qui n’a qu’une face à un génie qui en a deux, et pourquoi les Zig-Zags fatiguent, à la fin, comme un voyage, tandis que le Sentimental Journey intéresse comme un séjour ! […] Rappeler Buffon après avoir rappelé Montaigne, et avec cela rester très individuel, très soi-même, un vrai humouriste, qu’on aime à lire, qui séchera suavement nos larmes ou reposera délicieusement nos yeux, quand nous les aurons mouillés par Sterne ou éblouis par Jean-Paul, n’est-ce donc pas assez pour la gloire d’un homme, fût-il même le compatriote de Rousseau ?
Brune a été jadis plus original. — Qui ne se rappelle l’Apocalypse et l’Envie ? […] — L’an passé, nous avons vu de lui, aux galeries du boulevard Bonne-Nouvelle, une tête d’enfant qui nous a rappelé les meilleurs morceaux de Lawrence. […] Flandrin, une simple tête qui nous a rappelé ses bons ouvrages. […] Le tout rappelle beaucoup Diaz ; mais c’est peut-être plus solide. […] Jacque sur le cuivre est plein d’une liberté et d’une franchise qui rappelle les vieux maîtres.
ils me rappellent de quelle hauteur je suis tombé, et combien jadis je brillais glorieux au-dessus de ta sphère ! […] … Un rang élevé rappellerait bientôt des pensées ambitieuses ; les serments d’une feinte soumission seraient bientôt démentis ! […] Satan se repentant à la vue de la lumière qu’il hait, parce qu’elle lui rappelle combien il fut élevé au-dessus d’elle, souhaitant ensuite d’avoir été créé dans un rang inférieur, puis s’endurcissant dans le crime par orgueil, par honte, par méfiance même de son caractère ambitieux ; enfin, pour tout fruit de ses réflexions, et comme pour expier un moment de remords, se chargeant de l’empire du mal pendant toute une éternité : voilà, certes, si nous ne nous trompons, une des conceptions les plus sublimes et les plus pathétiques qui soient jamais sorties du cerveau d’un poète.
Vous vous le rappelez, il y avait autrefois un homme qui retenait son vent pour dérouter la sagacité de ce diable d’ours, qui le sentait aux narines et le retournait avec sa serre. […] Malgré son nom qui rappelle les roses, Rhoïdis n’en est point une, placée dans les feuillets des livres et qui les parfume… Il n’est que le cloporte qui les ronge, et qui vit dans la feuille moisie… C’est, du reste, par amour idéal pour la Papesse Jeanne qu’il est devenu le cloporte des bibliothèques. […] Il a cette vieille goguenardise impie qui se vante d’être tombée du bonnet de Rabelais, dont le génie n’a pas mérité l’outrage d’être rappelé à propos des gargouillades de Rhoïdis, et qui, tombée de ce sublime bonnet, a glissé jusque dans les culottes cyniques de Diderot, pour aller se perdre dans les culottes, plus ordes encore, de l’auteur du Compère Mathieu. Rien de plus usé, d’ailleurs, que cette goguenardise impie et libertine du xviiie siècle, qu’un esprit vaillant mettrait son honneur intellectuel à ne jamais rappeler. […] Pour attirer à celui-ci, on a placé, à son frontispice, le portrait de la Papesse Jeanne, tiare en tête, avec son bâtard dans les bras ; et comme on l’a posée, elle a l’air de rappeler, avec affectation, une image sacrée… Intention lâchement sacrilège !
Les lettres lui rappellent trop ses antipathies. […] Vous vous rappelez ces gentilshommes dont Molière s’est moqué et qui disaient « savoir tout sans avoir rien appris » ? […] « Si la guerre existe, — dit-il, — la Bourse a le droit d’exister. » Et il pousse la comparaison devant lui sans se rappeler les fameux Congrès de la Paix fondés contre la guerre ; car s’il y en a contre la guerre, des congrès, il doit y en avoir contre la Bourse. […] Son baron rappelle, à propos de tout, son conseil de surveillance. […] Faut-il donc les rappeler ?
» et je me rappelle ces mots, chaque fois que je suis tenté moi-même de dire à un jeune homme : « Ah ! […] Je me rappelle notre prodigieuse insouciance de ce que pouvait nous réserver l’avenir. […] Je ne me rappelle plus très bien quel était alors le gouvernement auquel nous faisions de l’opposition, mais elle était énergique et virulente. […] Je me rappelle un déjeuner chez l’un d’entre eux, pendant la semaine du krack. […] Avant de répondre à ces questions, rappelons-nous les moments où, à notre époque, la belle passion des lettres fut manifeste.
Comme on s’obstina bien longtemps dans la comparaison fatale entre la Restauration des Bourbons et la Restauration des Stuarts, et, plus tard, comme on voulut voir de mystérieuses identités entre la Révolution de 1830 et la Révolution de 1688, de même aujourd’hui la fin d’une République, l’ascendant dynastique d’un homme qui semble avoir absorbé si profondément dans sa gloire le nom de César que, quand on le prononce, c’est à Napoléon qu’on pense, aux qualités impériales retrouvées dans le neveu du César moderne de manière à rappeler involontairement le neveu du César ancien, toutes ces diverses circonstances ont introduit dans les esprits la préoccupation de la grande époque romaine et fait regarder beaucoup la nôtre à travers… Le titre du livre de l’abbé Cadoret semble tout d’abord rappeler cette préoccupation contemporaine. […] Cadoret réfute ces opinions avec une clarté de bon sens et une simplicité d’interprétation qui frapperont toutes les intelligences à tous les niveaux, et détermineront le succès d’un livre qui apprendra à ceux qui l’ignorent, ou rappellera à ceux qui l’oublient, combien l’Église catholique fut toujours gouvernementale, et comme, à toutes les époques de sa glorieuse durée, elle condamna la révolte et appuya ou respecta les pouvoirs constitués, pour les raisons les plus profondes, les plus politiques et les plus saintes.