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286. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

11 avril Dans un angle glacé de la place Royale, il y deux coupés qui se morfondent à une porte, des sergents de ville, et une queue de ménages du Marais, de ménages à la Daumier, et, derrière ces ménages, de petites ouvrières en cheveux. […] La fillette est mise à la porte du château avec, pour tout argent, une montre garnie de perles, et deux boucles d’oreilles en diamants. […] En face du peloton, à l’ombre des arbres, les coudes sur la terre et les mains au menton, de grands voyous hors d’âge, mystérieux comme des sphinx, le regard immobile, voilé et dormant, regardaient la troupe travailler, ainsi que des voleurs étudieraient une porte à crocheter, — semblant vouloir voler la charge en douze temps pour des journées futures. […] Sans goût littéraire, mais fureteur sagace, intelligemment curieux, le seul homme, à l’heure présente, qui dans la presse soit un chroniqueur un peu universel, un peu informé de ce qui court, de ce qui se dit, de ce qui se fait, le seul ayant des oreilles autre part que dans le café du Helder et dans le petit monde des lettres, sur la pointe du pied, à la porte entrebâillée du monde, et de tous les mondes, du monde des filles au monde de la diplomatie, écoutant, pompant, aspirant ce journal de la vie contemporaine qui n’est nulle part imprimé, à la piste de tous les moyens d’information, ayant essayé par exemple, nous dit-il, de donner des dîners où il faisait asseoir toutes les professions à sa table, espérant que chaque spécialité se confesserait à l’autre, et que toute l’histoire intime et secrète de Paris débonderait au dessert, de la bouche du banquier, du médecin, de l’homme de lettres, de l’homme de loi. […] mettez cet homme à la porte ! 

287. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Son front porte la rêverie auguste de l’hiérophante, alors que l’auditoire se tait, et ses lèvres le sourire de la paix qui régnait dans le monde lorsque Jésus-Christ y parut. […] Ces qualités, c’est la vivacité d’impression, l’imagination coloriante, la sensibilité nerveuse, la subtilité de l’analyse, la finesse déliée jusqu’à ce qu’elle arrive au rien, la science corrompue des décadences, que, d’ailleurs, même le critique le plus pur est obligé d’avoir dans les siècles de décadence, et enfin et surtout l’anecdote, l’amusette, la bagatelle de la porte, le cancan cher à mon joli siècle, voilà ce qui l’a fait proclamer si facilement et si universellement un grand critique par ceux qui ne se doutent pas de quelle pureté, de quelle fermeté et de quelle profondeur de marbre la notion de la critique est faite. […] … Sainte-Beuve, comme les femmes, et comme les actrices, deux fois femmes, porte le reflet des personnalités qu’il avoisine ; ne voilà-t-il pas un grand miracle ? […] Il porte des fables, disait-elle, comme le prunier porte des prunes.

288. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

S’il est l’ange terrible qui chasse de l’Éden ceux dont la présence le souillait, il est aussi le bon saint Pierre qui ouvre la porte du paradis à ceux qui sont dignes d’y pénétrer. […] La porte qu’il prétend enfoncer est ouverte depuis longtemps. […] Tout homme éminent porte en lui plusieurs âmes, on l’a dit, et c’est cette contradiction intérieure même qui fait sa force : si appliqué qu’il soit à réfléchir et à transformer en règles générales ses aptitudes personnelles, une partie de lui-même échappe toujours à sa réflexion, et ce qui lui échappe le plus c’est cette faculté intime, toute inconsciente et intuitive, qui est proprement son génie. […] Il graisse les gonds de la porte de la vieille tour et, quand la femme y pénètre, la porte se referme sur elle.

289. (1925) Portraits et souvenirs

Les portes du couvent qui renfermait sa fille allaient s’ouvrir au nom de la loi. […] Dans un de ces silences, le timbre de la porte résonna. […] J’ai monté l’escalier de son logis et sonné à sa porte. […] Il y fait voter une loi d’hygiène qui porte son nom. L’Académie lui ouvre ses portes.

290. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Macbeth entra sans obstacle dans le château, dont les portes étaient demeurées ouvertes. […] On voit qu’elle porte un autre cachet que celle de Shakespeare. […] — Ce qui trouble ma joie, répondit le More, c’est l’amour que je te porte ; car je vois qu’il faut que je t’emmène avec moi affronter les périls de la mer, ou que je te laisse à Venise. […] Une autre aventure porte l’enseigne, de retour à Venise, à accuser le More du meurtre de sa femme. […] La première édition est de 1608, et porte ce titre : « Véritable Chronique et Histoire de la Vie et de la Mort du Roi Lear et de ses Trois Filles, par M. 

291. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Enfin, me dis-je en passant sous l’antique porte, voici une véritable abbaye. […] » Il nous ouvrit alors une porte qui, de cette cour, nous jeta sur une terrasse. « Tenez, ajouta-t-il, vous venez au bon moment ; regardez et taisez-vous. » Je regardai en effet et de longtemps je n’ouvris la bouche. […] Il aime par goût les choses du gouvernement ; mis en présence, il veut les apprendre, les étudier en elles-mêmes, il s’y porte avec passion. […] Thiers ; il l’introduisit le premier et en démontra vivement l’usage ; cette idée, en deux mots, la voici : « Enfermer les Bourbons dans la Charte, dans la constitution, fermer exactement les portes ; ils sauteront immanquablement par la fenêtre. » — « Tenons bon, disait encore M. […] Par cette vocation déclarée et par la supériorité aisée qu’il y porte, il élève bien haut son niveau intellectuel.

292. (1813) Réflexions sur le suicide

Et d’ailleurs l’éducation, que nous devons recevoir de la douleur, porte nécessairement sur la portion de notre caractère, qui a le plus besoin d’être réprimée. […] Quelle différence entre cette abnégation religieuse de la lutte terrestre et la fureur qui porte à se détruire pour se délivrer de ce qu’on souffre. […] Nous croyons avoir montré que le Suicide dont le but est de se défaire de la vie ne porte en lui-même aucun caractère de dévouement et ne saurait par conséquent mériter l’enthousiasme. […] en me tuant qu’apprendrai-je aux hommes, si ce n’est la juste horreur qu’inspire un supplice violent et le sentiment d’orgueil qui porte à s’en délivrer ? […] — Mon ami, lui dis-je, quand mes derniers moments seraient entourés de respect, ils ne m’inspireraient pas moins d’effroi ; la mort porte-t-elle un diadème sur son front livide ?

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