On se rappelle toutes les interprétations historiques qu’on a essayé de donner des types du Gargantua et du Pantagruel de Rabelais, et celles des Caractères de La Bruyère, dans lesquels on n’avait voulu voir qu’une galerie de portraits. Du Boulan, lui, n’est pas pour le portrait. Il discute, au commencement de son livre, la vieille idée plantée là depuis longtemps que l’Alceste de Molière fut le portrait du duc de Montausier.
Ils ont publié leurs Saint-Aubins et leurs Portraits intimes. […] Il est vrai qu’à côté des quelques misérables de lettres dont MM. de Goncourt ont fait « Les Hommes de lettres », il y a deux ou trois opulents portraits, très-ressemblants, dans lesquels on reconnaît quelques littérateurs de ce temps qu’on aime à rencontrer partout, mais surtout là, où ils nous lavent et nous essuyent l’imagination des figures inventées par MM. de Goncourt, en mépris de la littérature. Le seul inconvénient de ces portraits est pour la modestie des auteurs, qui semblent avoir voulu intéresser l’amour-propre de leurs juges naturels à leur faire trouver leur livre une œuvre vraie et éclatante, — ce à quoi ils n’ont évidemment pas pensé.
Dès onze ans, Mlle Necker composait des portraits, des éloges, suivant la mode d’alors. […] M. de Guibert avait tracé de Mlle Necker, lorsqu’elle attei gnait déjà sa vingtième année, un portrait brillant, cité par Mme Necker de Saussure. […] A propos de ces caractères, il était difficile dans le monde d’alors qu’on n’y cherchât pas des portraits. […] Quant au portrait de Mme de Staël, on voit combien tous ceux qui le crayonnent s’accordent dans les traits principaux, depuis M. de Guibert jusqu’à Œlenschlæger et Werner. Deux fidèles et véritables portraits par le pinceau dispenseraient, d’ailleurs, de toutes ces esquisses littéraires : le portrait peint par Mme Lebrun (1807), qui nous rend Mme de Staël en Corinne, nu-tête, la chevelure frisée, une lyre à la main ; et le portrait à turban par Gérard, composé depuis la mort, mais d’après un parfait souvenir.
En ce siècle de Louis XIV pourtant, Charles Perrault, chez nous, fit une chose considérable et neuve en réunissant dans une même publication les portraits des Hommes illustres dans les divers genres et en n’accordant pas plus de place dans ses notices aux grands de la terre, « aux hommes de la plus haute élévation », qu’aux gens de lettres, et à ceux-ci qu’aux artisans : c’est ainsi qu’on appelait encore ceux qui avaient excellé dans les beaux-arts. […] J’ai vu de sa façon un portrait aquarelle de son vieil ami Old-Nick (Forgues), portrait de tout jeune homme, long, fluet, riant, couché, la tête renversée en arrière, les jambes étendues, dans cette délicieuse position horizontale ou demi-horizontale que l’artiste aime à reproduire, et par laquelle il exprime à ravir le far niente, la flânerie, cette première condition du bonheur : il a voulu, tout à côté, faire du même Old-Nick une charge, et il n’a réussi qu’à faire un portrait moins bien, en triste et en laid. […] Corneille, le grand Corneille, dans un petit portrait de lui, en vers, qu’il adressait à Pellisson pour le donner au Surintendant Fouquet, et qui est fort spirituel, n’a pas dit autre chose sur son propre compte : Et l’on peut rarement m’écouter sans ennui Que quand je me produis par la bouche d’autrui.
Jouir de son cœur, aimer et faire du bonheur des autres le sien propre, voilà sa vie. » Quoique M. de Krüdner fût un homme de mérite, sa jeune femme lui prêtait assurément dans ce portrait flatté ; toute leur relation peut se résumer en deux mots : elle était romanesque, et il était positif. […] J’ai vu en tête d’une édition des Lettres portugaises un portrait de M. de Chamilly, devenu maréchal de France, qui représentait bien ce grand et gros homme dont parle Saint-Simon : M. de Chamilly était certes, à cette époque, aussi peu romanesque d’apparence, aussi peu ressemblant au jeune lui-même d’autrefois que dut le paraître le général de Frégeville à M. […] Je ne demande pas mieux, en général, quand je fais un portrait de femme, et, en particulier, un portrait comme celui de Mme de Krüdner, de ne pas pousser à bout les choses, de respecter le nuage et de me prêter à certaines illusions ; je crois, en cela, être fidèle encore à mon modèle. […] La Revue des Deux Mondes, livraison du 1er juillet 1837 ; et dans les Portraits de Femmes. — Cette nouvelle et dernière Mme de Krüdner dément et déjoue l’autre sur quelques points ; je le regrette, mais, en ce qui me semble vrai, je n’ai jamais été à une rétractation ni à une rectification près.
Admettons qu’il existait, avant Molière, quelque imbroglio fondé sur l’équivoque du portrait : il n’est guère douteux que cette intrigue ne provienne de la source ordinaire des quiproquos et des méprises comiques, c’est-à-dire de la commedia dell’arte. […] La Bibliothèque impériale possède une curieuse estampe représentant « le vray portrait de M. de Molière en habit de Sganarelle44 », estampe signée Simonin et qui, selon toute apparence, a été dessinée de visu. […] 18. — Le vray portrait de M. de Molière en habit de Sganarelle. […] Nous reproduisons ce portrait, qui représente Molière adressant au public le compliment d’usage à la fin du spectacle. […] Mais elle causera moins de surprise, si on la compare aux images les plus authentiques qui nous restent, par exemple, au portrait gravé, d’après Pierre Mignard, par J.
Dans un portrait de Huet, écrit par Mme l’abbesse de Caen, je rencontre le même trait qui est attribué à notre savant et qu’il dut tenir de sa mère : « Vous trouvez fort bien, lui dit-on, le ridicule des choses, et en cela seulement vous avez assez l’esprit de votre pays. » Le père de Huet avait été calviniste, mais s’était converti avec sincérité et même avec zèle. […] Voici un gracieux portrait qui lui rend témoignage, et qui nous le montre tel qu’il paraissait aux dames avant les grandeurs de l’épiscopat et dans sa jeunesse. C’est l’abbesse de Caen, depuis abbesse de Malnoue, la célèbre Marie-Éléonore de Rohan, qui parle et qui lui fait son portrait selon la mode du temps : Vous êtes plus grand et de belle taille que vous n’avez bon air. […] [NdA] Huet rendit à l’abbesse portrait pour portrait.