Et premièrement, pour ne prendre qu’un des côtés de la question, au point de vue de la philosophie de l’histoire, quel est le sens de ce drame ? […] Les ordres de l’état, les dignités, les places, l’argent, on prend tout, on veut tout, on pille tout. […] Cela dit, ou même simplement senti, le gentilhomme prend la chose au vif, décuple sa livrée, achète des chevaux, enrichit des femmes, ordonne des fêtes, paie des orgies, jette, donne, vend, achète, hypothèque, compromet, dévore, se livre aux usuriers et met le feu aux quatre coins de son bien. […] On peut prendre plusieurs vues d’une idée comme d’une montagne.
Elle mit aux prises les deux célèbres rhéteurs Rollin & Gibert. […] Ne faut-il pas entendre uniquement que c’est à l’orateur à prendre pour règle les dispositions des auditeurs, ou bien le dégré de leurs lumières ? […] Il en paroissoit tous les jours quelque nouvelle, tellement qu’il prit le parti de les repousser. […] N’en soyez point surpris ; c’est de l’autre des Cyclopes que j’ai pris mon vol vers le Parnasse. » **.
C’est le temps où nous commençons à prendre confiance en nos lumieres, qui ne sont encore que le premier crépuscule de la prudence. […] Tout le monde sera de mon avis, quand j’avancerai que Moliere n’auroit jamais pris la peine necessaire pour se rendre capable de produire les femmes sçavantes, ni celle de composer ensuite cette comédie, après s’être rendu capable de le faire, s’il se fût trouvé un homme de condition, en possession de cent mille livres de rente dès l’âge de vingt ans. […] Delà naissent tant d’ouvrages ennuïeux, qui font prendre en mauvaise part le nom de poëte, et qui empêchent que personne veuille s’honorer d’un si beau titre. […] Il n’est pas encore satisfait de ses vers, quand ils sont déja assez bons pour plaire aux autres, et la peine qu’il ne sçauroit s’empêcher de prendre pour les perfectionner à son gré, l’impatiente souvent contre lui-même.
Avant que d’entrer en matiere, je dois demander à mon lecteur qu’il me soit permis de prendre ici le mot de siecle en une signification un peu differente de celle qu’il doit avoir à la rigueur. Le mot de siecle pris dans son sens précis, signifie une durée de cent années, et quelquefois je l’emploïerai pour signifier une durée de soixante ou de soixante et dix ans. […] Croit-on qu’un peintre françois, qui auroit pris son essort au commencement des trente-cinq années de guerre qui désolerent la France jusqu’à la paix de Vervins, eût eu les mêmes occasions de se perfectionner, qu’il eût reçû les mêmes encouragemens qu’il auroit reçus, s’il eût pris son essort en mil six cens soixante.
La femme de race qui fait souvent de ces miracles, la femme dont les pères ont héroïquement agi, ne pouvait pas se prendre longtemps dans une écrivaillerie drapée et orgueilleuse. […] Le temps qui prend tout et qui ne rend rien d’ordinaire a fait une exception pour elle. […] On n’y trouve qu’un volume de Don Quichotte qui la retient, quand l’idée la prend d’être trop chevalière errante, et qui la rappelle tout à coup à l’ordre, avec la grosse voix de Sancho, Ce qu’elle décrit avec le plus de soin, ce sont les paysages, et elle les nuance comme elle ferait de sa tapisserie dans son boudoir, ou la beauté de quelques femmes dont elle dit successivement, avec une négligence et une bonne foi, ou une mauvaise, mais qu’on aime : « Celle-là était la plus belle femme que j’aie jamais vue en Asie », ou enfin les atours inouïs de luxe et de poésie parfois, mais plus souvent de mauvais goût, de ces grandes coquettes Barbares. […] Et veut-on la preuve de ce renoncement au rôle littéraire, à la recherche de l’esprit, à la vue du penseur, l’ambition actuelle de tant de bandeaux qui feraient bien mieux de se lisser, prenez la plus grosse question qui soit dans ce livre sur l’Asie Mineure et sur la Syrie.
On a trouvé le néant au fond de tant de choses, que les ivresses sont difficiles… À cet âge tristement viril, quand on parle de courtisanes, quand on se tache les doigts à cette poussière légère que toute la sainteté de la mort ne peut sauver des profanations de la vie, il faut le faire en moraliste et en observateur, non pour glorifier des mémoires trop heureuses, selon nous, de couler à fond dans l’oubli, mais pour prendre le niveau moral d’un pays ou d’une époque et mesurer le vice de tout le monde à la taille de celles qui l’ont inspiré. […] Des courtisanes comme Laïs la Corinthienne, une âme grecque plus légère que la huile de savon appendue au chalumeau d’un enfant, ou comme Ninon, la grande égoïste française dont le cœur fut une plaisanterie éternelle, n’ont point de ces replis où dort l’ensorcellement des âmes, et de ces ineffables manèges qui prennent les cœurs et ne les rendent plus. […] III Dans son livre sur Laïs et Ninon, Debay, qui tient à prendre la mesure phrénologique du petit front grec de la charmante Corinthienne, nous rapporte une foule de mots qui lui font l’effet, à lui, d’être supérieurs. […] Elle était l’amie de Saint-Évremond, exilé qui remplissait tout de sa personne absente, philosophe qui prenait son égoïsme pour de la sagesse, et qui était bien digne de s’accointer à Ninon, plus égoïste que lui encore, espèce de Fontenelle en femme, qui cachait sa monstruosité morale sous cette beauté sans grandeur qui conseille aux hommes l’insolence.
Seulement, faire le Persan comme Montesquieu, au xviiie siècle et même au xixe , s’il en prenait envie à quelqu’un, n’est pas si difficile que de faire l’Anglais. […] … Francis Wey a le ferme bon sens qui devient, en toutes choses, très vite le grand sens, et il a aussi cette mâle finesse de la prudence qui n’est pas la prudence femelle, celle de la lâcheté… Son style, à la trame serrée, étoffée à pleine main, solide, et dont je me permettrai de dire qu’on en sent le grain comme celui d’un maroquin étincelant qui prend et retient la lumière, est bien le style qui convient à un esprit net, avisé (que les sots croiront retors parce qu’il est avisé), sagace enfin, et dont la sagacité naturelle a été aiguisée par l’étude première et continuée de toute sa vie, — l’étude de l’Histoire. […] Il en cite plusieurs sur Louis XI, qu’il appelle spirituellement l’échevin Louis le Onzième, et qui peignent l’homme, cet homme de bonhomie que Béranger prenait — oh ! […] Elles n’empêcheront pas le plaisir qu’on prendra à ce livre attachant, qu’on lira en wagon, et ailleurs.