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1267. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Les gens de théâtre, qui rêvent de la supprimer, avouent ainsi l’incompatibilité de leurs visées commerciales avec les mœurs d’un pays libre. […] La première génération romantique, avec Chateaubriand et Byron, avait adoré les pays du soleil. […] Frédéric Masson, est, en somme, un Anglais moyen, normalement imbu des préjugés alors dominants dans son pays. […] Un juvénile désir de voir du pays nous rendait-il imprudents ? […] À deux pas le désert, le grand pays brûlé où rien ne bouge que la lumière qui tremble, où rien ne fleurit que le thym.

1268. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Voulant représenter une jeune fille dont l’acte héroïque se manifeste par l’entreprise d’un très long voyage, il a dû mettre une grande étendue de pays sous les yeux du spectateur : le terrain était ici la base du sujet. […] Ils n’étaient point « nés natifs » de ce pays-là. […] Il l’a tué pour sauver le pays et parce que, pour sauver le pays, il n’y avait pas d’autre moyen à prendre. Dès lors, le pays sauvé, et Constantin n’ayant à sauver que lui-même, il ne tuera pas son père « une seconde fois » en ternissant sa mémoire. Il pouvait le tuer pour sauver le pays ; quand il s’agit de le tuer pour se sauver soi-même, il ne le peut pas ; il ne le fera pas ; il aimera mieux mourir.

1269. (1898) La cité antique

Puis chacun de ses compagnons, s’approchant à son tour, jette comme lui un peu de terre qu’il a apportée du pays d’où ilvient. […] On ne manqua pas de croire que l’urne avait été déposée là par un ancien roi des Messéniens avant la conquête du pays. […] Du fond de leurs tombeaux ils veillaient sur la cité ; ils protégeaient le pays, et ils en étaient en quelque sorte les chefs et les maîtres. Cette expression de chefs du pays, appliquée aux morts, se trouve dans un oracle adressé par la Pythie à Solon : « Honore d’un culte les chefs du pays, les morts qui habitent sous terre390 ». […] On y consignait les prodiges que les dieux du pays avaient opérés et par lesquels ils avaient manifesté leur puissance, leur bonté, ou leur colère.

1270. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

En les méditant, on arrive à connaître le paysan russe aussi parfaitement que si on avait passé sa vie dans le pays. […] Mais où il excelle surtout, c’est dans la description pittoresque du pays ; il sait rendre avec une merveilleuse exactitude les mouvements les plus imperceptibles, et jusqu’aux traits fugitifs qui caractérisent inopinément la physionomie mobile et expressive de la nature. […] Prenons les hommes que l’auteur nous montre dans la nouvelle intitulée Kor et Kalinitch : ils ne le cèdent assurément pas, pour l’intelligence et la dignité, aux paysans des pays les plus éclairés, et l’emportent sur eux à beaucoup d’autres égards. […] J’avais souvent entendu parler du forestier Birouk à mon Jermolaï et à d’autres habitants du pays : les paysans le craignaient comme le feu. […] Mais l’isolement habituel auquel tu étais condamné, la sujétion de l’état que tu avais embrassé et l’impossibilité d’en être jamais délivré, les automnes et les hivers sans fin du pays, et par-dessus tout une maladie incurable… Ô mon pauvre Avenir !

1271. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Qu’on sorte de la règle ou non, peu m’importe, pourvu que l’on soit un héros comme Shelley ou Byron dont je mets la vie véritablement épique infiniment au-dessus de la vie moyennement dramatique des nombreux Romney qu’on rencontre dans les pays anglo-saxons. […] À défaut d’actions étonnantes, il a besoin de voyager dans des pays étranges et lointains pour tromper son goût d’aventures. […] Tandis que son pays se prépare à la guerre et que lord Irondale, nommé général en chef de l’armée des Indes, va prendre son commandement, le Centaure est tout à son extase et tout à son amour. […] Il se tourne vers le Tsar, car, dit-il, « je n’ai point de pays, moi, je suis le fils irrésistible de la Nature et de la Force ». […] Cette tendance est excellente, si elle implique uniquement la volonté de prendre comme modèles les chefs-d’œuvre incontestables de tous les temps et de tous les pays pour réaliser des œuvres nouvelles d’une originalité profonde ; mais elle serait déplorable si elle n’était que l’expression d’une pensée pauvre qui se tourne vers un passé restreint pour s’y confiner, et pour y mourir.

1272. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Lorsque Louis XIV prit en main le gouvernement après la mort de Mazarin, l’Auvergne était un des pays les plus signalés par le nombre comme par l’impunité audacieuse des crimes ; dès 1661 et dans les années suivantes, les intendants ne cessaient d’y dénoncer à Colbert toutes sortes d’abus de pouvoir et d’excès de la part des nobles, protégés et couverts qu’ils étaient par les officiers mêmes de justice : ce fut aussi l’Auvergne que l’on jugea à propos de choisir pour commencer la réparation dans le royaume. […] On est dans une longue allée plantée des deux côtés et arrosée d’un double ruisseau : on découvre en éloignement les montagnes de Forez d’un côté, et une grande étendue de prairies, qui sont d’un vert bien plus frais et plus vif que celui des autres pays. […] Il a introduit habilement et ménagé, à travers son récit, quatre ou cinq de ces entretiens développés, dans lesquels les personnes du lieu lui racontent, sur l’histoire et les événements du pays, ce qu’il n’a pu savoir directement de lui-même.

1273. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

On est allé, pour la récolte et la vendange, chercher les plus entendus et les mieux préparés sur chaque production du pays, sur chaque cru ; on a demandé à chacun ce qu’on savait à l’avance de son goût, ce qu’il préférait, au risque de le voir un peu se délecter et abonder dans son propre sens. […] Il y a, entre autres, une mémorable scène, c’est quand Bernier, le loyal vassal, qui a retrouvé sa mère religieuse dans un couvent de ce même pays du Vermandois qu’on va ravager, est tout d’un coup surpris par l’incendie de l’abbaye, à laquelle Raoul, le fougueux baron, avait pourtant la veille accordé la paix ; mais un incident survenu a retourné soudainement sa volonté aveugle et enflammé sa colère ; il a commandé qu’on mit le feu, et il a été trop bien obéi : Brûlent les cellules, s’effondrent les planchers ; Les vins s’épandent, s’enfoncent les celliers ; Les jambons brûlent et tombent les lardiers ; Le sain-doux fait le grand feu redoubler ; Il (le feu) s’attache aux tours et au maître-clocher : Force est bien aux couvertures de trébucher ; Entre deux murs est si grand le brasier, Que toutes cent (les nonnains) brûlent écrasées ; Marcens y brûle, qui fut mère à Bernier, Et Clamados, la fille au duc Renier… De pitié pleurent les hardis chevaliers. […] Ainsi, dans la bouche de Bégon, qui, tout fort et redouté qu’il est en Gascogne, ne s’y sent pas chez lui, cette belle réponse à ceux qui lui vantent et lui énumèrent ses richesses : Le cœur d’un homme vaut tout l’or d’un pays.

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