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120. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

… De tant d’esprits confus Desportes nous dégage, Et la France lui doit la règle du langage 116 . […] Après Ronsard, qui avait dû remuer beaucoup de mots, Desportes vint faire un choix, dégager la langue poétique de ce pêle-mêle de toutes les langues, donner des règles enfin, sinon la règle même du langage, comme Desyveteaux l’en loue. […] Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, Fit sentir dans les vers une juste cadence, D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la muse aux règles du devoir. […] Il n’est pas une de ses règles qui n’ait pour objet de rendre l’art difficile. […] Eux seuls peuvent se mouvoir librement au milieu de tant de règles lesquelles ne sont que leur naturel même, et le secret de leur éternelle conformité avec le nôtre.

121. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Dumoulin retrouvait les véritables sources et posait les règles fondamentales du droit français ; Bodin mêlait à des rêveries pythagoriciennes deux principes excellents, et qui sont devenus du droit public, l’inaliénabilité du domaine royal et la nécessite du consentement des sujets pour la levée des impôts. […] La morale, comme règle générale des devoirs, s’était séparée du casuitisme, ou de la morale selon la théologie ; et comme science non-seulement de la vertu en général, mais de toutes les bienséances particulières, quels admirables interprètes n’avait-elle pas eus dans Rabelais et dans Montaigne ? […] Il ne prescrit rien, il ne règle rien. […] Cet homme, si profondément chrétien, qui était chanoine et voulait être chartreux, ayant, pour ainsi dire sous la main une doctrine qui règle toutes choses d’une manière si simple, qui ne laisse aucune objection sans réponse, aucune contradiction sans l’expliquer, demandait à cette sagesse, dont Montaigne venait de lui faire voir si clairement les obscurités et les misères, une règle dont l’imperfection avait été la thèse même du livre des Essais. […] Mais ici ce n’est plus la sagesse humaine qui est la règle de la vie, c’est la religion.

122. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Et puis, ensuite, il n’y a pas de règles de la fable. Dans ce siècle où les faiseurs de règles, où les législateurs du Parnasse, où les régularistes, si vous voulez les dénommer ainsi, ont été utiles jusqu’à un certain point  ils ne sont pas absolument inutiles  mais ont été surtout insupportables, à savoir rigoureux, pointilleux sur tous les détails, insistant sur des infiniment petits, et faisant de leur fantaisie souvent, ou de leurs souvenirs poétiques des règles inéluctables, en ce temps-là tous les genres étaient comme soumis aux faiseurs de règles et dominés par eux ; la tragédie plus que tout autre genre ; la comédie presque autant que tout autre genre, le poème épique d’une façon déplorable, abusive et du reste erronée, car c’est sur quoi les faiseurs de règles se sont le plus trompés. Vous voyez qu’un génie indépendant et qui voulait l’être, ou qui l’était instinctivement et inconsciemment, qu’un génie indépendant et qui très probablement tenait à l’être, se sentait d’avance plus libre dans la fable, dont personne n’avait tracé les règles, que dans tout autre genre.

123. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Cependant ce sont là des exemples pris de la littérature classique, et l’on ne trouvera point extraordinaire que, jusque dans leurs écarts apparents, les poètes du xviie  siècle aient, au fond, respecté les règles universellement admises en France de leur temps. […] En France, depuis la révolution romantique, on se pique de marcher sur les règles anciennes et de porter à tout propos des défis à Boileau. Il y a peu de gens qui aient le courage d’avouer que, bien comprises, ces règles valent encore aujourd’hui, et que les plus indépendants, s’ils ont un vrai sentiment de l’art, suivent d’instinct les lois qu’ils méprisent par théorie.

124. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, chacun a sa « morale », c’est-à-dire une conception des règles qui doivent déterminer la conduite de l’individu, et des fins auxquelles s’adaptent ces règles. […] On copie donc les chefs-d’œuvre du xviie siècle ; on en imite les procédés, on en suit les règles servilement, par préjugé ; le monde, qui a adopté cette littérature faite pour lui, ne permet pas qu’on change rien aux formes qu’elle présente.

125. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

La fidélité aux règles du jeu. […] Il faut que ce mandat soit présenté dans les règles et ces règles ce sont les règles de l’honneur et du combat courtois. […] C’est la règle du jeu de la comparaison loyale. […] C’était la règle modèle. […] Telle était aussi la grande règle de nos maîtres curés.

126. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Voltaire aurait été bien surpris si, dans un de ses moments d’inquiétude secrète sur la durée de ses œuvres, quelqu’un lui eût dit qu’en écrivant une épopée il s’était donné le même genre de tort que Chapelain, et qu’au jugement des connaisseurs, la Henriade ne serait qu’un exemple plus illustre que la Pucelle d’un mauvais poème épique composé selon les règles. […] Où l’on voyait les règles de l’épopée appliquées avec un goût timide, on croyait lire un poème épique. […] Oui, nous voulons bien en convenir avec les admirateurs de la Henriade, le poème, pour parler comme Frédéric II, est conduit « avec toute la sagesse imaginable » ; les épisodes y sont dans leur lieu ; le songe de Henri IV, au septième chant, « est plus vraisemblable qu’une descente aux enfers imitée d’Homère et de Virgile » ; la Politique, l’Amour, la Vraie Religion, les Vertus et les Vices « sont des allégories nouvelles » ; nous accordons à Marmontel que les personnages sont amenés avec art, soutenus avec sagesse, qu’ils ne se démentent pas plus que ceux du Clovis de Desmarets ; que la Henriade n’a pas l’enflure de la Pharsale ; que toutes les règles y sont observées, et, sur ce point, nous donnerons volontiers acte à Voltaire d’avoir respecté l’épopée plus qu’aucune autre autorité au monde. […] J’en veux moins à la Henriade qu’à ses apologistes, de certaines de leurs excuses qui ont la prétention de se donner comme des règles de goût. […] Il y a un mot d’un grand acteur du commencement de ce siècle, qui doit faire règle sur ce point.

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