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235. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Par exemple, le plus simple de tous les accords, l’accord parfait, est le plus sévèrement, le plus systématiquement écarté. […] La cadence parfaite joue le rôle du point au bout d’une phrase. […] Sans doute le personnage en scène peut avoir à conclure un long discours ; dans ce cas, il aura recours à la formule précitée ; mais, tandis qu’il fera avec la voix ce saut caractéristique de la dominante à la tonique, l’orchestre, lui, qui selon la définition de Wagner, « entretient le cours interrompu de la mélodie », l’orchestre ne portera pas trace de cette cadence parfaite, et poursuivra sa route en modulant par une cadence rompue, ou par l’introduction d’un accident quelconque, propre à modifier le sens harmonique. […] De là, la fréquence des prolongations, des retards, de tous les artifices qui produisent les dissonances ; de là, l’altération continuelle des notes, et en particulier de la dominante dans l’accord parfait, c’est-à-dire une prédilection marquée pour les intervalles augmentés ou diminués ; de là, l’emploi presque immodéré des accords de septièmes sur tonique et des pédales, moyens ingénieux pour fondre ensemble les sons en apparence les plus discordants ; de là, la pratique de l’enharmonie, et une facilité telle à se mouvoir entre divers tons, que parfois, renonçant lui-même à définir la tonalité, il supprime à la clef tous les accidents… tout en continuant à ne pas écrire en ut.

236. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Qu’un écolier, pour mieux réfléchir, évoque l’image d’un ami qui l’écoute, cela est d’un âge où la raison s’essaye et se forme ; et, de même, la voix de la conscience ne se fait vraiment entendre que dans la jeunesse de l’humanité ou chez les hommes dont on dit qu’ils restent éternellement jeunes ; la parfaite maturité de la raison se passe de ces illusions. […] L’habitude positive est l’habitude parfaite ; par elle et par elle seule, l’âme corrige sa loi fondamentale, qui est la dispersion dans le temps, en introduisant dans son devenir des éléments de permanence, d’unité relative, d’harmonie. […] En effet, si nous considérons d’abord les habitudes élémentaires qui la composent, nous trouvons chacune d’elles parfaite en soi ; car elle passe à l’acte par intervalles, au moment même où sa réalisation est devenue un besoin de l’esprit ; son acte est toujours complet, sans lacune : un mot commencé n’est jamais interrompu avant la fin, ni simplifié par l’omission d’une syllabe médiane ; enfin cet acte est doué d’une intensité de conscience et d’une durée à peu près inaltérables ; — si maintenant nous envisageons ces différents actes dans leur succession, c’est-à-dire l’habitude totale, nous voyons qu’elle possède, avec toutes les qualités de ses composants, devenues siennes puisqu’ils la composent, une qualité que ceux-ci ne sauraient avoir : elle est souple, elle se plie de mille manières aux besoins incessamment variés de la pensée ; tandis que chaque mot est un tout indissoluble, les syllabes étant rivées les unes aux autres par ce lien de fer que Stuart Mill a appelé l’association inséparable, l’ordre des mots, au contraire, n’a rien de fixe ; sans doute ils s’appellent les uns les autres, mais non d’une manière inéluctable ; bien loin d’être réduite, comme une mendiante en haillons, à chanter toujours le même air, l’âme est un improvisateur infatigable ; avec des matériaux toujours les mêmes, elle construit incessamment des composés nouveaux. […] En tant qu’habitude positive, elle est une œuvre de l’âme, et en tant qu’habitude générale, elle est un instrument de l’activité psychique ; cette activité est sans terme : il n’est aucune de ses œuvres qui ne lui soit un instrument pour construire des œuvres nouvelles ; dans l’enchaînement de ses créations, il en est une qu’il faut nommer à la fois une œuvre parfaite et un incomparable instrument : c’est la parole intérieure.

237. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Il n’y a que vingt vers ; mais ils sont parfaits de naturel et de mélodie : on dirait le doux et mélancolique regard par lequel l’homme qui a souffert répond aux caresses d’un enfant. […] C’était la seule manière d’être parfait en poésie, autant qu’il est donné à l’humanité de le devenir.

238. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Liberté parfaite. […] XVI La philosophie parfaite serait la synthèse de la connaissance humaine.

239. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Les sociétés chrétiennes auront deux règles morales, l’une médiocrement héroïque pour le commun des hommes, l’autre exaltée jusqu’à l’excès pour l’homme parfait ; et l’homme parfait, ce sera le moine assujetti à des règles qui ont la prétention de réaliser l’idéal évangélique.

240. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Aussi La Fontaine remarque-t-il que la statue était parfaite. […] Cette fable est parfaite d’un bout à l’autre.

241. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

le plus parfait des historiens grecs, mais il ne sera plus toujours le plus parfait des historiens possibles, et l’admiration de son commentateur n’aura plus le droit d’exister, — du moins au même degré de chaleur Réaumur.

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