On a ses lettres à sa femme dans les premiers temps de son mariage ; elles sont brusques et affectent même de l’être : Ton sermon me fait grand plaisir. […] Il ne paraît point d’abord sous le charme ni des lieux, ni des gens ; les souvenirs d’enfance lui reviennent et lui font plaisir, mais le rêve passe vite et le positif l’occupe. […] Le pas était franchi, il n’y avait plus à douter que l’humeur de Courier déciderait toujours de sa conduite, et que son plaisir d’écrire l’emporterait sur son désir de vivre en repos. […] Ici, Louis, le modèle des rois, vivait (c’est le mot à la Cour) avec la femme Montespan, avec la fille La Vallière, avec toutes les femmes et les filles que son bon plaisir fut d’ôter à leurs maris, à leurs parents. […] On ne connaîtrait que son talent et non point tout son caractère, si on ne l’avait vu façonner à plaisir et limer ses aiguillons.
Rien qui rappelle Mélicerte ou l’Île des plaisirs. […] Presque toutes dansent pour leur plaisir, dansent avec fureur. […] Sans doute il a pris quelque plaisir aux ballets. […] C’est un plaisir sans doute : ce n’est point le repos. […] ce rien nous a fait grand plaisir.
Au bal, dans les réunions et les fêtes riantes, quand il rencontrait le plaisir, il ne s’y tenait pas, il cherchait par la réflexion à en tirer tristesse, amertume ; il se disait, tout en s’y livrant avec une apparence de fougue et d’abandon, et pour en rehausser même la saveur, que ce n’était qu’un instant fugitif, aussitôt irréparable, et qui ne reviendrait plus jamais sous ce même rayon ; et en tout il appelait une sensation plus forte, plus aiguë, d’accord avec le ton auquel il avait monté son âme. […] La conscience qu’a Lorenzo d’avoir trop vu et trop pratiqué la vie, d’être allé trop au fond pour en jamais revenir, d’avoir introduit en lui l’hôte implacable qui sous forme d’ennui le ressaisira toujours et lui fera faire éternellement par habitude, par nécessité et sans plaisir, ce qu’il a fait d’abord par affectation et par feinte, cette affreuse situation morale est exprimée en paroles saignantes : « Pauvre enfant, tu me navres le cœur », lui dit Philippe ; et il ne sait que répéter, à toutes les explications et révélations profondes et contradictoires du jeune homme : « Tout cela m’étonne, et il y a dans tout ce que tu m’as dit des choses qui me font peine, et d’autres qui me font plaisir. » Je ne fais qu’effleurer le sujet. […] [NdA] Quelqu’un, à moi de bien connu, qui fut un moment compagnon de Musset dans cette vie d’imagination et d’effréné désir, a osé encore écrire une pensée que je surprends et que je dérobe, une pensée qui exprime à souhait, et plus qu’à souhait, cette forme de déréglement et de fureur passionnée si chère à la génération dite des enfants du siècle : « Je me fais quelquefois un rêve d’Élysée ; chacun de nous va rejoindre son groupe chéri auquel il se rattache et retrouver ceux à qui il ressemble : mon groupe, à moi, je l’ai dit ailleurs, mon groupe secret est celui des adultères (moechi), de ceux qui sont tristes comme Abbadona, mystérieux et rêveurs jusqu’au sein du plaisir et pâles à jamais sous une volupté attendrie. — Musset, au contraire, a eu de bonne heure pour idéal l’orgie, la bacchanale éclatante et sacrée ; son groupe est celui de la duchesse de Berry (fille du Régent), et de cette petite Aristion de l’Anthologie qui dansait si bien et qui vidait trois coupes de suite, le front tout chargé de couronnes : “κώμοι και μανίαι, μέγα χαίρετε…” (Anthol. palat.
Puis j’ai senti sa misère, sa souffrance intime, et je l’ai plaint ; j’ai reconnu en lui des vertus d’honnête homme ; j’ai cru à sa sincérité d’artiste, dont je doutais d’abord Enfin, ayant relu les Fleurs du mal, j’y ai pris plus de plaisir que je n’en attendais, et j’ai été contraint de reconnaître, quoi qu’en aient dit d’habiles gens, la réelle, l’irréductible originalité de cet esprit si incomplet. […] Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la prostitution. […] Je les ai relues, et je voudrais vous dire l’espèce de plaisir qu’elles m’ont fait et ce que j’ai cru y voir. […] C’est le chef-d’œuvre de la Volonté (je mets, comme Baudelaire, une majuscule), le dernier mot de l’invention en fait de sentiments, le plus grand plaisir d’orgueil spirituel… Et l’on comprend qu’en ce temps d’industrie, de science positive et de démocratie, le baudelairisme ait dû naître, chez certaines âmes, du regret du passé et de l’exaspération nerveuse, fréquente chez les vieilles races… Maintenant il va sans dire que le baudelairisme est antérieur à Baudelaire.
Il faut que la critique le sache : en exaltant le comédien comme elle le fait depuis trente ans, en quintuplant son importance, en s’occupant de lui avec un dilettantisme si passionné et si exclusif, la critique n’a pas seulement montré ce genre peu touchant de reconnaissance — la reconnaissance du plaisir goûté — que des voluptueux, plus ou moins blasés, peuvent avoir pour de toutes-puissantes courtisanes, mais, à part son abaissement à elle-même, elle a exercé sur la société de son temps une action visible et funeste. […] Et, en effet, pour être juste il faut le reconnaître, l’amour du théâtre parmi nous n’est pas seulement le plaisir matériel des spectacles, le pain des yeux, le vin des sens, cher à tout peuple devenu intellectuellement une populace, et qui demande ses circenses. Chez nous, c’est bien plus qu’un plaisir, c’est l’envahissement de toute la vie. […] Et non seulement ils se multipliaient, mais ils se vantaient d’exister, mais après les plaisirs de l’applaudissement dans la salle ils prétendaient à l’applaudissement dans la rue.
La plupart des lecteurs sont des Sybarites usés ; il leur faut de nouveaux plaisirs : si on ne les réveille pas, on les endort. […] Vous y voyez l’homme dans les cieux, sur les mers, dans les profondeurs des mines ; l’homme bâtissant des palais, perçant des montagnes, creusant des canaux, et faisant servir tous les êtres à ses besoins, à sa défense, à ses plaisirs, à ses lumières. […] D’abord elle donne le plaisir de la surprise par le contraste et par les nouveaux rapports qu’elle découvre ; ensuite on aime à voir un homme qui n’est pas étonné de grandes choses ; ce point de vue semble nous agrandir. […] Plus heureux cependant, ceux qui ont reçu de la nature une âme ouverte à toutes les impressions, qui suivent avec plaisir un enchaînement d’idées vastes ou profondes, et ne s’en livrent pas avec moins de transport à un sentiment impétueux ou tendre.
Il est une multitude de jouissances partielles qui ne dérivent point d’une même source, mais offrent des plaisirs épars à l’homme, dont l’âme paisible est disposée à les goûter ; une grande passion, au contraire, les absorbe tous, ne permet pas seulement de savoir qu’ils existent. […] Voulez-vous du plaisir pour chaque jour sans le faire concourir à l’ensemble du bonheur de toute la destinée ? […] La satisfaction que donne la possession de soi, acquise par la méditation, ne ressemble point aux plaisirs de l’homme personnel ; il a besoin des autres, il exige d’eux, il souffre impatiemment tout ce qui le blesse, il est dominé par son égoïsme ; et si ce sentiment pouvait avoir de l’énergie, il aurait tous les caractères d’une grande passion ; mais le bonheur que trouve un philosophe dans la possession de soi, est de tous les sentiments, au contraire, celui qui rend le plus indépendant.