Aristote, l’esprit le plus scientifique de l’antiquité, accordait encore une part à l’accident, au hasard, et semblait penser que les lois de la Nature, au moins ici-bas, ne déterminent que les grands traits des phénomènes. […] C’est encore ainsi que pensait Kepler lui-même quand, par exemple, il cherchait si les distances des planètes au Soleil n’avaient pas quelque rapport avec les cinq polyèdres réguliers. […] Essayons de revenir en arrière et de nous figurer ce qu’aurait pensé un Grec à qui l’on serait venu dire que la lumière rouge vibre quatre cent millions de millions de fois par seconde.
Un sonnet sera ce paysage sous vos yeux. » Certes, Corbière et Rimbaud ont leur part de vérité, et le Sage, réfléchissant, en vient à penser que l’art suprême serait de concilier les deux théories, d’apparence ennemies. […] « Un paysage est beau par lui-même », pense Rimbaud. […] Léon Bloy, pensait autrement à qui l’image de Corbière n’évoquait que l’idée d’un « calicot », celle de Mallarmé « d’un professeur de billard » et celle de Rimbaud « d’un vélocipédiste assassin ».
Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur On pense bien que les causes, que l’historien cherche à surprendre, varient suivant les cas particuliers. […] N’est-ce pas Sainte-Beuve qui remarque chez Mme Necker, à l’état pénible de préparation, des façons de dire et de penser qui se retrouveront aisées et assouplies chez sa fille, Mme de Staël ? […] Quand je me rappelle que telle Lettre Provinciale a été refaite jusqu’à treize fois ; quand je vois surchargé de ratures le brouillon d’une fable de La Fontaine ; quand je pense à l’implacable, acharnement avec lequel Rousseau et Flaubert retournaient une phrase dans leur tête pour la rendre conforme à leur idéal esthétique, je me dis qu’au nombre des influences qui développent les facultés contenues dans l’organisme initial, qui font sortir la fleur et le fruit du germe où ils étaient cachés, cette action de la pensée sur la pensée ne saurait être laissée de côté comme une quantité négligeable.
Il imagine un peintre qui cessa de peindre pour une raison noble et subtile : la couleur, pense ce pauvre homme, est dans l’univers en quantité limitée ; celle qu’on perd à fabriquer de l’artificiel, on la vole à la nature que nos larcins condamnent à créer une vie plus pâle. […] Mais les choses qui font penser mettent en fuite le public. […] Mais les sonnets de José-Maria de Heredia occupent, garnisons tenaces, toutes les sinécures et toutes les pensions.
Quel autre art de penser Aristote et sa suite… M. Coste aurait dû nous dire simplement, dans sa note, qu’Aristote avait fait un livre intitulé : la Logique, et MM. de Port-Royal un ouvrage qui a pour titre : l’Art de penser. […] Molière au moins le pensait, quand il disait de La Fontaine à Boileau : « le bonhomme ira plus loin que nous tous ».
Les vers des anciens, que ce poëte a tournez en françois avec tant d’adresse, et qu’il a si bien rendus la partie homogene de l’ouvrage, où il les insere, que tout paroît pensé de suite par une même personne, font autant d’honneur à Despreaux, que les vers qui sont sortis tout neufs de sa veine. […] Mais comme leur génie ne se connoît pas bien lui-même, comme ils n’ont pas encore un stile formé, qui soit propre au caractere de leur génie, et convenable pour exprimer les idées de leur imagination, ils s’égarent en choisissant des sujets qui ne conviennent pas à leurs talens, et en imitant dans leurs premieres productions, le stile, le tour et la maniere de penser des autres. […] Faites parler de guerre cet officier décrépit, il s’échauffe comme par inspiration ; on diroit qu’il se soit assis sur le trépied : il s’énonce comme un homme de quarante ans, et il trouve les choses et les expressions avec la facilité que donne, pour penser et pour parler, un sang petillant d’esprits.
Bien que la mode soit aux conférences, j’ai toujours pensé que les meilleures ne valaient rien. […] Brunetière déclare le conseil sans portée, et, pour montrer qu’une métaphore suivie peut être ridicule, il cite celle que Molière met plaisamment dans la bouche de Trissotin : Pour cette grande faim qu’à mes yeux on expose, Un seul plat de huit vers me semble peu de chose, Et je pense qu’ici je ne ferai pas mal De joindre à l’épigramme ou bien au madrigal Le ragoût d’un sonnet, qui, chez une princesse, A passé pour avoir quelque délicatesse. […] Chateaubriand pensait qu’on ne dure que par le style et que le style immortalise les œuvres.