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286. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Pour la première fois depuis Troie, les races de l’Hellade s’étaient ralliées sur les mêmes champs de bataille ; pour la première fois aussi, leurs traditions dispersées se rassemblèrent dans l’unité d’un même art. […] On dirait une dynastie de Furies. — Amestris, la veuve de Xerxès, vieille et craignant de mourir, fait enterrer vifs quatorze enfants de race noble, « afin de racheter son salut du Dieu qui règne sous la terre ». […] La première venait de l’Asie et la seconde de l’Hellade ; sœurs d’une même race, mais sœurs ennemies. […] De vers en vers, trait par trait, une figure se forme et s’élance, révélant à la reine barbare la fière beauté d’une race libre. […] … Je suis né pour la ruine de ma race.

287. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

J’avais vu des seigneurs russes : c’est une autre race que celle des jeunes dames russes. […] Je voulais donner une idée approchante de ce Fontenelle d’une nature singulière et d’une autre race, resté jeune jusqu’à la fin, — jeune d’esprit, d’imagination et de cœur —, homme avant tout aimable, et dont les faiblesses mêmes (selon le beau vers de Goldsmith) penchaient du côté de la vertu 100. […] Il y a plus : le français est, selon moi, la langue la plus ingrate, la plus sourde, la plus pauvre, la moins souple, mais de toutes la plus soignée ; semblable aux femmes françaises qui, moins belles comme race qu’aucune autre race européenne, sont de toutes les femmes les plus habiles à se faire valoir par les grâces, l’esprit et le tact si rare de toutes les convenances du lieu et du moment.

288. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Il faut être aveugle pour ne pas voir que l’œuvre commencée il y a quatre cents ans dans l’ordre littéraire, scientifique, politique, c’est l’exaltation successive de toute la race humaine, la réalisation de ce cri intime de notre nature : « Plus de lumière ! […] Le meilleur système que l’on puisse suivre pour faire l’éducation des races sauvages, c’est celui que la Providence a suivi dans l’éducation de l’humanité ; car ce n’est pas au hasard apparemment qu’elle l’a choisi. […] Il est certain que la civilisation ne s’improvise pas, qu’elle exige une longue discipline et que c’est rendre un mauvais service aux races incultes que de les émanciper du premier coup. […] J’imagine, du reste, que l’étude scientifique et expérimentale de l’éducation des races sauvages deviendra un des plus beaux problèmes proposés à l’esprit européen, lorsque l’attention de l’Europe pourra un instant se détourner d’elle-même.

289. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Mais le Génie funeste de la race ressaisit son plus noble fils. […] De là le Démon furieux lancé sur cette race, de là le meurtre qu’en ce moment même prépare « la femelle qui va tuer le mâle, l’odieuse chienne qui le flattait tout à l’heure avec un visage souriant et de longs discours ». — Qu’on ne la croie point, c’est son sort ; elle est habituée aux haussements d’épaules et aux moqueries incrédules : ils verront bientôt si elle a dit vrai. […] Il reviendra pour le dernier meurtre qui comblera les crimes de sa race ». […] Elle dit au Chœur qui a parlé de ce démon domestique : « Tu l’accuses enfin, le Génie trois fois terrible de cette race !

290. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Issu de bonne race, il avait en lui des trésors de santé, de probité, de vigueur intellectuelle et morale, dont il usa sans cesse avec application et qu’il ne laissa point dissiper. […] Droz), on voit toujours l’honnête homme, mais on ne retrouve plus l’intrépide magistrat. » Malesherbes, comme tant d’hommes de sa race et de sa forme de caractère, n’était tout à fait grand et intrépide que sur les fleurs de lis, en attendant le jour où il fut si grand en présence de l’échafaud. […] En tout, on le trouverait de la race des L’Hôpital, des Jérôme Bignon, des Vauban, des Catinat, ou même des Fénelon (c’est plaisir d’appareiller de tels noms au sien), plutôt que de celle des encyclopédistes novateurs. […] Malesherbes, ce Franklin de vieille race, avait très nettement embrassé la société moderne dans ses articles fondamentaux ; il l’avait d’avance prévue et anticipée ; mais s’il ne s’était pas trompé sur le but, il s’était fait illusion sur les distances et sur les incidents du voyage.

291. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Ainsi les nouveaux « citoyens romains » de toutes provenances entraient dans les cadres de la société romaine, mais sans briser du même coup tous les liens de la race et du sol : ils se groupaient encore par « peuples » pour adorer un même dieu. […] Les collèges qui réunissent les voisins, comme celui des Capitoliens, à Rome, s’entrecroisent avec les collèges qui réunissent les gens de même race, comme celui des négociants asiatiques à Malaga. […] En ce sens, l’humanisme de la Renaissance, créant, par l’amour des lettres et des arts, de précieux traits d’union entre gens de races et de conditions différentes, préparait l’avènement de la personne humaine171. […] C’est en ce sens que Jhering a pu soutenir ce paradoxe : « L’argent est le grand apôtre de l’égalité179. » Marx le dit de son côté180 : « L’argent en qui s’effacent toutes les différences qualitatives entre les marchandises, efface à son tour, niveleur radical, toutes les distinctions. » Sur le marché il n’y a plus qu’un échangiste, en face d’un échangiste — race, nation, religion, tout ce qui distingue les hommes est momentanément oublié.

292. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Que cette poésie des Hébreux fût enfermée dans le sanctuaire, cachée dans les rangs d’une race choisie, ou qu’il en ait brillé quelque lueur au dehors, cette poésie fut admirable. […] Et, chose extraordinaire, en même temps qu’elle conserve au plus haut degré l’empreinte d’une race particulière et séparée, elle est, par la force et la vérité des mouvements, par l’abondance de la passion, le langage qui parle le mieux au plus grand nombre des âmes humaines. […] Le chant de Moïse a duré, comme la race hébraïque. […] Tel était donc, trois siècles avant les luttes de la Grèce contre l’Asie barbare, le degré de sublime où, devant les maux de la patrie juive et la chute espérée de son oppresseur, s’élevait la voix d’Isaïe, d’un homme de race sacerdotale et royale, de celui qui plus tard paya sa dette à la tyrannie, et, dans sa patrie délivrée du joug étranger, subit, sous un roi ingrat et féroce, le supplice d’être scié par le milieu du corps.

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