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282. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Hugo, et le mot a toujours servi, de là l’impossibilité d’exprimer l’émotion. » Eh bien non, et c’est là ce qu’il y a de désolant pour le poète, l’émotion la plus personnelle n’est pas si neuve ; au moins a-t-elle un fond éternel ; notre cœur même a déjà servi à la nature, comme son soleil, ses arbres, ses eaux et ses parfums ; les amours de nos vierges ont trois cent mille ans, et la plus grande jeunesse que nous puissions espérer pour nous ou pour nos fils est semblable à celle du matin, à celle de la joyeuse aurore, dont le sourire est encadré dans le cercle sombre de la nuit : nuit et mort, ce sont les deux ressources de la nature pour se rajeunir à jamais. […] Mais, lorsqu’il s’agit d’un être vraiment intelligent et supérieur, ayant une individualité véritable, il ne saurait être question de lui prêter l’expression d’autrui, celle du vulgaire, celle de tous ; car il a son expression à lui, toute personnelle, qu’il conservera partout et toujours, de quelque nature que soient les circonstances et les émotions. […] Le style, c’est l’homme même, conséquemment l’individu ; ajoutez que c’est en même temps la société présente à cet individu, c’est l’ensemble des imperceptibles modifications qu’apporte au sentiment personnel l’influence de toute une époque, c’est le « siècle », qui nécessairement passe.

283. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Enfin il faudrait composer un livre pour réfuter tout ce qu’on se permet de dire dans un temps où les intérêts personnels sont encore si fortement agités. […] Tous les vices se coalisent, tous les talents devraient se rapprocher ; s’ils se réunissent, ils feront triompher le mérite personnel ; s’ils s’attaquent mutuellement, les calculateurs heureux se placeront aux premiers rangs, et tourneront en dérision toutes les affections désintéressées, l’amour de la vérité, l’ambition de la gloire, et l’émulation qu’inspire l’espoir d’être utile aux hommes et de perfectionner leur raison8.

284. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Il y a enfin des associations purement personnelles que les hasards de notre vie ou les singularités de notre humeur ont liées en nous. […] Mais il faut exercer un contrôle sévère, et ne point sacrifier la légitime exigence d’une idée personnelle à la vieille camaraderie des mots.

285. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Elle marque la mort de Voltaire comme un malheur public et un chagrin personnel : par ses soins, les papiers de Diderot et de Voltaire sont expédiés à Pétersbourg. […] A l’école de Voltaire, il s’est formé, dépouillé de ses germanismes d’esprit et de langue, il a trouvé la forme française et personnelle à la fois de son génie : un style ferme, éclairé de formules vigoureusement nettes ou familièrement pittoresques.

286. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Peut-être ce disciple, qui devait plus tard écrire ses souvenirs d’une façon où l’intérêt personnel ne se dissimule pas assez, a-t-il exagéré l’affection de cœur que son maître lui aurait portée 445. […] Capharnahum, qui était peut-être sur la voie, en possédait un nombreux personnel 468.

287. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Et cette grande fondation fut bien l’œuvre personnelle de Jésus. […] Mais les appréciations de l’histoire générale ne doivent pas se renfermer dans des considérations de mérite personnel.

288. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il tient par mariage à cette Revue, et le népotisme littéraire paraît très simple aux benêts qui s’indignent le plus contre le népotisme papal… Jamais, je crois, Blaze de Bury n’aurait été vu à cette vitrine de la Revue des Deux-Mondes s’il en avait été réduit à son mérite personnel. […] Pour lui, on ne pénètre l’Histoire que par « le sentiment », et comme il va s’agir de l’Antiquité dans son livre, il pose au préalable qu’il est impossible d’interpréter le monde antique autrement que par l’impression personnelle, et il ajoute même, avec la crânerie d’une idée générale qui est le chapeau sur l’oreille de ce fantaisiste : « Écrire l’histoire, c’est donner notre manière de voir sur l’histoire. » Je ne sais pas si, de principe, de Bury est cartésien, mais jamais le moi de Descartes n’a été mieux appliqué à quelque chose qu’il ne l’est, sous sa plume, à l’Histoire.

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