Lorsque l’esprit humain s’habitua à abstraire les formes et les propriétés des sujets, ces universaux poétiques, ces genres créés par l’imagination (generi fantastici), firent place à ceux que la raison créa (generi intelligibili), c’est alors que vinrent les philosophes ; et plus tard encore, les auteurs de la nouvelle comédie, dont l’époque est pour la Grèce celle de la plus haute civilisation, prirent des philosophes l’idée de ces derniers genres et les personnifièrent dans leurs comédies.
Le « vieux Suisse » des Délices, le patriarche de Ferney est avant tout un philosophe. […] Un autre jour, le philosophe se souvient qu’il est l’héritier de Racine : il dresse ses tréteaux, habille ses marionnettes, et lance des Grecs, des Guèbres, des Crétois à l’assaut de l’Église et des Parlements ; ou bien il arrange en farce indécente sa critique biblique : Saül et David détruisent l’idée d’une révélation. […] Aussi ‘ne fut-il plus qu’« un misérable » ; et pour n’avoir pas voulu payer le bois dont son locataire s’était chauffé, il lui en coûta un fauteuil académique ; la rancune tenace du philosophe ameuta contre lui la secte encyclopédique. […] Aussi est-il le philosophe qui peut-être a le plus fait pour préparer la forme actuelle de la civilisation ; il eût applaudi aux merveilleux progrès de notre siècle utilitaire et pratique, aux inventions de toute sorte qui ont rendu la vie plus facile, plus douce, et plus active, plus intense en même temps. […] Il est le philosophe qu’il faut à un monde de bureaucrates, d’ingénieurs et de producteurs.
Un jour, chez le baron d’Holbach, après dîner, les philosophes rassemblés avaient causé de Dieu à tue-tête et avaient dit des choses « à faire tomber cent fois le tonnerre sur la maison, s’il tombait pour cela ». Galiani avait écouté patiemment toute cette dissertation intrépide ; enfin, lassé de voir tout ce monde ne prendre qu’un seul côté de la question, il dit : Messieurs les philosophes, vous allez bien vite. […] philosophe ! […] Du moins, s’il se pique de se dégager lui-même des vues illusoires et des impressions relatives, il ne s’acharne pas à les détruire chez les autres, en quoi il diffère essentiellement de ses amis, les philosophes français du xviiie siècle. […] En politique, l’abbé Galiani n’avait pas des idées moins originales et moins à part de celles de presque tous les philosophes du xviiie siècle.
Il lui donne d’excellents conseils littéraires sur la méthode à suivre dans une semblable entreprise, mais il ne tarde pas à y mêler des conseils plus généraux et d’un autre ordre ; par exemple : « Pendant la guerre des parlements et des évêques, les gens raisonnables ont beau jeu, et vous aurez le loisir de farcir l’Encyclopédie de vérités qu’on n’eût pas osé dire il y a vingt ans ; quand les pédants se battent, les philosophes triomphent. » Les tracasseries commencent. […] Il faut toujours que les philosophes aient deux ou trois trous sous terre, contre les chiens qui courent après eux. […] je lui réponds : Je règne ; et j’ajoute que je plains les esclaves. » Le zèle du philosophe disparaît ici et se confond dans l’orgueil du riche. […] Voltaire avait réalisé son vœu : Je voudrais que les philosophes pussent faire un corps d’initiés, et je mourrais content. — Ô Frères, soyez unis ! — Que les philosophes véritables fassent une confrérie comme les francs-maçons, qu’ils s’assemblent, qu’ils se soutiennent, qu’ils soient fidèles à la confrérie, et alors je me fais brûler pour eux. — Non, mais je ferai brûler ou du moins exclure qui je voudrai. » — Au premier vent qu’eut Voltaire de la candidature du président de Brosses, il écrivit à d’Alembert (10 décembre 1770) : On dit que le président de Brosses se présente.
Mais le xviiie siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran. […] Au moral, combien il y a plus de vérité, même pour le philosophe, dans deux mots de Pascal où éclate le cri du cœur ! […] Ici il redevient pacifique, modéré, disciple de Franklin, et un philosophe de la société d’Auteuil. […] Il y a une certaine éclipse, qui est célèbre sous le nom d’éclipse de Thalès parce qu’elle fut prédite par ce philosophe. […] C’est ici la pierre philosophale ; tandis qu’à la campagne il reste de la moralité, et qu’en faisant un bon sort de son vivant, on peut trouver serviteur d’attache… On pourrait arrêter ici le philosophe et lui demander pourquoi il y a à la campagne un fonds restant de moralité plutôt qu’à la ville, et si cela ne tient pas précisément à ce qu’il a voulu détruire.
Pour nous, philosophes, tout poème est quelque chose de fabriqué, tout poème un fabricant ; inspiré ou non, peu importe pour l’instant. à coup sûr, quelques-uns le sont. […] Lionel Landry, tout comme mon philosophe phonéticien, me le démontre avec aisance. […] (cité par Delbos, " figures et doctrines des philosophes, p. 285.) […] Mon correspondant qui veut rester anonyme, parle d’ailleurs en philosophe esthéticien, oh ! […] La poésie et la science le concours des philosophes. — les « associations informulées » et le « complexe primitif », d’après M.
Mais quelle supériorité les philosophes de nos jours n’ont-ils pas dans les sciences, dans la méthode et l’analyse, la généralisation des idées et l’enchaînement des résultats ! […] Les philosophes anciens, exerçant pour ainsi dire une magistrature d’instruction parmi les hommes, avaient toujours pour but l’enseignement universel ; ils découvraient les éléments, ils posaient les bases, ils ne laissaient rien en arrière ; ils n’avaient point encore à se préserver de cette foule d’idées communes, qu’il faut indiquer dans sa route, sans néanmoins fatiguer en les retraçant. […] Les principes reconnus par les philosophes modernes contribuent beaucoup plus au bonheur particulier que ceux des anciens.