/ 2094
1089. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Tout annonçait en lui la supériorité et un mérite fait pour briller, et l’on s’explique peu comment, vers cette époque, il écrivait au général de l’Oratoire Sainte-Marthe « que, son talent et son inclination l’éloignant de la chaire, il croyait qu’une philosophie ou une théologie lui conviendraient mieux ». […] Il a des contradictions où sa sincérité et son commencement de philosophie, aux prises avec l’obligation de la louange, ne savent trop comment se démêler ; ainsi, lorsqu’il loue pleinement Louis XIV de sa révocation de l’édit de Nantes, et qu’il veut à la fois flétrir la Saint-Barthélemy et maintenir jusqu’à un certain point l’idée de tolérance : en cet endroit, Massillon essaye de concilier deux idées impossibles, et il y échoue ; il ne produit qu’un effet combattu et incertain.

1090. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

J’ai dit le défaut qui doit être reconnu tel de ceux qui se payent le moins de chimères, et qui sont de la philosophie pratique de Montaigne et de La Fontaine, si voisine d’ailleurs de celle de La Rochefoucauld. […] Cousin sur les femmes du xviie  siècle a eu grand succès : c’est plein de talent d’expression, de vivacité et de traits ; pourtant c’est choquant pour qui a du goût (mais si peu en ont) ; il traite ces femmes comme il ferait les élèves dans un concours de philosophie ; il les régente, il les range : Toi d’abord, toi ensuite !

1091. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Dans sa correspondance de cette époque, il est un passage entre autres qui m’a frappé par le caractère de philosophie et d’élévation qui y est empreint. […] Je fus étonné qu’un homme nourri toute sa vie entre les bras de la Fortune sût tous les secrets de la philosophie, et que vous eussiez acquis de la sagesse en un lieu où tous les hommes la perdent.

1092. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Cela tient, je l’ai déjà remarqué, à bien des causes : — à ce que la philosophie du xviiie  siècle, qui y est répandue et qui y donne le ton, n’est plus à la mode ; — à ce que la langue, cette langue française que Frédéric aimait et écrivait exclusivement, n’est pas sous sa plume des plus correctes et des plus pures, tellement que son faible même pour nous lui devient un titre de défaveur. […] Un peu d’application et d’étude suffit pourtant bientôt pour dissiper ou pour réduire la plupart de ces fausses vues et de ces objections exagérées à distance : à le considérer de près, dans ses actes et dans ses Œuvres, on reconnaît qu’avec ses défauts et ses taches Frédéric est de la race des plus grands hommes, héroïque par le caractère, par la volonté, supérieur au sort, infatigable de travail, donnant à chaque chose sa proportion, ferme, pratique, sensé, ardent jusqu’à sa dernière heure, et sachant entremêler à son soin jaloux pour les intérêts de l’État un véritable et très sincère esprit de philosophie, des intervalles charmants de conversation, de culture grave et d’humanité ornée.

1093. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Mais assez peu nous importe cette philosophie de la margrave, qui n’est guère qu’une variante de celle de son frère : nous nous attachons surtout aux sentiments actifs et dévoués qu’elle déploya et qui la caractérisent mieux. […] Trahissant ses faiblesses secrètes, Voltaire ne put s’empêcher, en publiant d’abord son ode, d’y rattacher et d’y coudre en notes toutes sortes de malices qui n’y avaient nul rapport, des invectives contre les ennemis de la philosophie et contres les siens propres : il y vit surtout une occasion de semer par le monde une diatribe de plus, en la glissant dans les plis de la robe de cette renommée funèbre.

1094. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

On avait vu, à propos du Béranger des Familles, descendre des hauteurs où il se tient d’ordinaire, et se lancer dans l’arène, un esprit fin, délicat, élevé, un peu dédaigneux, une intelligence aristocratique, et qui a gardé des abords du sanctuaire et du commerce des Prophètes l’habitude du respect et une sorte de démarche religieuse jusque dans la suprême philosophie. […] Sa philosophie diffère peu de celle de Montaigne, de ce Michel dont l’Éloge en ce temps-là était mis au concours par l’Académie, et que, lui, sans tant de façons, il lisait et relisait sans cesse : « Il ne m’eût fallu peut-être que sa fortune pour le valoir de tout point, génie à part cependant.

1095. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Dans tout ce que nous appelons philosophie, par conséquent dans toutes les questions élevées et décisives, on se trouve en désaccord avec elle, et toutes les conversations n’y peuvent rien. […] Elle veut tout éclaircir, tout comprendre, tout mesurer ; elle ne vous concède rien d’obscur, d’inaccessible, et tout ce qu’elle ne peut pas éclairer de son flambeau n’existe point pour elle ; aussi a-t-elle une peur affreuse de la philosophie idéaliste, qui, à son sens, mène au mysticisme et à la superstition, et c’est là l’atmosphère où elle s’anéantit.

/ 2094