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370. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

pour que la surprise y fût mieux, une ou deux fois il s’est risqué à être profond, et il l’a été, cet esprit capable de tout. […] Excepté son mari, Sévigné, qui la traita comme ces sortes de femmes — tout vanité, mutinerie, gaîté et caprices, — doivent être traitées pour qu’elles aiment : avec la cravache des procédés indifférents, impertinents et cruels ; excepté son mari, pour lequel elle eut cet amour par pique dont parle Stendhal dans ses diverses classifications de l’amour, elle n’aima personne que sa fille, et encore quand elle était loin !

371. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Nicolardot au commencement de son ouvrage, — a-t-il été assez vertueux ou assez généreux pour qu’il soit téméraire de juger qu’il n’aurait pas refusé de se laisser conduire aveuglément par un caractère vil et bas ?  […] Qu’il se regarde, s’il veut, et se reconnaisse dans les traits de son père, moulés par ce féroce leveur de masque qui n’a rien négligé pour que la hideuse ressemblance fût complète !

372. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Il n’est que le produit du temps ; il est sorti de son fumier… Il est vrai que quand Louis XV, sous la pression universelle, fut allé du premier bond à l’inceste et passa successivement par les bras prostitués des quatre sœurs, cette France, livrée de toute éternité à ce que nous appelons à présent en politique : le centre gauche, c’est-à-dire à la modération bourgeoise dans le mal, trouva trop de Gabrielles comme cela à la clef et se prit à crier contre un sardanapalisme si effroyablement exaspéré, non par vertu, mais par inconséquence de tête changeante et frivole, et pour que l’Histoire eût deux fois à la mépriser. […] Il n’est pas séduit par les grâces de cet homme qui fut longtemps le Bien-Aimé, et qui l’est encore assez aux regards de certains esprits pour qu’ils soient tentés de l’excuser, quand il est sans excuse et sans atténuation devant l’Histoire.

373. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Ce que je n’ai pas dit quand il combattait contre nous, je puis le dire maintenant, pour que la justice de la Critique soit complète. […] Il fallait la donner en dernier, pour que l’admiration et l’émotion allassent grandissant, sans jamais diminuer.

374. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Il a laissé, presque dès son début, des traces trop vives et trop profondes dans l’opinion contemporaine, pour qu’on pût oublier de réunir les écrits dus à cette plume brillante que la mort a si tôt brisée, et qu’il eût brisée lui-même, s’il avait vécu davantage, tant elle satisfaisait peu son âme sainte ! […] Le catholicisme, cette source sublime d’inspiration, a donné à Donoso Cortès une assez belle forme pour qu’il ne puisse la dédaigner sans affectation ou sans injustice, et il ne la lui a donnée qu’à la condition d’élever, d’épurer, de grandir toutes les forces de sa pensée, car la pensée et la forme ne se séparent pas.

375. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Seulement, pour que le coup de balai fût réel, il faudrait un autre manche que le génie de M.  […] … Est-ce même sa définition du progrès, qui a besoin d’une autre définition pour qu’on l’entende, et qu’il appelle l’ordre continu ?

376. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Après le discours éteint, fumant, évaporé, le livre, qui condense la vie de la parole et qui la force à reparaître et à rester là pour qu’on la juge ; le livre, qui affronte la pensée solitaire, glacée, difficile ! […] J’ai entendu nier la carrure de sa tête, la force doctorale qui est en lui, parce que cette force ne se montre pas assez nue, assez décharnée, assez seule pour qu’on la voie : aux yeux des esprits superficiels ou raccourcis, l’indigence d’une faculté étant le meilleur repoussoir d’une autre.

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