/ 2102
360. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Ce qui avait eu lieu en Italie se refléta par une imitation rapide dans toutes les autres littératures, en Espagne, en Angleterre, en France ; partout des groupes de poëtes se formèrent, des écoles artificielles naquirent, et on complota entre soi pour des innovations chargées d’emprunts. […] Heureuses de telles amitiés, quand la fatalité humaine, qui se glisse partout, les respecte jusqu’au terme ; quand la mort seule les délie, et, consumant la plus jeune, la plus dévouée, la plus tendre au sein de la plus antique, l’y ensevelit dans son plus cher tombeau !

361. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

En s’y reportant lui-même à son tour, en repassant sur ses anciennes traces, le maître vient d’y répandre la lumière qui est inséparable de sa plume comme de sa parole ; il n’a pu sans doute rendre à ces premiers canevas tout le développement et tout le souffle qui s’est évanoui avec l’improvisation même ; mais il a su y mettre partout la précision, la netteté, l’élégance, indépendamment de quelques riches et neuves portions dont il les a relevés ; il a su faire enfin de cette suite de volumes sérieux un sujet de vive et intéressante lecture. […] L’antiquité dans ses grandes écoles, le Moyen-Age et la Scolastique, la Renaissance et les hardis rénovateurs italiens, ont été successivement mis en lumière, interprétés selon leur véritable esprit ; et dans ces voies diverses où s’avance chaque jour une studieuse élite, on retrouve partout à l’origine le passage lumineux, le signal et l’impulsion du maître.

362. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Sous ce rapport ils dépassèrent bientôt toutes les bornes, et manifestèrent, jusque dans le salon de leurs patrons, un fanatisme d’opinion, une hauteur dogmatique, et un langage qui obligea le vieux Fontenelle lui-même à confesser qu’il était épouvanté de cet excès de suffisance que l’on remarquait partout dans la société. » L’auteur a bien raison de dire le vieux Fontenelle : car aux sombres couleurs qu’il emploie, nous, nous pensions déjà à la fin du XVIIIe siècle, et la longévité de Fontenelle aurait peine à y atteindre. […] Ce pauvre Louvet, à qui sir Walter Scott en veut tant, et dont l’imagination romanesque voyait aussi partout complots, machinations, arrière-pensées, arrangeait beaucoup plus habilement les choses, et mettait plus d’art à combiner son rêve.

363. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Jouffroy se place seul, en présence de lui-même ; abstraction faite des cinq sens extérieurs, attentif à sa conscience intérieure ; il pense, il veut, il se sent ; et partout où il se sent il dit moi ; de sorte que, comme il y a en nous un certain nombre de fonctions dont nous n’avons pas conscience, le moi ne s’y reconnaît pas ; il ne se sent pas sécréter la bile dans le foie, l’urine dans le rein ; par conséquent, informé d’ailleurs, grâce à l’observation sensible, que ces fonctions s’accomplissent dans le corps, il les rapporte à d’autres forces qu’à lui, à des forces distinctes qui résident, l’une dans le rein, l’autre dans le foie, l’autre dans l’estomac ou le poumon, et dont il désigne l’ensemble sous le nom de force vitale. […] Cependant si, au lieu de faire abstraction de mes sens extérieurs, pour ne me servir que de mes sens intérieurs ; si, ouvrant les yeux et remuant la main, je me vois et je me touche dans toutes les régions de mon corps, depuis les cheveux de ma tête jusqu’aux ongles de mon pied, je sens très bien alors que partout sous mon doigt qui se promène, le moi s’éveille et répond ; et si je pouvais atteindre au-delà de la surface cutanée aux organes eux-mêmes, le moi s’y ferait également sentir par une sensation distincte, comme il arrive d’ailleurs en mainte circonstance, lorsque la digestion s’exécute péniblement, lorsqu’un calcul se forme dans le rein, lorsqu’un tubercule se développe dans le poumon.

364. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Il se peut faire qu’un puissant travail général s’accomplisse, et que le niveau des idées, des connaissances et de la civilisation elle-même monte partout insensiblement ; mais, en fait d’art, les maîtres les plus en renom ont disparu ; s’il en survit quelques-uns, ils achèvent de vieillir, et ne sont point remplacés par des autorités équivalentes. […] On entre donc en Pologne, brûlant, saccageant châteaux et abbayes : les deux fils de Tarass Boulba marchent partout en tête, et le cœur de leur père s’applaudit.

365. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il y a eu toujours et il y a partout ici deux ordres d’hommes et de choses, selon que la nature gauloise ou la culture latine a prévalu. […] En Allemagne, une servante, le dimanche, lit Schiller et l’entend ; maintes fois vous rencontrez un piano dans une arrière-boutique ; les mineurs flamands, leur ouvrage achevé, chantent en parties ; partout en pays protestant la Bible, du moins, est lue et même sentie par le peuple.

366. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Voilà donc les dieux païens qui subsistent dans la fable, et ce n’est pas sans raison : car partout les dieux doivent convenir à leur peuple. […] Il n’y a pas de milieu entre les deux genres : il faut être grave et tout croire, ou s’égayer et douter partout.

/ 2102