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109. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Il est curieux, pour se donner le sentiment d’un parfait contraste mais d’un contraste qui n’a rien de criant, de la mettre en regard d’un Hamilton ou d’une Caylus peignant avec une finesse malicieuse les beautés de la cour de Charles II ou celles de Marly ou de Versailles. […] Je ne saurais réparer la perte que vous venez de faire en lui que par la parfaite amitié et sincère tendresse avec laquelle, etc. […] Un mûr examen sur moi-même m’a convaincue que, dans tout le cours de ma vie, je n’avais été coupable qu’à l’égard d’un frère que mille raisons devaient me rendre cher, et auquel mon cœur avait été lié depuis ma tendre jeunesse par l’amitié la plus parfaite et la plus indissoluble. […] Frédéric lui répond avec une parfaite bonté et amitié : Mon cœur a toujours été le même à votre égard, et comment ne l’aurait-il pas été ?

110. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

On sait quel est le devoir d’un bon avocat : il est des points sur lesquels il ne cède que lorsqu’il se voit forcé et vaincu par l’évidence : jusque-là il plaide, pour plus de sûreté, la parfaite innocence de son client, et il nie. […] L’amour-propre aurait bien voulu trouver de l’apprêt dans ce qu’elle disait, mais il n’y avait pas moyen : c’était simplement une nature trop parfaite. […] On ne peut mieux nous donner l’idée de cette grâce correcte et parfaite, non pas affectée ni étudiée, et dans laquelle la nature et l’art semblaient ne faire qu’un. […] Vous, vous le faites embrasser ; par ma foi, vous êtes un drôle de corps. » Dans tous ces endroits, elle est naturelle, pleine de verve et d’abondance ; elle n’est plus tout à fait cette dame parfaite que Lemonteya vue à Lyon ; elle se livre, elle a du jet ; elle est ce qu’il faut, selon les lieux et les moments ; elle est ce qu’elle veut être, familière et vive quand le cœur lui en dit ; la plume alors prend le galop et court à bride abattue : nous avons une Sévigné de la bourgeoisie, et mieux que cela, une Sévigné George Sand.

111. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Elle impose par un ton de simplicité noble et de dignité discrète ; elle plaît par le tour parfait et piquant qu’elle sait donner à la justesse. […] Elle avait le teint fort uni et fort beau, les cheveux d’un châtain clair et très agréable, le nez très bien fait, la bouche bien taillée, l’air noble, doux, enjoué et modeste ; et, pour rendre sa beauté plus parfaite et plus éclatante, elle avait les plus beaux yeux du monde. […] Nous n’avons qu’une partie de son esprit dans ses lettres, le goût, le bon ton, la raison parfaite et le tour parfois piquant ; mais ce qui animait la société, cet enjouement qu’elle mêlait discrètement à ses récits, à ses histoires, ce qui pétillait de brillant et de fin sur son visage quand elle parlait d’action, comme dit Choisy, tout cela a disparu et ne s’est point noté. […] Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.

112. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Jay donna-t-il dans cette dispute un exemple parfait d’urbanité littéraire. […] Qu’autour du vase pur, trop beau pour la bacchante, La verveine se mêle à des feuilles d’acanthe ; Et plus bas, lentement, que des vierges d’Argos S’avancent d’un pas sûr en deux chœurs inégaux, Les bras pendants le long de leurs tuniques droites, Et les cheveux tressés sur leurs têtes étroites Le bas-relief est parfait ; on croit voir un beau vase antique. — Je ne trouve à redire qu’à ce mot d’extase un peu excessif, et que la rime a imposé au lieu d’enthousiasme. […] Et c’est ainsi qu’au déclin d’une école et quand dès longtemps on a pu la croire finissante, quand de ce côté la prairie des muses semble tout entière fauchée et moissonnée, des talents inégaux, mais distingués et vaillants, trouvent encore moyen d’en tirer des regains heureux et de produire quelques pièces presque parfaites qui iraient s’ajouter à tant d’autres dans la corbeille, si un jour on s’avisait de la dresser, — dans la couronne, si l’on s’avisait de la tresser —, d’une anthologie française de ce siècle.

113. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Le parfait normalien de ce temps-là fut formé à son image et selon cette doctrine philosophique, rationnelle, noble, élevée, modérée, admettant sa part de croyance. […] A-t-il su réellement le faire aussi entier, aussi parfait que possible ? […] Elle représentait une longue série et un choix parfait de souvenirs.

114. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Servois, l’ancien élève de l’École des chartes, un M. de Garriod, ancien officier savoisien, homme modeste et d’un vrai mérite, profond connaisseur en peinture, il ajoutait ce fin portrait d’un troisième : « J’attirais aussi quelquefois le professeur de belle littérature de l’Université (à la Sapience), dont j’ai entendu les leçons avec plaisir : mémoire facile et sûre des plus beaux textes latins et italiens, prononciation parfaite, et sur le tout un sentiment irréprochable d’excellent humanisme pour rapprocher, à chaque leçon, quelques beaux passages classiques de l’antique et de la moderne Italie. […] Je donnerai encore comme un parfait exemple de son indépendance et de son étendue d’esprit, comme aussi de son indulgence et de sa mesure, une lettre de lui écrite à M.  […] Théodore Gaillard, le parfait traducteur du De Oratore et dont le travail, une dernière fois revu et retouché, venait de paraître : « (Heidelberg, 25 décembre 1852)… Vous avez aussi très-bien fait de voir M. 

115. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

J’oserai dire que mon père est le premier, et jusqu’à présent le plus parfait modèle de l’art d’écrire, pour les hommes publics, de ce talent d’en appeler à l’opinion, de s’aider de son secours pour soutenir le gouvernement, de ranimer dans le cœur des hommes les principes de la morale, puissance dont les magistrats doivent se regarder comme les représentai, puissance qui leur donne seule le droit de demander à la nation des sacrifices. […] Le lecteur ne s’aperçoit pas d’abord que ce mot est nouveau, tant il lui paraît nécessaire ; et frappé de la justesse de l’expression, de son rapport parfait avec l’idée qu’elle doit rendre, il n’est pas détourné de l’intérêt principal ni du mouvement du style, tandis qu’un mot bizarre distrairait son attention, au lieu de la captiver. […] L’écrivain est d’autant plus parfait, qu’il sait donner à ses lecteurs d’avance une sorte de pressentiment ou de besoin confus des beautés même qui les étonneront.

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