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415. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

C’était l’auteur de profession, le poète de la Cité et de la place Dauphine, qui se posait comme juge en face des illustres qu’étalaient en vente les Barbin de la galerie du Palais. […] Enfin comme troisième période, après une interruption de plusieurs années, sous prétexte de sa place d’historiographe et pour cause de maladie, d’extinction de voix physique et poétique, Boileau fait en poésie une rentrée modérément heureuse, mais non pas si déplorable qu’on l’a bien voulu dire, par les deux derniers chants du Lutrin, par ses dernières Épîtres, par ses dernières Satires, l’Amour de Dieu et la triste Équivoque comme terme. […] Dans l’intervalle, une seconde place vint à vaquer ; l’Académie y porta Despréaux, et, son nom étant présenté au roi, Louis XIV dit aussitôt « que ce choix lui était très agréable et serait généralement approuvé : Vous pouvez, ajouta-t-il, recevoir incessamment La Fontaine, il a promis d’être sage ». […] [NdA] J’emprunte ce détail, ainsi que plusieurs autres qui trouveront place dans cet article, à un manuscrit de Brossette dont j’ai dû autrefois communication à l’obligeance de M. 

416. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

D’autre part, si vraiment la valeur des choses se mesurait d’après le degré de leur utilité sociale (ou individuelle), le système des valeurs humaines devrait être révisé et bouleversé de fond en comble ; car la place qui y est faite aux valeurs de luxe serait, de ce point de vue, incompréhensible et injustifiable. […] En même temps, la place privilégiée qui a toujours été faite aux valeurs de luxe devient facile à justifier. […] A ces moments, il est vrai, cette vie plus haute est vécue avec une telle intensité et d’une manière tellement exclusive qu’elle tient presque toute la place dans les consciences, qu’elle en chasse plus ou moins complètement les préoccupations égoïstes et vulgaires. […] La sociologie se place donc d’emblée dans l’idéal ; elle n’y parvient pas lentement, au terme de ses recherches ; elle en part.

417. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Les uns et les autres critiquent Sarcey : les Décadents, parce qu’ils le trouvent mauvais ; les Symbolistes parce qu’ils voudraient prendre sa place. » Les Symbolistes sont des poseurs, à preuve l’anecdote suivante que m’a contée un respectable bourgeois qui n’y comprit absolument rien : Un jour de l’été dernier, Léon Mateau et un poète de ses amis revenaient de la campagne où ils étaient allés, sans doute, commenter les derniers accidents de la vie d’Arthur Rimbaud. […] Si secondaire que fût sa place, il s’en contentait à cette condition. […] C’est pour se débarrasser d’eux qu’il organisa au bénéfice de Paul Verlaine, dit-il, la représentation du Théâtre d’Art, en réalité pour se tailler un triomphe facile et humilier ces derniers en ne leur donnant au programme qu’une place dérisoire. […] C’est la nouvelle génération qui monte et qui veut prendre sa place.

418. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Il fallait que Louis XVI égaré lâchât, philosophiquement la clavette révolutionnaire pour que la France de Louis XIV se précipitât… Certes, c’était la vérité, l’État, c’était lui, comme l’État c’était aussi Louis XVI, quand un jour on lui coupa la tête sur la place de la Révolution. […] De toutes ces insultes de Saint-Simon, en les exprimant d’un pouce ferme, il ne sort rien de plus que l’ambition effrénée d’une femme qui avait le droit de prétendre à tout et qui, arrivée à sa place par cette loi de gravitation dont le jeu reste toujours innocent de ses actes, s’effaça et vécut avec la simplicité de la plus humble chrétienne, entre son royal époux et Dieu ! […] Il s’y agit, dans ce volume, à peu près de la fin de tout pour Saint-Simon mûri et qui devait être apaisé (car ce qui rend l’ambition turbulente, c’est l’espérance), et aussi pour la monarchie, puisqu’il n’y a plus rien que Louis XV entre les Orgies du duc d’Orléans et la place de la Révolution. […] Ou c’est la plus complète fermeture aux choses du gouvernement, ou c’est du puritanisme raccourci, un sens moral épais qui bouche le cerveau et la vue, et dans les deux cas, c’est l’homme politique des Mémoires qui reste sur la place, mort du coup !

419. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Elle n’y prenait pas une place à part ; elle n’avait pas su attacher aux traditions religieuses et aux fêtes nationales quelques empreintes immortelles d’imagination et d’art, ; elle n’était pas entrée dans la vie des Romains, moins poétique et moins libre que celle des Grecs : et, si elle s’était mêlée parfois à ces œuvres artificielles du théâtre que Rome victorieuse chercha comme une distraction, elle n’avait eu, sous cette forme, qu’un rôle secondaire, dont le cadre même devenait difficile et rare sous le pouvoir absolu d’Auguste. […] Mais, destructeur des idoles sans rien adorer à leur place, il aura desséché la poésie tout en triomphant par elle. […] Toutefois, dans cette étude même, le poëte romain a trouvé place pour des accents lyriques ; il s’anime du feu d’Homère, et, par une fiction vraiment grande, il transforme la fête qu’il semble décrire. […] Mais, entre les rêves sanglants de Catilina et les cruautés des Triumvirs, quelle que fut encore la jeunesse de l’idiome et du génie romain, il n’y avait guère de place pour l’enthousiasme du beau et la puissance des arts.

420. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Le roi avait toutes ces choses, hormis la libéralité ; mais en la place de cette pièce, sa qualité arborait des espérances de l’avenir qui faisaient avaler les duretés du présent. […] D’Aubigné, qui n’était à sa place nulle part, se trouvait un réformé trop intraitable pour la France, trop libertin pour Genève. […] La postérité qui s’inquiète peu des souffrances des hommes et des traverses qu’ils ont eu à supporter dans leur vie ; qui les prend, quand elle a à s’occuper d’eux, par leur ensemble, et qui aime à les voir sous leurs aspects principaux, a fait à d’Aubigné une belle place et de plus en plus distincte.

421. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

vous m’avez rendu témoin d’un succès brillant au milieu d’une salle si nombreuse où j’ai été heureux de trouver une petite place. […] Pour moi, comme bienfaiteur de l’humanité, je place Voltaire bien au-dessous de l’honnête Beccaria avec son petit livre. […] C’est un bâtiment parfaitement accommodé pour une cinquantaine de cours de diverses facultés. — Je n’ai que l’embarras du choix tous sont ouverts sans nulle façon. — Sur la même place est un grand bâtiment dit Muséum qui est le casino des professeurs et des étudiants, des bourgeois et des étrangers, immense collection de journaux où règne le silence dans les salons de lecture, et qui contient une bibliothèque libéralement servie, des salles de conversation paisible, un vaste salon de concerts, institution des plus honorables (j’omets la fameuse bibliothèque de Heidelberg qui est à la disposition du public). — Enfin je me trouve ici sollicité par une prodigieuse envie de tout lire, de tout entendre, de tout voir et de tout dire, — de m’emparer de la langue la plus familière, de tous les cours, de tous les professeurs, de tous les journaux, de tous les livres, de tous les paysages et de toutes les montagnes.

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