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2030. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Au lieu de dresser un héros unique, les auteurs, élevés au collège naturaliste, ont voulu nous intéresser à toute une famille et, sur chacun des lieux où doit se passer quelque chose, ils ont placé, témoin ému, un membre de cette famille. […] Car la guerre devient « le premier, le plus beau des devoirs, aussitôt qu’elle défend les champs, les villes, la race même, les trésors et le passé d’un peuple ». […] L’auteur nous y montre en acte « l’effroyable stupidité des maritimes », leur caractère avili par « de longues années passées dans la servitude » et par « les galons acquis un à un et payés d’obéissance anéantie ».

2031. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Il a fait passer dans notre langue cette poësie d’expression, ce stile pittoresque qui caractérise les prophêtes. […] Il déclara avoir reçu du géomètre les vers en question, & les avoir donnés à un petit décroteur pour les faire passer en d’autres mains. […] Il se peut, disent-ils, que Malafaire, Lamotte & Saurin ayent concerté entr’eux la perte de Rousseau qu’ils n’aimoient pas, & qu’ils ayent fait passer, sous son nom, des horreurs qui ne sont que d’eux.

2032. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

Passons à la dispute sur la manière de rendre les poëtes. […] Tout se passa, de part & d’autre, avec une politesse & des égards qu’il est bien rare de voir parmi les gens de lettres d’un sentiment opposé. […] En effet, que Racine ou Despréaux & le plus excellent prosateur du siècle passé eussent entrepris, à l’envi l’un de l’autre, de mettre en notre langue Virgile ou Horace, est-il douteux que les deux traductions ne se fussent balancées, & n’eussent un égal dégré de mérite, chacune dans son genre ?

2033. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

C’est lorsque Hélène passe devant les vieillards troyens, et qu’ils se récrient, qu’Hélène est belle ; et c’est lorsque l’Arioste me décrit Angélique, je crois, depuis le sommet de sa tête jusqu’à l’extrémité de son pied, que malgré la grâce, la facilité, la molle élégance de sa poésie, Angélique n’est pas belle. […] Je suppose qu’en commençant la longue et minutieuse description de sa figure, le poëte en ait l’ensemble dans sa tête ; comment me fera-t-il passer cet ensemble ? […] Un petit nombre de syllabes emphatiques et lentes lui ont suffi pour étendre la tête de sa figure ; cette tête est énorme lorsqu’elle touche le ciel, il en faut convenir ; et l’imagination a passé, malgré qu’elle en ait, de l’image d’un enfant de quatre ans à l’image d’un colosse épouvantable.

2034. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Enfin il est devenu necessaire que le joüeur d’instrument qui doit donner des tons si difficiles à prendre, passât souvent d’un endroit de la scéne à l’autre, afin que les tons qu’il donneroit fussent mieux entendus des acteurs quand il seroit plus proche d’eux. […] D’autres les passent et donnent dans des excez outrez. […] Il se trouve toujours des artisans qui passent le but et qui défigurent leur ouvrage à force de vouloir le rendre élegant.

2035. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Seulement, si la spontanéité de ses facultés passait bien souvent par-dessus les faux cadres dans lesquels posait sa pensée, nul ne put croire tout d’abord que, la plume à la main, cette Belle Impétueuse, qui se faisait un peu trop de rayons autour de la tête avec ses longs tire-bouchons d’or pût se maintenir, comme en ces Lettres parisiennes, femme du monde spirituelle, moqueuse et adorablement frivole, dans cette simplicité qui devait être une compression, et que nous avons tant admirées dans Mlle Mars, à la scène, car le talent de Mme de Girardin dans ses Lettres parisiennes rappelle le jeu de Mlle Mars, comme dans ses Poésies les cris de Mme Desbordes-Valmore rappellent le pathétique de Dorval. […] C’est de la causerie qui passe par les yeux au lieu de passer par les oreilles, mais c’est toujours de la causerie, et voilà pourquoi des lettres sont toujours, plus que les livres, la vie vraie de l’esprit, son jaillissement de source, sa veine ouverte !

2036. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

a des prix de pitié pour elles, qui font concurrence à ses prix de vertu… Mais lorsque des femmes du monde, et du plus grand, investies de tous les avantages de la vie, de la naissance, de la richesse et quelquefois de la beauté, qui ont des salons pour y être charmantes, des familles pour y être vertueuses, se détournent assez d’elles-mêmes et de leur véritable destinée pour vouloir être littéraires comme des hommes et prétendent ajouter la gloriole de la ponte des livres à l’honneur d’avoir des enfants, la Critique n’est-elle pas en droit de les traiter comme les hommes qu’elles veulent être, sans crainte de passer pour brutale, ainsi que le fut un jour l’empereur Napoléon avec Mme de Staël ? […] … Toujours est-il qu’elle ne nous a donné sur le grand et douloureux poëte que des mots qui passent dans ses œuvres à elle, comme des éclairs. […] qu’on l’a passé au bleu.

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