Mais l’amour et la poésie même, selon Brantôme, étaient impuissants à reproduire à cette période encore croissante de sa vie une beauté qui était dans la forme moins encore que dans le charme ; la jeunesse, le cœur, le génie, la passion qui couvait encore sous la sereine mélancolie des adieux ; la taille élevée et svelte, les mouvements harmonieux de la démarche, le cou arrondi et flexible, l’ovale du visage, le feu du regard, la grâce des lèvres, la blancheur germanique du teint, le blond cendré de la chevelure, la lumière qu’elle répandait partout où elle apparaissait, la nuit, le vide, le désert qu’elle laissait où elle n’était plus, l’attrait semblable au sortilége qui émanait d’elle à son insu et qui créait vers elle comme un courant des yeux, des désirs, des âmes, enfin le timbre de sa voix qui résonnait à jamais dans l’oreille une fois qu’on l’avait entendu, et ce génie naturel d’éloquence douce et de poésie rêveuse qui accomplissait avant le temps cette Cléopâtre de l’Écosse sous les traits épars des portraits que la poésie, la peinture, la sculpture, la prose sévère elle-même nous ont laissés d’elle ; tous ces portraits respirent l’amour autant que l’art ; on sent que le copiste tremble d’émotion, comme Ronsard en peignant ; un des contemporains achève tous ces portraits par un mot naïf qui exprime ce rajeunissement par l’enthousiasme qu’elle produisait sur tous ceux qui la voyaient : « Il n’y avoit point de vieillards devant elle, écrit-il : elle vivifioit jusqu’à la mort. » VI Un cortége de regrets plus que d’honneur la conduisit jusqu’au vaisseau qui allait l’emporter en Écosse.
Il fut difficile aussi de parler à ce public de ce qui n’était pas lui : et par là la matière littéraire se restreignit encore ; l’homme, mais l’homme de la société, soumis aux rapports, aux lois, aux accidents sociaux, ayant affaire un peu a Dieu, beaucoup aux hommes, nullement à la nature, fut l’original nécessaire de tous les portraits. […] C’est là ce qui vaut le mieux dans l’œuvre de Mlle de Scudéry : les portraits, trop vantés, sont trop embellis par un art doucereux pour avoir une grande valeur ou morale ou documentaire. […] C’est un contresens que d’y chercher, comme Cousin, la peinture du monde réel : ce sont des manuels de civilité, et lorsqu^il s’y trouve des portraits, le rude naturel en est systématiquement éliminé, et tout le tempérament qui résiste au dressage mondain.
Dans des mémoires écrits pour l’instruction de ses enfants, il leur recommande, au lieu de s’en confesser, son Virgile travesti ; il se loue du portrait d’iris, le meilleur morceau, dit-il, qu’il eût fait dans ce genre-là. […] Mais Cydias n’est pas tout Fontenelle ; et ce portrait, plus injurieux que piquant, par lequel La Bruyère se vengea de n’avoir pas eu sa voix à l’Académie, prouve surtout que le peintre n’était pas un candidat endurant. […] On n’a que faire, d’ailleurs, d’être un savant pour goûter, dans le recueil de Fontenelle, les fins portraits qu’il a tracés.
Portrait connu du wagnériste ; railleries (trimestrielles, celles-là, et de lointaine origine) pour le directeur et d’anciens rédacteurs de la Revue Wagnérienne ; portrait parallèle de l’anti-wagnériste. […] Même jour, le Soleil : « Tempête à l’horizon » par Jean de Nivelle, « … Il s’agit là d’une question d’art pur et simple… » Enfin, même jour encore, apparition de l’Anti-Wagner, ignoble factum vendu dix centimes dans les rues, et contenant avec un portrait charge de Wagner et une courte adresse aux lecteurs, deux extraits de journaux sous le titre commun de « Un sodomiste », l’un de M.
Ce sont d’anciens portraits dans des cadres neufs. […] Là, j’aurais voulu voir cette enfant gâtée de la vie parisienne, enfermée dans de grandes salles séculaires remplies de portraits de famille aux vastes perruques, aux mines renfrognées, aux regards sévères. […] Et même je suppose qu’à ces antipodes de son ancien monde, elle eût rencontré, non pas l’honnête et larmoyant comédien que vous faites asseoir à sa table, mais quelque cabotin roué, dépravé, nomade, qui aurait roulé par hasard sa bosse postiche jusque sur les tréteaux de l’Armorique… Eh bien, j’aurais admis qu’en haine de son servage féodal et de ces mœurs antédiluviennes, et des vieux portraits à perruque, et des vertus en vertu-gadin, elle se fût amourachée de cet histrion.
Le temps est loin où l’on pouvait dire avec justice : « La critique souvent n’est pas une science, c’est un métier, où il faut plus de santé que d’esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie2. » De nos jours elle est devenue non pas une science sans doute3, mais un art tour à tour savant et ingénieux, qui tantôt déroule avec une grandeur imposante les annales de la pensée d’un peuple, tantôt dessine avec finesse le portrait et le caractère d’un homme ; ici, dans une causerie facile, nous fait confidence de toutes ses émotions, et se raconte lui-même avec un charmant égoïsme ; là, dans une brillante improvisation, retrouve en quelque sorte l’image de l’éloquence antique, et tient suspendu à ses lèvres un jeune auditoire charmé de voir la pensée éclore à chaque instant sous ses yeux. […] Qu’est-il besoin de rappeler ces Causeries qui n’ont qu’à se ressembler pour devenir d’excellents livres ; ces Caractères qui, plus heureux que ceux de La Bruyère, ont le mérite d’être aussi des Portraits ; ces Cours de littérature improvisés pour des élèves, et où des maîtres habiles viennent puiser leurs inspirations ; ces Études sur l’antiquité grecque, dont l’Allemagne n’a pu surpasser l’érudition, ni égaler le goût et la délicatesse ; enfin ces braves petits livres qui prennent un peu témérairement le titre d’Histoires littéraires, mais dont plusieurs justifient presque leur audace par l’étendue de leurs recherches, la modération de leurs jugements, l’heureuse combinaison des faits et la forme intéressante du récit. […] Ils font des portraits ressemblants, mais livides.
Les politiques qu’il drape en ce livre, la plupart au moins, étant gens d’esprit, seront satisfaits de contempler leur portrait, sans compter qu’ils seront consolés, s’ils ont à l’être, par le portrait de leurs voisins. […] Il me semble qu’il y a dans le portrait de M. […] Ernest-Charles en arrive au portrait de Ferry. […] Ceux qui critiquent seront critiqués, et de ceux qui font des portraits on fera le portrait un jour. […] Eh bien, le portrait le plus manqué qu’on puisse faire de George Sand, c’est un portrait où elle ait un faux air, et plus qu’un faux air, de Mme Louise Colet.