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375. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Au début de 89, la crédulité publique avait attaché une puissance presque divine à ces espèces de tables de la loi politique. […] Ainsi donc, par une sorte de réciprocité, les journaux excitèrent l’attention du public, et l’attention du public excita l’émulation des critiques quand ils s’aperçurent qu’ils étaient beaucoup plus lus, ils firent plus d’efforts pour n’être pas trop indignes de l’être. […] Au pied de cette chaire se tenaient deux jeunes hommes alors inconnus du public, mais dont M.  […] Les écrivains devaient trouver une facile connivence chez le public. […] Victor Hugo, et pour une autre partie du public, une Messénienne de M. 

376. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Cette grotesque invention du monde renversé prouve seulement que l’éloquence n’est pas de la diplomatie, et qu’entre le barreau et la tribune il y a la distance des affaires privées aux affaires publiques. […] Je n’eus que l’honneur d’avoir pris, avec tous mes collègues, l’initiative d’une pensée juste qui était dans la raison publique. […] Ma réponse, publique aussi, fut la réprobation la plus éclatante de toute intervention de la république française dans les insurrections intestines d’une partie de la Grande-Bretagne contre la mère-patrie. […] La guerre civile, au contraire, portée, formulée, encouragée par un gouvernement étranger contre des gouvernements avec lesquels ce gouvernement étranger n’est pas en guerre, cette guerre civile-là n’a pas eu de nom jusqu’ici dans la langue de la diplomatie, dans le vocabulaire du droit public ; elle en aurait un désormais, elle s’appellerait la guerre britannique. […] Ce principe d’exclusion du droit public pour cause de non-conformité religieuse peut être la diplomatie des derviches et des fakirs, mais ne pourra jamais être la diplomatie des hommes d’État.

377. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

C’était comme un surcroît de volupté ajouté à des fêtes publiques : on exultait, on se délectait. Indifférents à la victoire ou à la défaite des partis, on semblait se réjouir des malheurs publics. […] « On peut tolérer, en les méprisant, les excuses de ceux qui aiment mieux perdre les autres que de s’exposer eux-mêmes ; mais toi, l’exil de ton père, le partage de ses biens entre ses créanciers, ta jeunesse, encore inhabile aux fonctions publiques, assuraient ta sécurité. […] On rendit l’impunité aux persécuteurs, on fit des funérailles publiques aux illustres victimes. […] Voyez ces deux prétendus hommes d’État consommés, Burrhus et Sénèque, n’ayant peut-être pas conseillé le premier crime, mais croyant trouver dans l’urgence du danger public la nécessité du second.

378. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Je n’ai jamais pu me rendre compte de cette différence entre ses jugements publics pendant qu’il vivait, et ses jugements confidentiels et posthumes avec la postérité. […] Le sous-entendu de cette naissance fut accepté en public, mais resta équivoque dans l’intimité. […] L’accouchement forcé en public de cette mère sans mari fut le crime contre la famille, contre la pudeur et contre la nature, commis par le roi Louis-Philippe. […] Ce furent les belles années de sa vie publique, son exil victorieux, qui lui permettait d’accorder à ses ennemis des ministères une trêve honorable. […] Dans un autre temps, c’eût été un événement national, mais le bruit qu’il avait trop adoré couvrit l’émotion publique par une émotion plus personnelle à la nation.

379. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Ce sera même une succession d’événements, car ces rapports annuels de 1846 à 1856, « que les conseils bienveillants de quelques amis des lettres ont engagé l’auteur à réimprimer », comme il nous le dit dans sa préface, ont tous plus ou moins produit leur effet à leur date quand ils furent lus en séance publique d’Académie, — ce genre de solennité dont nous sommes friands encore par un reste de nos anciennes mœurs. […] Et il ne le fut pas seulement par ses fonctions officielles à l’Académie, il le fut de plus par le consentement de cette bonne fille d’Opinion publique, qui a parfois un jour de complaisance sur lequel un homme peut vivre aisément… une éternité. […] … Les contemporains de Villemain, ceux qui furent les témoins de ses succès d’université, de concours publics, d’académie, de toute cette gloire, charmante mais éphémère comme une aurore, crurent à un petit Pic de la Mirandole retrouvé. […] Mais toute cette phrase ambitieuse et menteuse n’a été dressée à grand’peine sur son brodequin de Muse, que pour introduire adroitement le petit mot de grandeur dans ία vie publique. […] Et l’orateur parlant pour lui-même, pro aris et focis, car, ne nous y trompons pas, c’est pour lui que Villemain veut de la grandeur dans la vie publique !

380. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Ainsi se forme un être collectif, le public, dont la pensée s’appelle : l’opinion. […] Public, opinion, presse, autant de termes quasiment inséparables. […] Mais, d’ailleurs, un public peut être présomptueux, infatué de soi-même, intolérant. […] Car d’un public sort une foule qui lui ressemble. […] Il n’en est pas de même du public qui reflète uniquement l’humeur et l’esprit du publiciste.

381. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Je veux pourtant donner cette page où respire l’esprit nouveau à sa naissance, où s’élève comme le premier souffle de cet air public qui va circuler et se développer durant plus de trente ans avec toutes les variations de sérénité et de tempête. […] Le public qui accourait ainsi était un public à mille nuances, comme la France depuis trois mois. […] Les uns et les autres étaient attirés par des motifs divers : ceux-ci par l’intérêt qu’ils portaient au gouvernement, ceux-là par le plaisir de le voir contredire, beaucoup par zèle pour la question soulevée, tous enfin par la curiosité, et, il faut le dire, par un goût tout nouveau pour la discussion éloquente des affaires publiques qui venait de se développer dans notre pays.

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