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1361. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Combien pensent, comme Gontcharoff, que la vie des gens qui travaillent est pauvre en sujets pour l’artiste et que notre vie à nous, oisifs, en est au contraire toute remplie ! […] Des œuvres s’occupant de la vie des riches peuvent être aussi profondes, aussi générales, aussi universelles que celles émanant de la vie des pauvres, cela tombe sous le sens ; tout dépend de l’auteur et de ses facultés. […] Le pauvre Nietzsche, enfermé depuis dix ans dans une maison de santé, vit encore, totalement privé de raison. […] La phrase l’emporte sur la page et en obscurcit le sens, la page devient vivante aux dépens du tout, le tout n’est plus un tout… La vie, la vibration et l’exubérance de la vie sont refoulées dans les plus petits organes, le reste est pauvre de vie. […] Pauvre philosophe !

1362. (1927) Des romantiques à nous

Pauvre Sainte-Beuve ! […] Génie critique et poète, poète dans l’admirable prose de sa seconde moitié de vie, poète dans ses vers, en dépit de leur plastique trop fréquemment malheureuse, Sainte-Beuve a été, sous quelques rapports, un assez pauvre homme, une nature gâtée et qui a son secret fâcheux. […] Je ne vise pas le reste de l’œuvre poétique wagnérienne, Tannhäuser, Lohengrin, très acceptables opéras, Les Maîtres chanteurs, fable germanique un peu lourde, qui a un gros charme adolescent Moussorgsky, musicien doué à miracle, mais sans école, étranger aux traditions qui soutiennent le compositeur, gauche, fruste, parfois pénible, jamais indifférent, imprimant à ses gaucheries mêmes un accent et un mordant extraordinaires, ourdissant un tissu qui, de loin, pourrait sembler pauvre et troué, mais qui offre à un regard plus proche des fils merveilleux, ne demandant rien qu’à lui-même, ne tirant rien que de sa propre substance, Moussorgsky, à la fois prince oriental et pauvre moujik de son art, ne chante que sous les inspirations humaines les plus exquises moralement Ce n’est certes pas un sentimental. […] Wagner est somptueux et pourrait prêter des millions à ce pauvre Russe. […] Le rayonnement inaccoutumé de tous ces visages le frappa. « Pauvres gens !

1363. (1940) Quatre études pp. -154

Il était pauvre, et ne parvenait pas toujours à placer sa copie ; l’argent qu’il avait eu jadis, il l’avait gaspillé si vite qu’il lui semblait n’en avoir jamais eu. […] il n’était pas un Régulus, et se sentait peu de goût pour être bercé dans un tonneau lardé de pointes ; il n’était pas un Brutus, et frissonnait à l’idée d’enfoncer un poignard dans son pauvre ventre. […] Devant ma table vint s’asseoir Un pauvre enfant vêtu de noir Qui me ressemblait comme un frère. […] Et tu ne mépriseras Même pas moi, le prêtre de ce pauvre sacrifice… (Coleridge, To Nature.) […] Mais tout est relatif ; et s’il est vrai qu’après ce grand créateur et ses émules, une poésie pauvre et desséchée est devenue impossible chez nous, dirons-nous cependant que l’imagination est la qualité dont nous pouvons nous vanter le plus communément ?

1364. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Des Fables, des Romans, des Récits de faits & gestes fabuleux furent long-temps son partage, c’est-à-dire, ses seuls objets & tous ses fruits : elle étoit trop peu féconde pour en produire d’autres, trop pauvre pour atteindre à la richesse d’expression qu’exigent les grands sujets, trop barbare & trop rude, pour peindre avec succès les nuances délicates des sujets d’agrément. […] La langue est nécessairement pauvre chez un peuple sauvage, dont les idées ne sont, pour ainsi dire, que des sensations, & dont les réflexions & les connoissances ne s’étendent pas au-delà de ce qui le touche ou l’environne. […] Dès qu’ils furent sortis de la barbarie, qu’ils cessèrent d’être errans & pauvres, & qu’ils purent jouir de leurs conquêtes, ils cherchèrent les moyens de respirer en paix sous l’heureux climat qu’ils avoient choisi. […] Ils étalèrent un luxe qui fit gémir le pauvre, & rougir l’honnête médiocrité.

1365. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Première contredanse L’auteur comique vulgaire, pygmée grimpé sur des échasses, attaque et poursuit vaillamment de pauvres misères individuelles125 : l’avarice, l’amour-propre, la vanité aristocratique ou bourgeoise, l’ignorance et la pédanterie, les charlatans, les précieuses, les coquettes, les dupes, les imposteurs, les cuistres, etc., etc.

1366. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Le pauvre garçon, qui eut tant de belles qualités, de si heureuses inspirations, et qui n’est arrivé qu’à être inconnu ou ridicule, est la vivante justification de Malherbe.

1367. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Le Dictionnaire académique vaut pour Racine : il est trop pauvre pour Molière et pour La Fontaine, qui ont besoin de signes moins éloignés et moins dépouillés des sensations naturelles.

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