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1216. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Je passe rapidement sur tous les discours, pour venir à celui qui a, et qui mérite en effet le plus de réputation ; c’est l’éloge funèbre de Turenne, de cet homme si célèbre, si regretté par nos aïeux, et dont nous ne prononçons pas encore le nom sans respect ; qui, dans le siècle le plus fécond en grands hommes, n’eut point de supérieur, et ne compta qu’un rival ; qui fut aussi simple qu’il était grand, aussi estimé pour sa probité que pour ses victoires ; à qui on pardonna ses fautes, parce qu’il n’eut jamais ni l’affectation de ses vertus, ni celle de ses talents ; qui, en servant Louis XIV et la France, eut souvent à combattre le ministre de Louis XIV, et fut haï de Louvois comme admiré de l’Europe ; le seul homme, depuis Henri IV, dont la mort ait été regardée comme une calamité publique par le peuple ; le seul, depuis Du Guesclin, dont la cendre ait été jugée digne d’être mêlée à la cendre des rois, et dont le mausolée attire plus nos regards que celui de beaucoup de souverains dont il est entouré, parce que la renommée suit les vertus et non les rangs, et que l’idée de la gloire est toujours supérieure à celle de la puissance.

1217. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Le cardinal Dubois, qui ne dut son élévation qu’à la bizarrerie des circonstances, qui ne mit pas même la décence à la place des mœurs, et qui eût avili les premières places, si jamais la puissance chez les hommes pouvait l’être, ne se respecta point assez pour se faire respecter.

1218. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Puissance, liberté, vieil honneur militaire, Hein, vieil honneur militaire. […] Il faut avouer aussi que Voltaire est bon ici : Puissance, liberté, vieil honneur militaire, Principes, droits, pensée, ils font en ce moment De toute cette gloire un vaste abaissement. […] Ce gonflement de sa puissance. […] En vingt ans une domination temporelle en matière intellectuelle si solidement établie, (temporellement, en puissance temporelle), que nulle chaire d’enseignement supérieur n’y échappe. […] Une domination temporelle d’un parti intellectuel qui sans doute n’a point les têtes et les cœurs, qui n’y tient point, (mais) qui a (toutes) les chaires, qui a les honneurs, qui a l’argent, qui fait les mariages, comme les (anciens) jésuites, et comme les (anciens) rabbins, qui a les charges, qui a le gouvernement temporel, toutes les puissances temporelles.

1219. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

« Le génie, disait-elle noblement, est aussi une puissance. » Et sans peur elle engagea une lutte épique et assez puérile, avec la puissance formidable de Napoléon. […] M. de Gelder ne pouvait plus représenter une puissance qui n’existait plus. […] Comment employer jusqu’à la puissance de la discipline pour livrer une armée aux ennemis de la France ?  […] » parce qu’il est évident que l’Allemagne veut réduire la France au rang d’une puissance de second ordre. […] Car, sous le ciel d’Asie, toutes sortes de puissances méchantes contribuent à exaspérer le venin de ces potions homicides.

1220. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Faut-il s’étonner qu’avec de pareilles dispositions, ce singulier docteur, qui sait tout et ne sait rien, prétende égaler Dieu lui-même et s’attribuer la puissance créatrice ? […] Quand il vient solliciter auprès des puissances de l’Eglise, on lui donne des injures au lieu d’une place. […] A défaut de mille petits faits semblables, un fait général, trop peu observé jusqu’ici, attesterait encore la popularité des poètes et la merveilleuse puissance de la poésie en Allemagne. […] Calvin prétend que les damnés ne sont damnés qu’afin d’être aux élus un éternel et splendide témoignage de la puissance divine. […] Non qu’il ait voulu donner à son œuvre une haute portée politique et sociale ; en eût-il eu l’ambition, la puissance lui aurait peut-être manqué.

1221. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Les Dieux et les hommes ont reconnu sa puissance… Elle met le pied sur la plage et s’expose, demi-nue, à l’adoration des mortels. […] Au seul bruit de ces révoltes lointaines, la puissance de Néron s’écroule. […] La puissance de bouleversement qu’il manifesta a quelque chose d’inconscient et de machinal. […] Cet empiétement de maternité autorisé du roi, subi par Catherine, mettait le comble à sa puissance. […] Si la puissance diffère, l’esprit est le même : ils suivent d’un pas ferme ou chancelant la même ligne.

1222. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

« L’homme puissant craint autant de maux qu’il en peut faire… » D’où naît donc cet abus si fréquent de la puissance ? […] Vespasien, persuadé que rien n’était au-dessus de sa fortune, et que l’incroyable même était au-dessous de sa puissance, prend un visage serein, satisfait aux vœux des deux malades, au milieu d’une multitude attentive à l’événement, et aussitôt l’aveugle voit, et le paralysé se sert de sa main. […] Heureusement, entre les ennemis de la philosophie, si les uns ont la perversité des Tigellin, ils n’en ont pas la puissance ; et si les autres en ont la puissance, ils n’en ont pas la perversité ; ceux qui pourraient me nuire ne le voudront pas, et ceux qui le voudraient ne le pourront pas287. […] Malgré cette puissance illimitée, on ne peut me reprocher un seul châtiment injuste. […] S’il est éternel, voilà donc un être absolu et indépendant de la puissance des dieux ; s’il ne l’est pas, il a été créé.

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