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737. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

D’abord une tradition de dix-huit siècles, la série immense des témoignages antérieurs et concordants, la croyance continue des soixante générations précédentes ; ensuite, à l’origine, la présence et les instructions du Christ, puis, au-delà, dès l’origine du monde, le commandement et la parole de Dieu. — Ainsi, dans tout l’ordre social et moral, le passé justifie le présent ; l’antiquité sert de titre, et si, au-dessous de toutes ces assises consolidées par l’âge, on cherche dans les profondeurs souterraines le dernier roc primordial, on le trouve dans la volonté divine. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] Ils ont prononcé la parole unique, héroïque ou tendre, enthousiaste ou assoupissante, la seule qu’autour d’eux et après eux le cœur et l’esprit voulussent entendre, la seule qui fût adaptée à des besoins profonds, à des aspirations accumulées, à des facultés héréditaires, à toute une structure mentale et morale, là-bas à celle de l’Indou ou du Mongol, ici à celle du Sémite ou de l’Européen, dans notre Europe à celle du Germain, du Latin ou du Slave ; en sorte que ses contradictions, au lieu de la condamner, la justifient, puisque sa diversité produit son adaptation, et que son adaptation produit ses bienfaits  Cette parole n’est pas une formule nue. […] Ce sont les propres paroles de Rousseau (Rousseau juge de Jean-Jacques, troisième dialogue, 193). « D’où le peintre et l’apologiste de la nature, aujourd’hui si défigurée et si calomniée, a-t-il pu tirer son modèle, si ce n’est de son propre cœur ?  […] Partie II, livre IX, 368. « Je ne comprends pas comment on ose parler dans un cercle… Je me hâte de balbutier promptement des paroles sans idées, trop heureux quand elles ne signifient rien du tout… J’aimerais la société tout comme un autre, si je n’étais sûr de m’y montrer, non seulement à mon désavantage, mais tout autre que je ne suis. » — Cf. 

738. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Ajoutez que la mécanique sociale tourne d’elle-même, comme le soleil, de temps immémorial, par sa propre force ; sera-t-elle dérangée par des paroles de salon ? […] En ce temps-là on ne relègue pas la conversation dans les heures tardives et nocturnes ; on n’est pas forcé comme aujourd’hui de la subordonner aux exigences du travail et de l’argent, de la Chambre et de la Bourse : causer est la grande affaire  « Arrivés à deux heures, dit Morellet, nous y étions encore presque tous de sept à huit heures du soir…496 C’est là qu’il fallait entendre la conversation la plus libre, la plus animée et la plus instructive qui fut jamais… Point de hardiesse politique ou religieuse qui ne fût mise en avant et discutée pro et contrà… Souvent un seul y prenait la parole et proposait sa théorie paisiblement et sans être interrompu. […] Ils adoptent aisément des maximes qui semblent conformes à leurs secrets désirs ; du moins ils les adoptent en théorie et en paroles. […] Les paroles sont devenues des actions, et tous les cœurs sensibles vantent avec transport un mémoire que l’humanité anime et qui paraît plein de talent, parce qu’il est plein d’âme ». […] Ce n’étaient que combats de plume et de paroles qui ne nous paraissaient pouvoir faire aucun dommage à la supériorité d’existence dont nous jouissions et qu’une possession de plusieurs siècles nous faisait croire inébranlable.

739. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Sa parole suave, ses manières sans apprêt, sa familiarité rassurante, élevaient tout de suite ceux qui l’approchaient à son niveau. […] Le premier volume du Supplément de la Biographie universelle, publié en 1834, contient un article sur la comtesse d’Albany, article signé du nom de Meldola, et dans lequel on lit ces paroles : “Quelques biographes ont prétendu que Mme d’Albany s’était unie par un mariage secret à Alfieri, et qu’après la mort de ce poète elle avait épousé M.  […] Je l’ai souvent visité et admiré sur parole. […] Elle a consenti à se taire, à attendre, à souffrir pour retourner au milieu de tout ce qui lui est cher ; mais elle a refusé toute action, toute parole qui fût un hommage à la puissance. […] Le magicien a prononcé les paroles sacramentelles qui détruisent l’enchantement.

740. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

. — Actes et paroles (1872). — L’Année terrible (1872). — Quatrevingt-treize (1873). — La Légende des siècles, 2e série (1877). — L’Art d’être grand-père (1877). — Histoire d’un crime (1877). — Discours pour Voltaire (1878). — Le Pape (1878). — La Pitié suprême (1879). — L’Âne (1880). — Religion et Religions (1880). — Les Quatre Vents de l’Esprit (1882) […] On contemple « cet homme au flanc blessé », saignant, mais debout dans son armure, et toujours puissant dans sa marche et dans sa parole. […] À la lueur de la révélation qui éclate dans les paroles de Didier, elle voit la vraie figure de son passé et en a honte. […] Le nom intervint, en effet, dans les quelques paroles qui s’échangeaient entre mon auguste interlocuteur (Napoléon III) et moi : « Comprenez-vous, me dit l’Empereur, d’un air à la fois grave et légèrement railleur, qu’un homme de ce mérite fasse des vers comme ceux-ci :                                                   … J’en suis émerveillé Comme l’eau qu’il secoue aveugle un chien mouillé » ? […] Dont l’acier clair et les éclairs Foudroient la nuit impure ; Doux chevalier pour les très doux enfants Dont vous baisiez les têtes De cette bouche au loin tonnante aux ouragans Et aux tempêtes ; Noir chevalier songeur par les soirs merveilleux Dont les feux immobiles Brûlaient dans la parole et dans les yeux Des soudaines Sybilles ; Clair chevalier et moissonneur d’azur Tantôt sur terre ou bien là-bas parmi les nues Où vous glaniez des phrases inconnues Pour définir te Dieu futur ; De par ton œuvre ouverte ainsi qu’une arche Devant l’humanité tragique ou triomphante, Poète en qui songeait l’hiérophante, Tu fus le rêve autour d’un monde en marche… [La Plume (1898).]

741. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Ainsi, au prologue de la tragédie antique il substitue le premier acte de la tragédie moderne, et il pose cette règle, « que le premier acte doit contenir les semences de tout ce qui doit arriver, tant pour l’action principale que pour les épisodiques ; en sorte qu’il n’entre aucun acteur dans les actes suivants qui ne soit connu par ce premier, ou du moins appelé par quelqu’un qui y aura été introduit. » Le prologue de la tragédie antique, tel qu’Aristote le caractérise, est un artifice dramatique dont la grossièreté ne peut pas être dissimulée par le mérite des paroles : il nous avertit que nous allons assister à un mensonge. […] Mais ne sentez-vous pas sa passion pour Rodrigue jusque dans la violence de son ressentiment, jusque dans cet excès de paroles dont elle réchauffe le devoir languissant ? […] A ces paroles du jeune Horace, d’un sublime un peu sauvage : Albe vous a nommé, je ne vous connais plus, le poète, par la bouche de Curiace, fait cette réponse si touchante : Je vous connais encore, et c’est ce qui me tue… corrigeant ainsi par ce qu’il y a de plus naturel dans l’homme ce qu’il y a d’outré dans le héros. […] Si la poésie est à la fois un langage, une peinture et une musique, si elle doit plaire à l’âme, à l’imagination et à l’oreille, il restait à faire connaître, après le style de Corneille, plus oratoire que poétique, plus énergique qu’harmonieux, plus ferme que varié, où il y a plus de feu que de douceur et plus de mouvement que d’images, un style qui réunît à toutes les beautés du style de Corneille, dans des vérités dramatiques du même ordre, toutes les beautés propres aux vérités dramatiques qui restaient à exprimer ; un style qui contentât la raison par l’exactitude des paroles, l’âme par leur accent, l’imagination par leur éclat, l’oreille par leur harmonie. […] Ce sont ses propres paroles.

742. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Nous avons eu, à l’Eden-Théâtre, le premier acte, éternellement tronqué, de la Valkyrie, l’ouverture de Rienzi, le premier acte encore de Tristan, mais avec une Isolde insuffisante et toujours de bien extravagantes paroles. […] Wagner, enfin, étudie les conséquences de cet état de choses : « Les acteurs sont forcés dans un duo, ou de dire au public les paroles qu’ils devaient s’adresser entre eux ou de se tenir de profil, ce qui les dérobe à moitié au spectateur et entrave la clarté de la parole, comme celle de l’action. […] Etendue mollement, enveloppée de son costume d’une richesse orientale et empreinte d’un charme calme et sûr de son pouvoir jusqu’au baiser fatal ; mais, à partir de ce moment, la mimique est intervertie : tandis que le simple se redresse dans sa force et dans sa vertu, Kundry commence à s’égarer dans ses gestes et dans ses paroles, comme tourmentée par une malédiction qui l’emplit de trouble ; Parsifal a vaincu l’enchantement qu’il domine de son attitude résolue, tandis que Kundry, affaissée sur elle-même, le regarde disparaître et le suit d’un long regard. […] Quand nous aurons parlé du costume, que Wagner a considéré comme il doit l’être : exact, mais ne devant avoir que sa signification propre et concourant à l’ensemble, il nous restera à étudier le geste appliqué au chant et à la parole ; mais cette étude serait incompréhensible si on ne lui joignait la musique et le chant ; nous la traiterons donc dans le chapitre suivant.

743. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Préambule Dans un de ces préambules pleins de grâce que Cicéron aime à placer, comme des portiques, à l’entrée de ses traités d’éloquence et de philosophie, dans un dialogue où les chefs de l’aristocratie romaine, réunis sous les ombrages d’une villa deTusculum, nous laissent entrevoir l’exquise urbanité d’une conversation patricienne et, pour ainsi parler, le grave sourire de ces maîtres du monde antique, l’orateur Crassus, prié de dire son avis sur un sujet littéraire, s’en défend par des paroles fort dédaigneuses pour la critique. […] Quel terme inventerait son mépris pour caractériser ce troisième étage de la parole, lui qui dédaignait le second ? […] Nous sentîmes avec Milton le bouillonnement tumultueux des guerres civiles et la sainte austérité de la parole biblique. […] Peu de lignes nous suffiront pour faire un résumé complet : les partis perdent tant de paroles et de temps autour d’une idée ! […] Que mille échos intelligents répètent, grossissent, prolongent toute noble parole.

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