c’est qu’il vécut en effet pendant les cinq siècles qui suivirent la guerre de Troie, dans la bouche et dans la mémoire des hommes. — Jeune, il composa l’Iliade… La Grèce, jeune alors, toute ardente de passions sublimes, violentes, mais généreuses, fit son héros d’Achille, le héros de la force. […] Quelle force de jeunesse n’ont pas alors l’imagination, la mémoire, et les passions qui inspirent la poésie ? […] Quant au nombre musical et poétique, il est naturel à l’homme ; les bègues s’essaient à parler en chantant ; dans la passion, la voix s’altère et approche du chant. […] Le peuple corrompu était esclave de ses passions effrénées ; il devient esclave d’une nation meilleure qui le soumet par les armes, et le sauve en le soumettant. […] — Dans le discours de 1700, Dieu, juge de la grande cité, prononce cette sentence dans la forme des lois romaines : L’homme naîtra pour la vérité et pour la vertu, c’est-à-dire pour moi ; la raison commandera, les passions obéiront.
La patience d’un bénédictin, la passion d’un artiste, ont été consacrées par lui à cette étude : il a poursuivi son œuvre à travers tous les dangers et l’a recommencée avec une persévérance sans égale. […] « J’avais dix ans ; cette passion d’histoire naturelle augmentait à mesure que je grandissais. […] Loin de me décourager, ce désappointement irrita ma passion. […] Telle était l’intensité de cette passion puérile qui n’a pas diminué avec l’âge, que, si l’on m’eût enlevé mes dessins, je crois que l’on m’eût donné la mort. […] Dieu bénit mon union ; les soins du ménage, la tendresse que je ressentais pour ma femme et la naissance de deux enfants ne diminuèrent pas ma passion ornithologique.
N’y cherchez pas l’intérêt qui naît de la lutte d’un caractère et d’une passion ; tout le drame est dans les complications qui séparent les deux amants. […] De même, au lieu d’événements naturels où les personnages sont engagés par leurs passions ou par leurs travers, je vois le plus souvent des incidents artificiels, tout de l’invention du poète. […] Enfin, le langage, au lieu d’être un art, n’est plus que la nature elle-même parlant par la bouche des personnages, selon le sexe, le caractère, la passion, la condition. […] Il y a plus d’intérêt, plus d’action, plus de passion. […] dans une contrariété vive et présente, on peut tirer quelque soulagement d’une autre passion ; mais un aphorisme de morale n’y fait rien.
On passait sur des chants interminables de divagations, d’obscénités et de platitudes, pour s’extasier avec raison sur des chants inouïs de passion naïve, de jeunesse, d’innocence et de félicité, tels que les amours de Don Juan et d’Haïdé, cette Chloé et ce Daphnis de l’Archipel. […] Don Juan, en un mot, c’est l’étourdi blasé de l’univers, c’est le mauvais sujet de l’espèce humaine, c’est le vice séduit et séduisant, éprouvant quelquefois la passion, la jouant plus souvent par caprice et la finissant toujours par un éclat de rire. […] « La passion vint, ajoute-t-il ; elle éclaira un instant ce génie si bien fait pour elle ; mais elle le ravagea. […] Est-ce que tu vis même par aucune de ces illusions généreuses et juvéniles qui poussent l’homme en avant sur les routes de l’idéal, de la passion, de l’activité, de l’étude, et qui sont les mirages de la liberté et de la vertu ? […] Et comment bien espérer encore de ce réveil de ton âme, ô Jeunesse dorée de Musset, Jeunesse à qui tes poètes eux-mêmes, tes poètes épicuriens, chantres jadis des nobles passions, baladins de paroles aujourd’hui, prêchent l’indifférence, le boudoir et la coupe pour toute vérité ?
Littérature d’édification, ou d’enseignement même, si les Miracles et les Mystères sont nés à l’ombre du sanctuaire, c’est qu’ils n’ont d’abord été qu’un prolongement du culte, à vrai dire ; et de cette origine, il en subsistera quelque chose jusque dans les représentations des Confrères de la Passion. […] Clercs ou laïques, les auteurs de nos Mystères, que l’on en appellerait plus exactement les fournisseurs, ne se proposent seulement plus de nous conter le « drame de la Passion », ni d’apprendre à la foule des vérités nouvelles, ou de lui présenter sous une forme nouvelle des vérités anciennes, mais leur dessein ou plutôt leur fonction, tout ce qu’ils sont et ce qu’on leur demande, n’est que de tracer une espèce de scénario qui serve aux bourgeois de Tours ou d’Orléans de prétexte à monter sur les planches, vêtus d’oripeaux éclatants, — et à se procurer ainsi le même genre de plaisir que leur donne de nos jours une « cavalcade » soi-disant historique. […] 3º Les premiers Monuments de la Langue. — Les Gloses de Reichenau, viie -viiie siècle ; — les Serments de Strasbourg, 842 ; — la Prose de sainte Eulalie, vers l’an 880 ; — l’Homélie sur Jonas, première moitié du xe siècle ; — la Passion et la Vie de saint Léger, seconde moitié du xe siècle ; — la Vie de saint Alexis, vers 1040. […] Caractères généraux de l’épopée romanesque ; — et qu’ils ne sont ni ceux de l’épopée héroïque, — ni ceux de la poésie provençale : — 1º le merveilleux n’y est pas celui des pays du soleil, non plus que le paysage en général ; — 2º l’adoration mystique à la fois et sensuelle dont la femme y est l’objet ne ressemble pas du tout à ce qui respire dans les chansons des troubadours ; — 3º la passion y affecte un caractère de tendresse et de profondeur qu’elle ne présente nulle part ailleurs ; — 4º et le tout s’y enveloppe d’un voile de mélancolie ou de tristesse même qui n’a certainement rien de méridional. — D’autres caractères ne différencient pas moins notre épopée romanesque de la poésie arabe ; — puisqu’on a prétendu voir dans les Arabes les initiateurs de la « chevalerie ». — Elle diffère encore de l’inspiration des Niebelungen. — L’inspiration des romans de la Table-Ronde est foncièrement celtique. […] 3º Les Œuvres. — Le Mystère du Vieux Testament, en 49 000 vers, dont la première édition est ou doit être des environs de l’an 1500 ; — Le Mystère de la Passion, d’Arnoul Gréban, publié par MM.
Quelquefois cette cruelle énergie bout au fond du cœur de l’homme, et l’homme s’ennuie jusqu’à ce qu’il ait apperçu l’objet de sa passion ou de son goût. […] De ce lieu jusqu’aux habitations des villes, jusqu’aux demeures du tumulte, au séjour de l’intérêt, des passions, des vices, des crimes, des préjugés, des erreurs, il y a loin. […] Les productions des artistes sont regardées d’un œil bien différent et par celui qui connaît les passions et par celui qui les ignore. […] Le mouvement, l’action, la passion même sont indiqués par quelques traits caractéristiques, et mon imagination fait le reste. […] La passion ne fait que des esquisses.
Si, par quelques traits profonds, naturels, par quelques élancements de passion, ces deux grandes poésies se peuvent rapprocher comme dans un éclair, elles sont séparées par toutes les différences de race, de civilisation, par un abîme : elles n’ont pu être violemment rapprochées et confondues que par des esprits inexpérimentés et sans goût, qui n’avaient pénétré le génie de l’une ni de l’autre. […] Pour moi, je ne serai content que lorsqu’on aura osé traduire et rendre au vif en français, autant qu’il se peut, ces naïvetés mêmes, ces négligences aimables, ce désordre apparent, né d’un art caché, par où se révèle la passion, et qui insinue la persuasion dans les cœurs, ces hardiesses naturelles qui n’offensent jamais la beauté, mais qui pourtant ne s’y voilent pas, ne s’y confondent pas toujours. […] Au chant xiii de l’Odyssée, Ulysse, trop longtemps retenu à son gré chez les Phéaciens, a obtenu un vaisseau ; il doit partir le soir même, il assiste au dernier festin que lui donnent ses hôtes ; mais, impatient qu’il est de s’embarquer pour son Ithaque, il n’entend qu’avec distraction, cette fois, le chantre divin Demodocus, et il tourne souvent la tête vers le soleil comme pour le presser de se coucher : « Comme lorsque le besoin du repas se fait sentir à l’homme qui, tout le jour, a conduit à travers son champ les bœufs noirs tirant l’épaisse charrue : il voit joyeusement se coucher la lumière du soleil pressé qu’il est d’aller prendre son souper, et les genoux lui font mal en marchant ; c’est avec une pareille joie qu’Ulysse vit se coucher la lumière du soleil. » La passion de l’exilé sur le point de revoir sa patrie, comparée à celle du pauvre journalier pour son souper et son gîte à la dernière heure d’une journée laborieuse, ne se trouve point rabaissée en cela ; elle n’en paraît que plongeant plus à fond, enracinée plus avant dans la nature humaine ; mais rien n’est compris si cette circonstance naïve des genoux qui font mal en marchant est atténuée ou dissimulée ; car c’est justement cette peine qui est expressive, et qui aide à mesurer l’impatience même, la joie de ce simple cœur. […] On dirait que le goût des anthologies animait, poursuivait Méléagre en toutes choses ; il combinait et tressait ses propres passions comme les muses de ses poëtes : il faut le voir, dans cette Tyr dissolue, le long de ces îles d’Éolie qu’il parcourt, composer et assortir en tous sens les bouquets, les grappes d’Amours comme des grappes d’abeilles, retourner et diversifier à plaisir ses groupes de Ganimèdes et de Cupidons : cela rappelle cette nichée d’Amours, grands et petits, qu’Anacréon portait toujours dans le cœur. […] De la subtilité, de la manière sophistique, du mauvais goût, il en a certes beaucoup trop, et nous le dirons tout à l’heure ; mais tâchons auparavant de bien pénétrer son genre de passion, de tendresse même (car il en a aussi), et de saisir son tour d’imagination hardie et vive.