Pour notre compte, nous attendions avec impatience cette occasion de parler du chef de l’école éclectique, — mort depuis longtemps comme expression d’idées, après s’être tiré dans la tête ce coup de pistolet d’enfant, chargé à bonbons, qu’on appelle l’Histoire de madame de Longueville. […] Il parla de l’infini et du fini et de leur rapport, trois choses qu’on n’avait pas jusque-là beaucoup entendu nommer dans une chaire de philosophie française. […] Il parla de l’antagonisme fatal des idées, aussi bien dans l’histoire que dans la pensée, dans la conscience de l’homme que dans l’humanité ; enfin il amnistia la guerre, fit une théorie sur les grands hommes qui leur arrachait ce qu’il y a de plus beau en eux : leur libre individualité ; et, adroitement, se coulant de ces hauteurs où il s’était laissé enlever, au niveau abaissé de son auditoire, sentant bien qu’il avait affaire à un genre de public qui aurait donné toutes les spéculations métaphysiques pour une chanson de Béranger, il arriva en dernier ordre, par une subtilité de dialectique, à la Charte, cette chimère de l’époque d’alors, et posa comme l’idéal de sa philosophie la monarchie constitutionnelle, aux cris d’enthousiasme de tous ces Prudhommes de vingt ans !
Le Marquis Eudes de M***12 Les livres qui remuent des questions sont si rares, qu’entre tous les autres ce sont ceux-là que l’on doit arrêter au passage et placer sous les yeux ouverts de l’opinion Or, en voici un13, s’il en fut jamais… Mais comment parler d’un pareil livre, et quel ton prendre en le signalant ? […] « Mais le malheur voulut que vers la fin de son instruction le prêtre crut devoir parler à son troupeau de la protection des bons anges et des ruses des démons. […] Nous avons fait partie de cette jeune école qui, dans les dix premières années de la Restauration, ramenée à la foi chrétienne par l’étude des de Maistre, des Bonald et des Frayssinous, succédait, non pas à l’école légère et railleuse de Voltaire, morte déjà depuis longtemps, mais à l’école positive et raisonneuse de l’Empire… Pleine d’amour pour la vérité, mais, après tout, fille de son siècle, et pleine aussi d’admiration pour la science, l’école dont nous parlons accueillait avec respect une foi dont elle sentait la grandeur et les bienfaits, mais elle n’en restait pas moins fidèle à la raison, dont elle comprenait l’autorité… La science était déjà venue en aide aux vérités chrétiennes… Cuvier montrait partout les traces du déluge et l’accord parfait des nouvelles découvertes géologiques avec le récit génésiaque.
mais rusé comme un maquignon quoique poète et qui essaierait de blesser à vif la Critique pour l’intéresser à parler de lui, — fût-ce en mal, — ou bien donc une vanité truculente, comme celles des Scudéry et des Cyrano de Bergerac, ces fameux Gascons littéraires. […] Jamais Shakespeare n’a parlé de lui comme Falstaff. […] Il fallait bien que l’optimisme de l’orgueil, à cet enivré de la vie, à ce grisé de jouvence, pour parler comme lui, ajoutât son insolence à tout ; et voilà comme, à la poésie même, il l’a ajoutée !
… Croyez-vous qu’il n’y a pas, dans cette orageuse vie de poète, dont pourtant nous avons bien, nous autres, le droit de connaître les dessous, vingt endroits où pour un frère il sera de devoir, ou du moins de délicatesse, de se taire, au lieu de parler ? […] Le livre, sur le titre seul, était levé, comme ils disent galamment, les éditeurs, dans leur langage si drôlement aérien, et comme s’ils parlaient, ma foi ! […] J’ai tenu à signaler ce léger détail de nos mœurs littéraires plus encore qu’à parler au long de la littérature d’Alfred de Musset, qui d’ailleurs n’a pas besoin de moi.
Forcément, il faut qu’elle en parle, sinon par respect de leur génie, à ces quatre grands poètes acclamés autrefois, au moins par respect pour l’opinion qui les a acceptés et dont elle est, comme l’on sait, la très humble et très obéissante servante. […] Puisque j’ai parlé de Corneille, quel exemple ne nous a-t-il pas donné, celui-là, de cette remontée d’aigle lassé, mais insatiable d’azur, vers ce ciel d’où il tombe, mais qu’il reprend par places avant de tomber tout à fait. […] Dont je parlerai dans mon prochain volume des Poètes.
Il parlait de tout comme il aurait chanté, et il agissait comme il parlait, poésie plus rare ! […] Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t’appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. » Et cette magnifique implacabilité d’idée devant une destinée implacable, cette revanche sublime du vaincu contre son vainqueur par l’inflexibilité de l’attitude, cette glorification du silence, si neuve dans la bouche d’un poète, — un oiseau chanteur !
Balzac, dont le nom surgit fatalement quand on parle des romanciers du xixe siècle, — mesure terrible qui montre combien ils sont petits en comparaison de cette grandeur, — ne fut point de cette Académie, dont la porte, à peine poussée par M. […] Jules Sandeau, dont on parle beaucoup, et à laquelle les œuvres immorales des romanciers contemporains ont fait un repoussoir superbe, sa moralité n’a pas plus de caractère et de vigueur que son talent. […] C’est surtout dans ce personnage de l’abbé Pyrmil que la maladresse et la grossièreté dont nous avons parlé plus haut sont évidentes.