C’est moins fièrement littéraire, mais c’est plus laquais… Le Diderot des Garnier en était à son douzième volume, et l’Introduction et l’Essai sur la philosophie du xviiie siècle ne devait paraître que quand l’ouvrage tout entier serait terminé.
Ni l’un ni l’autre n’a de philosophie, et ils doivent même, l’un et l’autre, en avoir le mépris.
Ces protestants, quand nous voyons leurs temples qui nous glacent et leurs prêches, toujours sur la morale, nous semblent des esprits calmes et modérés, raisonneurs au point qu’à les comparer avec les héros catholiques dont nous avons décrit les états de conscience violents et l’ivresse joyeuse, nous songions d’abord à parler de leur philosophie plutôt que de leur religion ; mais apprenons à mieux les connaître par l’amitié et l’admiration que nous inspirent de tels actes et de tels cris sublimes.
Il n’en est pas de même, quand, chez un peuple, l’esprit d’imitation et un goût puisé chez les modèles, succèdent tout à coup et presque sans degrés à la barbarie : alors les écrivains n’ont ni la vigueur originale et brute dont ce goût d’imitation les éloigne, ni les beautés solides et vraies auxquelles ils n’ont pas eu le temps d’atteindre, et qui sont presque toujours le résultat de la philosophie et des passions mêlées ensemble.
Il faut admirer l’orateur qui, à force d’art, d’esprit, de peinture de mœurs et de philosophie, tantôt délicate et tantôt profonde, vient à bout de suppléer à ce que son sujet lui refuse72, et il ne faudrait pas condamner ceux qui ont eu moins de succès.
Avec les trois professeurs de 1827, Guizot, Cousin, Villemain, il y a une histoire de la chaire (professorale), une philosophie de la chaire, une critique littéraire de la chaire. […] Mais nous venons de voir qu’on pourrait aussi bien l’appeler une critique morale, et même (si les incursions des critiques purs dans la philosophie n’étaient point, Brunetière et Faguet l’ont montré à leurs dépens, parfois bien comiques) une critique philosophique. […] Il régentait le plus sur ce qu’il connaissait le moins : littérature contemporaine, étrangère, philosophie, science (en faillite), politique, et rien ne pouvait moins réussir à Paris, où l’esprit critique se moqua du critique. […] Le problème des genres, c’est le problème des universaux, et même le problème des Idées platoniciennes ; problème que toutes les philosophies ne font que rajeunir. […] Et peut-être serait-ce vrai de Platon, mais alors il faudrait faire rentrer son incursion critique dans une nature et dans un être de philosophe (ce qui n’offrirait guère de difficulté, puisque toute révolution philosophique fut une révolution critique, que la critique littéraire est une philosophie de la littérature, et que la philosophie est une critique des données des sens et de la raison).
Il a aimé, dans l’esprit de Napoléon Bonaparte, l’accumulation des renseignements positifs, la connaissance exacte des mobiles qui font agir l’humanité, la vue directe des individus et des masses, l’habitude de l’expérience et de l’analyse, l’horreur des mots abstraits, des fantômes métaphysiques, de la philosophie scolaire, de l’idéologie. […] Il évitera dorénavant une certaine tendance aux généralisations vagues, résultat d’une ivresse d’esprit assez naturelle chez un polytechnicien nourri de philosophie et de lettres. […] Alexandrie fut un pandémonium et un caravansérail, une foire aux idées et un marché d’esclaves, un musée Guimet et un musée Dupuytren, une fabrique de philosophies et un lieu de plaisir, un foyer de scepticisme et un laboratoire de religions. […] Gustave Flaubert fut, avec moins de philosophie, un apôtre encore plus fougueux de la Littérature, conçue comme l’expression plastique des choses par un artiste insoucieux de leur valeur morale. […] Il y avait, dans les écoles de philosophie, des directeurs de conscience, en quelque sorte « professionnels », des confidents qui se chargeaient de détacher leurs contemporains des faux biens qu’adore la multitude, et de les amener à l’équilibre parfait de l’intelligence, à la soumission des passions apaisées, à la tranquillité de l’âme, victorieuse d’elle-même et de l’Univers.