/ 1558
172. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Nous verrons, en examinant la littérature du Nord, quelle source d’émotions on peut trouver dans une religion d’un autre caractère ; et je montrerai, en parlant de la littérature moderne, comment les idées religieuses du christianisme étant trop abstraites et trop mystiques pour être représentées sur le théâtre, les auteurs dramatiques ont dû s’occuper uniquement d’exciter l’intérêt par l’énergique peinture des passions. […] Leur art dramatique ressemblait à leur peinture, où toutes les couleurs sont vives, où tous les objets sont placés sur le même plan, sans que les lois de la perspective y soient observées. […] On voit dans ces trois auteurs et leur talent personnel, et le développement de leur siècle ; mais aucun d’eux n’atteint à la peinture déchirante et mélancolique que les tragiques anglais, que les écrivains modernes nous ont donnée de la douleur ; aucun d’eux ne présente une philosophie sensible, aussi profondément analogue aux souffrances de l’âme.

173. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

J’ai lu de près ce que ce prosateur a laissé d’excellent, et je m’offre à prouver quand on voudra qu’il y a dans Bernardin tout le vocabulaire descriptif de Chateaubriand, non pas même sa langue, mais son style, ses plus belles épithètes, ses procédés de peinture écrite, ce qui ne m’empêche pas de distinguer aussi bien qu’un autre en quoi ces deux écrivains diffèrent et combien Chateaubriand dépasse son modèle par le génie de son style et la supériorité de ses images. « Il ne faut, dit M. de Gourmont, s’en laisser imposer ni par l’unanimité ni par la singularité. » Je suis de cet avis, et c’est pourquoi, m’étant fait une opinion personnelle, M. de Gourmont ne trouvera pas mauvais que sa « singularité » ne m’en « impose pas ».‌ […] Ces messieurs ont le droit de faire bon marché de nos opinions, bien qu’il ne soit pas en leur pouvoir d’en déprécier la valeur ; mais il faut voir comme ils sont penauds d’entendre Bossuet lui-même appeler le style de Télémaque « plat, efféminé, poétique et outré dans les peintures ». On nous déclare ne pas comprendre que « si ce style est outré dans les peintures, il soit aussi incolore, et que, s’il est poétique, il puisse être en même temps plat ».

174. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Son histoire n’a pas d’autre conclusion, d’autre signification que cette peinture. […] Et puisque c’est un peintre, et ce n’est que cela, mais puissamment, malgré les taches du protestant, de l’anglais et du puritain, et du millénaire, et même du scholar, qui sont sur son talent et indélébilement y restent, nous allons dire un mot du peintre et de la valeur de sa peinture, et nous aurons tout dit. […] … Mais quoi qu’il soit de ces défauts que je relève et de quelque manière qu’on les juge, Carlyle est un peintre d’histoire, qui a créé je ne dirai pas un genre en peinture historique, — je ne crois pas aux genres et je méprise les Écoles : pour moi, les imitateurs les plus forts ne sont jamais que les assassins de ceux qu’ils imitent et les frappent, comme Néron Agrippine, au ventre qui les a portés, — mais Carlyle a fait le premier une chose qu’avant lui on n’avait pas faite.

175. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Où est donc la beauté de la peinture ? […] L’art d’écrire semble avoir suivi l’art de la peinture : la palette du poète moderne se couvre d’une variété infinie de teintes et de nuances ; le poète antique compose ses tableaux avec les trois couleurs de Polygnote.

176. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

De là, nous passons à la peinture de l’ombre d’Hector. […] Il nous est singulièrement agréable de trouver parmi les poètes chrétiens quelque chose qui balance, et qui peut-être surpasse ce songe : poésie, religion, intérêt dramatique, tout est égal dans l’une et l’autre peinture, et Virgile s’est encore une fois reproduit dans Racine.

177. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Théoriquement, à l’origine même de l’art de peindre, au moins dans l’histoire de la peinture moderne, on peut placer la Peinture religieuse, telle que l’ont conçue, par exemple, les Cimabue et les Giotto en Italie ; ou, en Flandre, les Van Eyck et les Memling. […] Comment la Peinture mythologique est-elle à son tour devenue la Peinture d’histoire ? […] Si les circonstances l’eussent voulu, la Peinture de genre aurait-elle pu précéder la Peinture religieuse ; ou, pareillement, dans l’autre cas, le Roman de mœurs aurait-il pu précéder L’Épopée ? […] La Peinture religieuse, pour avoir paru la première, est-elle de soi nécessairement supérieure à la Peinture de paysage, par exemple ? […] Avant tout, la peinture est une joie des yeux.

178. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Latins et français, ces grands poètes avaient le même dessein : rendre leurs peintures sensibles, frappantes, et parler au génie de leur pays par le génie même de sa langue. […] Ses peintures instruisent et purifient tout ensemble. […] La même remarque s’applique à la peinture de l’amour. […] Telle est la peinture du bonheur des justes dans les Champs Elysées. […] Enfin, on trouve encore à louer, par l’intention de l’auteur, sa retenue dans la peinture de l’amour.

/ 1558