Toutefois on doit en user sobrement, parce qu’elle n’est pas d’un goût assez pur : elle manque surtout de grandeur ; car, en empruntant quelque chose de son pouvoir aux hommes, ceux-ci lui communiquent leur petitesse.
Un écrivain dont nous regretterons longtemps la perte, — un esprit assurément moins original, moins profond, moins artiste que Stendhal, mais qui était de la même race, qui en avait l’acier, moins damasquiné mais aussi pur, et surtout le fil, — Bazin, l’auteur du Louis XIII, ce sobre historien que les imbéciles peuvent croire sec, avait entrepris de restaurer le livre de madame de La Fayette, et c’est cette restauration, accomplie avec le tact d’une connaissance approfondie, que l’éditeur Techener a publiée.
Non, les prêtresses légères ne portent pas à Cérès de l’eau de tout fleuve ; mais celle qui, pure et transparente, coule en petite veine de la source sacrée, celle-là lui est chère101. » — Le poëme des Argonautes ne roule pas cependant beaucoup de limon ; Quintilien l’a loué, tout au contraire, pour un certain courant égal, pour une certaine mesure qui ne s’abaisse jamais : æquali quadam mediocritate. […] Médée, fille d’Éétès, est une jeune fille, prêtresse d’Hécate et habile aux enchantements ; mais, à cette heure, elle est pure, chaste, aussi virginale que peut l’être Nausicaa ; c’est Médée avant tous les crimes. […] C’est un pur mal, amer, cuisant, et qui n’a guère de gracieux que les débuts. […] Et tandis que l’Essaim des abeilles ensemble Pèse d’un poids léger et blesse sans douleur, De la pure rosée incertaine et qui tremble Deux gouttes seulement s’échappent de la fleur Ce sont tes pleurs d’hier, tes larmes adorées, Quand sur ce front pudique, interdit au baiser, Mes lèvres (ô pardonne !) […] … » Jason aurait pu dire la même chose des imprécations de Médée : elle n’a pas assez de paroles tendres pour sa mère et pour sa sœur, et en conséquence elle les quitte ; elle maudit Jason, et en conséquence elle court à lui : c’est la pure logique de la passion.
Proportion, sobriété, décence, moyens simples et de cœur substitués aux grandes catastrophes et aux grandes phrases, tels sont les traits de la réforme, ou, pour parler moins ambitieusement, de la retouche qu’elle fit du roman ; elle se montre bien du pur siècle de Louis XIV en cela. […] Zayde portait le nom de Segrais, et ce ne fut pas une pure fiction transparente ; le public crut aisément que Segrais était l’auteur. […] Zayde est encore dans l’ancien et pur genre romanesque, quoiqu’elle en soit le plus fin joyau ; et si la réforme y commence, c’est uniquement dans les détails et la suite du récit, dans la manière de dire plutôt que dans la conception même. […] Il est touchant de penser dans quelle situation particulière naquirent ces êtres si charmants, si purs, ces personnages nobles et sans tache, ces sentiments si frais, si accomplis, si tendres ; comme Mme de La Fayette mit là tout ce que son âme aimante et poétique tenait en réserve de premiers rêves toujours chéris, et comme M. de La Rochefoucauld se plut sans doute à retrouver dans M. de Nemours cette fleur brillante de chevalerie dont il avait trop mésusé, et, en quelque sorte, un miroir embelli où recommençait sa jeunesse117. […] Vous qui vous estimiez vraie entre toutes, et que le monde flattait d’être telle, vous ne l’étiez pas ; vous ne l’étiez qu’à demi et qu’à faux : votre sagesse sans Dieu était pur bon goût !
Le génie riche, léger et naturellement éloquent d’Horace, est en effet ce qu’il y a de plus attique dans les écrivains romains : l’eau pure de la source se reconnaît jusque dans l’égout. […] Les mœurs dépravées de la Grande Grèce et de Rome rendaient ces inquiétudes plus naturelles et plus obligatoires dans ces climats vicieux que dans nos contrées plus pures ; c’est grâce à ces surveillances assidues que le jeune Horace, enfant d’une beauté précoce, dut la pureté et la fraîcheur prolongée de son âme. […] Pourtant, sachez-le bien, si, à quelques défauts près, qui ne sont que des taches sur un beau corps, mon naturel est vertueux, mes inclinations droites, mon âme innocente et pure (qu’on me passe pour cette fois les louanges que je me donne) ; si avec raison on ne peut rien me reprocher de bas, rien de sordide, rien de honteux ; si enfin je suis cher à mes amis, c’est à mon excellent père que je le dois. […] Virgile se joignait quelquefois à ce triumvirat ; il accompagnait Horace et Mécène dans leur voyage d’été sur les belles côtes de Tarente ; mais sa mauvaise santé et la réserve de ses mœurs à l’égard des courtisanes (quoique moins pures qu’on ne les représente sous d’autres rapports) le rendaient un convive moins agréable dans les festins et un poète moins recherché des femmes de cette cour. […] Voilà la rivière Digentia, aujourd’hui Licenza ; elle sort d’une source tombant du rocher à flots abondants et purs qui ont creusé le marbre avant de couler en rivière.
« Dans la vie chaste et monotone des jeunes filles, il vient une heure délicieuse où le soleil pur épanche ses rayons dans l’âme, où la fleur exprime ses pensées, où les palpitations du cœur communiquent au cerveau leur chaude fécondance, et fondent les idées en un vague désir ; jour d’innocente mélancolie et de suaves joyeusetés. […] En se lavant plusieurs fois les mains dans de l’eau pure qui lui durcissait et rougissait la peau, elle regarda ses beaux bras ronds, et se demanda ce que faisait son cousin pour avoir les mains si mollement blanches, les ongles si bien façonnés. […] Un jour pur et le beau soleil des automnes naturels aux rives de la Loire commençaient à dissiper le glacis imprimé par la nuit aux pittoresques objets, aux murs, aux plantes qui meublaient ce jardin et la cour. […] Les traits de son visage rond, jadis frais et rose, avaient été grossis par une petite vérole assez clémente pour n’y point laisser de traces, mais qui avait détruit le velouté de la peau, néanmoins si douce et si fine encore que le pur baiser de sa mère y traçait passagèrement une marque rouge. […] Elle se mit à marcher à pas précipités, en s’étonnant de respirer un air plus pur, de sentir les rayons du soleil plus vivifiants, et d’y puiser une chaleur morale, une vie nouvelle.
Il avait par-dessus tout un cœur d’or, pur, solide et franc comme le caractère de la Bourgogne, un peu railleur, mais jamais mordant. […] Heureux les peuples qui ont leur sort dans des mains si pures et si douces ! […] Le cavalier servant et l’époux, selon l’usage aussi du pays, s’entendaient pour adorer, l’un d’un culte conjugal, l’autre d’un culte de pure assiduité, l’idole commune d’attachements différents, mais aussi ardents l’un que l’autre. […] Il bâtit cette tour assise par assise, et l’éleva jusqu’à une telle hauteur, qu’elle dominait tous les palais et tous les clochers de la ville qui pouvaient s’interposer à la vue entre le cimetière juif et la villa Torregiani ; en sorte qu’en montant au sommet de sa tour, il pût, à chaque retour du jour, contempler la place de ce campo santo juif, où son idole avait dépouillé sa forme terrestre pour habiter l’éternelle et pure demeure dans son souvenir et dans le ciel ! […] ne sont rien à ses yeux Qu’un fantôme impuissant que l’erreur fait éclore, Rêves plus ou moins purs qu’un vain délire adore, Et dont par ses clartés la superbe oraison, Siècle après siècle, enfin délivre l’horizon.