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340. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Seulement, tout le monde n’est pas fils du Soleil… Je doutais donc de la valeur poétique de Laurent Pichat, et j’en doutais sans nulle anxiété. […] Le livre de Laurent Pichat est une preuve de plus de cette vérité, qu’il faut être infatigable à mettre en lumière : que rien, dans les dernières erreurs qui se sont abattues et se sont accroupies sur le monde, n’est assez puissant pour venir à bout de la faculté poétique, — la seule peut-être de nos facultés qui soit immortelle, car elle fleurit encore, comme ici, revanche superbe de l’imagination des hommes ! […] Seulement, les âmes poétiques, presque aussi rares que les poètes, sur ces vers mélodieusement profonds, en auront certainement reconnu un.

341. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. […] Il ne nous reste plus qu’à parler de deux machines poétiques : les voyages des dieux et les songes.

342. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

La langue poétique n’a plus ici d’analogue que le latin barbare des versificateurs gallo-romains du cinquième siècle. […] Ces épreuves expiatoires une fois subies, la langue poétique une fois assainie, les spéculations de l’esprit, les émotions de l’âme, les passions du cœur, perdront-elles de leur vérité et de leur énergie, quand elles disposeront de formes plus nettes et plus précises ? […] Si nous avouons sans peine notre inaptitude à saisir les vérités métaphysiques, comment se fait-il que personne n’hésite à juger sans appel l’œuvre poétique, infiniment plus spéciale encore ? […] Cela dit une fois pour toutes, j’aborde l’œuvre poétique d’Alfred de Vigny. […] Il tend sans cesse à la perfection tant dédaignée par l’élire poétique dont je viens de parler, et il y atteint le plus souvent.

343. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Tout était organisé contre cette résurrection du sentiment moral et poétique ; c’était une ligue universelle des études mathématiques contre la pensée et la poésie. […] Elle ne veut plus de mannequin, elle n’invente plus de machine ; car la première chose que fait maintenant l’esprit du lecteur, c’est de dépouiller le mannequin, c’est de démonter la machine et de chercher la poésie seule dans l’œuvre poétique, et de chercher aussi l’âme du poète sous sa poésie. […]   La pensée politique et sociale qui travaille le monde intellectuel et qui m’a toujours fortement travaillé moi-même, m’arrache pour deux ou trois ans tout au plus aux pensées poétiques et philosophiques que j’estime à bien plus haut prix que la politique. […] Dès qu’il sera formé, dès qu’il aura une place dans la presse et dans les institutions, je rentrerai dans la vie poétique. […] Ne laisserai-je ma pensée poétique que par fragments et par ébauches, ou lui donnerai-je enfin la forme, la masse et la vie dans un tout qui la coordonne et la résume, dans une œuvre qui se tienne debout et qui vive quelques années après moi ?

344. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Cette fusion intime entre le poème et la musique, ou pour mieux dire, cette simultanéité de conception impliquant une seule pensée créatrice et la double faculté musicale et poétique dans un même cerveau, est un des points auxquels Wagner s’attache le plus, avec raison. « L’exécution musicale de Tristan dit-il, n’offre plus une seule répétition de mots, la mélodie est déjà construite poétiquement. » La forme musicale se trouvant ainsi figurée d’avance dans le poème et lui donnant une valeur particulière qui répond exactement au but poétique, il reste à savoir si l’invention mélodique n’y perd rien de la liberté d’allures nécessaire à son développement. […] Cet élan de reconnaissance envers la nuit qui les rapproche, cette haine pour le jour qui les sépare, formaient une antithèse poétique heureuse ; mais le développement qui suit n’est plus qu’une dissertation philosophique, et voici ce que Wagner leur fait chanter au moment le plus délicieux de leur étreinte amoureuse : « Descends sur nous, nuit de l’amour, donne-moi l’oubli de la vie, recueille-moi dans ton sein, affranchis-moi de l’univers. […] En laissant de côté plusieurs exemples moins importants, nous trouvons dans les dernières mesures du cycle A l’amante absente de Beethoven et dans la merveilleuse Marguerite au rouet de Schubert des retours pleins de signification poétique. […] Déjà en 1774, dans un Mélodrame intitulé Duodrama, célèbre parmi les érudits, Ariane à Naxos de George Benda, nous voyons une mélodie reparaître avec une intention poétique bien accusée et une signification dramatique nettement voulue : ce sont quelques mesures de la plainte de Thésée, ramenées au moment où Ariane entonne son plaintif monologue après le dernier « adieu » de son amant. […] Mais c’est deux ans plus tard, dans Euryanthe, cette œuvre de génie dont descendront Meyerbeer et Wagner, que le motif réminiscence s’épanouit avec une intensité dramatique et une puissance poétique qui lui avaient manqué jusque-là.

345. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Eût-il trouvé quelque place à leur assigner dans sa poétique ? […] Quelle source de richesses poétiques ne sait-il pas puiser dans cette simple fable ! […] Ce mot apprit au jeune philosophe qu’on ne peut faire une épopée dénuée de merveilleux, et décida sa conversion poétique. […] Jamais illusion poétique fut-elle plus audacieusement fabuleuse, et ne porte-t-elle pas l’effet de l’admiration au plus éclatant degré de la surprise ? […] Il semble craindre de matérialiser ses images, et leur ôte la consistance poétique qui les réalise.

346. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

— ce soi-disant Jupiter poétique n’avait pas poétiquement de personnalité. […] Porchat, on a traduit sans embellissement toute la masse poétique de Gœthe dans son essence et dans son intégralité. […] Lorsque nous abordons, en ce moment, cette masse poétique, savez-vous quelle incroyable évocation se fait tout à coup dans la pensée ? […] Grec de fantaisie parce qu’il est extérieur, il se gendarme, dans ses Pensées poétiques (1er volume), contre les idoles indiennes et l’art indien de tempérament, — je ne dis pas de génie, le génie indou, et même tout le génie de l’Orient, étant ce qu’il y a de plus opposé à ce qu’en Occident ceux qui pensent ont l’habitude d’appeler du génie. […] Lewes, le grand préjugé, — la grande pagode qu’il affecta d’être toute sa vie… le Messie poétique, philosophique et scientifique des temps modernes, mort sans calvaire, sous les courtines d’un lit bien chaud, après quatre-vingts ans de bien-être, et dont une conjonction d’étoiles (rien que ça !)

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