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469. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Personne, au théâtre, ne possède à un degré aussi vif le don de dessiner, en quelques lignes, des portraits vivants et frappants sous lesquels chacun place un nom. […] L’invraisemblance excessive des situations où l’auteur le place, son intrusion fantastique dans la vie intime de tous et de toutes, ce droit de visite, aussi outrageant que le droit de jambage des temps féodaux, qu’il s’arroge sur le cœur des autres, font de lui un être de raison, sans réalité, sans modèle, créé ou plutôt forgé pour les besoins de la pièce. […] Notez que madame Aubray ne lui dit même pas le nom de la Madelonnette qu’elle lui destine in petto, et que Camille, ne se doutant point qu’il s’agit de Jeannine, le pousse, de son côté, à ce mariage expiatoire, en lui jurant qu’à sa place il épouserait, les yeux fermés, sur la parole de sa mère. « C’est raide !  […] C’est le mouton de l’holocauste qui demande à être égorgé, en place d’Isaac, sur l’autel de la Régénération par l’Amour.

470. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Plus modeste ou moins en vue, non moins généreuse et dévouée, Mme de La Tour-Franqueville fut une des premières ; elle ouvre la marche, et elle mérite qu’on lui fasse une place à part dans la renommée de celui à qui elle s’est consacrée. […] Quelques phrases de lui, à elles adressées, dans les premiers billets, phrases toutes littéraires dont elle s’exagérait le sens, et qu’elle relisait sans cesse, lui avaient fait croire qu’elle avait pu, un instant, occuper dans son cœur je ne sais quelle place qui n’était plus vacante pour personne, depuis que Mme d’Houdetot y avait passé. […] Mais je ris de ma simplicité, de prétendre faire entendre raison sur une situation si différente à une femme de Paris, oisive par état, et qui, n’ayant pour toute occupation que d’écrire et recevoir des lettres, entend que tous ses amis ne soient occupés non plus que du même objet… Je sais, lui dit-il encore avec autant de vérité que d’amertume, je sais qu’il n’est pas dans le cœur humain de se mettre à la place des autres dans les choses qu’on exige d’eux. […] Elle aspira à se faire une place et à laisser une empreinte dans son cœur, sans y parvenir ; mais que du moins son nom reste attaché à la renommée de celui qui si souvent la repoussa, et à qui elle se dévoua sans murmure ; qu’il lui soit donné (seule consolation qu’elle eût choisie) de vivre à jamais, comme une suivante, dans sa gloire !

471. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Son livre se place entre celui de Duclos : Les Confessions du Comte de ***, et le livre de Laclos : Les Liaisons dangereuses ; mais il est plus dans le milieu du siècle que l’un et que l’autre, et il nous en offre un tableau plus naturel, plus complet, et qui en exprime mieux, si je puis dire, la corruption moyenne. […] C’est alors que Duclos essaie de le supplanter et de faire invasion en sa place. […] Car n’oublions pas qu’au beau milieu de ces Mémoires, et à travers toutes les diversités galantes et amoureuses qui les remplissent et dans lesquelles la personne principale s’est peinte à nous plus qu’en buste, la préoccupation, j’allais dire la chimère d’une éducation morale systématique, y tient une grande place, et, dans l’entre-deux de ses tendres faiblesses, Émilie ne cesse d’y faire concurrence à l’auteur d’Émile. […] Quand il était obligé de quitter Paris, c’était elle qui tenait la plume à sa place, et qui, sous la direction de Diderot, continuait sa Correspondance littéraire avec les souverains du Nord.

472. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud, condamné à mort par contumace comme rédacteur de La Quotidienne, et exécuté en effigie sur la place de Grève, ne parvint que dix-huit mois après à faire révoquer ce jugement. […] Songe surtout que tu ne peux désormais t’élever qu’en descendant, et qu’il y a pour toi une place plus belle que la première, c’est la seconde. » Le canon de Marengo se chargea de répondre. […] Michaud, avec toute la compagnie, adhéra, et le lendemain il fut destitué de sa place de lecteur du roi. […] Michaud n’avait jamais considéré sa place de lecteur du roi comme un lien ; il comprenait très bien les conditions de la presse, en ce sens que, pour avoir action sur le public, il ne faut rien accepter du pouvoir.

473. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Cette édition, qui en est maintenant au vingtième volume, mérite en France notre attention et revendique sa place dans nos bibliothèques. […] Je cours après le temps que j’ai perdu si inconsidérément dans ma jeunesse, et j’amasse, autant que je le puis, une provision de connaissances et de vérités. » Plus tard, bientôt, au lendemain de son avènement au trône, la passion le saisira ; l’amour de la gloire, l’idée de frapper un grand coup au début et de marquer sa place dans le monde le fera, coûte que coûte, guerrier et conquérant ; il semblera oublier ses vœux et ses serments philosophiques de la veille ; il oubliera qu’il vient justement de réfuter Machiavel, il distinguera entre la morale qui oblige les particuliers et celle qui doit diriger le souverain. […] » Il désire être instruit sur tous ces points à fond, en détail : « Vous aurez soin d’écarter toutes les nouvelles fausses ou incertaines, et de ne donner place qu’aux seules vérités que vous apprendrez. » De telles réponses précises sont difficiles partout, et en Russie plus qu’ailleurs. […] Quarante-cinq ans s’étaient écoulés ; l’aîné des fils de M. de Suhm qui, autrefois blessé au service, avait obtenu le titre de conseiller de guerre et la place de maître des postes à Dessau, allait mourir à son tour à l’âge de soixante-deux ans ; il écrivit à Frédéric une lettre touchante pour lui recommander ses trois fils, tous trois sous les drapeaux et peu avancés.

474. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Pourtant la franchise courageuse de mademoiselle de La Fayette donna à Richelieu quelque crainte d’un rapprochement entre le roi et la reine ; et, après la retraite de cette noble fille, il résolut, pour plus de sûreté, de remplir la place vacante par une créature de son choix. […] Enfin, si Corneille et Milton (qui passa par Paris vers ce temps-là) se rencontrent, par hasard, sur la place Dauphine, ils ne se quitteront pas sans avoir deviné, Corneille le monument de Desaix, et Milton l’élévation de Cromwell encore inconnu.

475. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

On pourrait, ce semble, commencer simplement, ne fonder qu’un assez petit nombre de places d’élèves ; l’essentiel serait de commencer, et de se confier pour le développement à une terre qui a toujours rendu au centuple ce qu’on y a semé de généreux. […] Chaque année, après les études qui auraient pu se suivre sur place, il y aurait un voyage destiné à quelques explorations d’art ou au commentaire vivant d’un auteur ancien ; la moindre promenade aurait son objet.

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