et avec quelle ardeur, des hommes tourmentés par les reproches incessants d’une conscience scrupuleuse et par le pressentiment de l’éternité obscure, vont-ils appliquer sur ces pages toute l’attention de leurs yeux et de leur cœur ! J’ai devant moi un de ces vieux in-folios carrés344, en lettres gothiques, où des pages usées par les doigts calleux ont été raccommodées, où une vieille estampe rend sensible aux pauvres gens les exploits et les menaces du Dieu tonnant, où la préface et la table indiquent aux simples la morale qu’il faut tirer de chaque histoire tragique, et l’application qu’il faut faire de chaque précepte ancien. […] Mais laissez passer la fougue juvénile, prenez l’homme aux grands moments, dans la prison, dans le danger, ou même seulement quand l’âge vient, quand il arrive à juger la vie ; prenez-le surtout à la campagne, sur son domaine écarté, dans l’église du village dont il est le patron, ou bien seul le soir, à sa table, écoutant la prière que son chapelain récite, et n’ayant d’autres livres que quelque gros in-folio de drames graissé par les doigts de ses pages, son Prayer Book et sa Bible ; vous comprendrez alors comment la religion nouvelle trouve prise sur ces esprits imaginatifs et sérieux.
Voici la bien imparfaite traduction des pages vraiment intraduisibles qu’il écrivit à ce sujet : Quand je quittai Harvard pour l’Université Stanford en décembre le dernier « au revoir », ou peu s’en faut, fut celui de mon vieil ami B***, californien : « J’espère, me dit-il, qu’ils vous donneront aussi un petit bout de tremblement de terre pendant que vous serez là-bas, de façon que vous fassiez connaissance avec cette toute particulière institution californienne. » En conséquence, lorsque, couché encore mais éveillé, vers cinq heures et demie du matin, le 18 avril, dans mon petit appartement de la cité universitaire de Stanford, je m’aperçus que mon lit commençait à osciller, mon premier sentiment fut de reconnaître joyeusement la signification du mouvement « Tiens, tiens ! […] II, pages 29 et suivantes. […] Voir, à ce sujet, Westermarck, History of human marriage, London, 1901, pages 290 et suivantes.
Chaque année, quand nous lisons dans vos journaux le discours de la couronne, nous y trouvons la mention obligée de la divine Providence ; cette mention arrive mécaniquement, comme l’apostrophe aux dieux immortels à la quatrième page d’un discours de rhétorique, et vous savez qu’un jour la période pieuse ayant été omise, on fit tout exprès une seconde communication au parlement pour l’insérer. […] Douze cents pages m’ont exposé le jugement de Mill sur les diverses parties de la science, et l’abstraction isole son idée fondamentale, à savoir, que les seules propositions fructueuses sont celles qui joignent un fait à un fait non contenu dans le premier.
Est-ce qu’à chaque page, pour ainsi dire, du dernier poèted chrétien, de Milton, l’infériorité absolue de la femme n’est pas proclamée ? […] Doute, incertitude, fatalité, voilà la raison profonde de toute chose en ce temps ; voilà la devise écrite à chaque page dans les livres et dans les journaux, dans les émeutes des peuples comme dans les conseils des rois et dans les discussions des parlements, dans les cours d’assises et à chaque foyer domestique.
Il y a eu des boîtes de dragées lilliputiennes, et pour l’inscription des noms du baptisé, on a ouvert au hasard, dans un immense volume du Musée de Florence, à une page où se trouvait une académie d’homme. […] Le soir, dans le grand salon, tout le monde s’amuse à feuilleter de grands albums, des cartons pleins de croquades de Giraud, qui sont comme l’histoire intime et burlesque de la maison, où l’on voit sur une page la princesse posant pour son buste de Carpeaux, en embrassant son chien Chine, et sur une autre l’immense derrière de l’abbé Coquereau dans un pantalon de bébé, etc., etc., etc.
Elle a plusieurs pages, elle pourrait rebuter ainsi, et avec raison. […] Sur la première page de ces Heures, on avait tracé deux quatrains que Nodier supposa tout de suite de Ronsard et de son écriture. […] Ce rapport, dans la sécheresse de son tour, fait songer à certaines pages anglaises, d’un humour glacial, celles, par exemple, sur les derniers jours de Kant. […] André Chénier Sainte-Beuve écrivit certain jour une vingtaine de pages sous le titre : Un factum contre André Chénier.
Peut-être ils nous diront que le Molière qui, dans ces pages ressuscitées, leur est offert, n’est plus celui qu’ils ont l’habitude d’entendre célébrer par la voix publique et par les juges compétents, d’accord avec elle, celui qu’eux-mêmes, pour leur compte, ont appris à connaître et à aimer, ou du moins qu’il en diffère notablement et s’en éloigne par certains traits et par l’ensemble ; que, sans être diminué, ils en conviendront sans peine, ni rabaissé, c’est là pourtant en somme, le Molière de J. […] Telles qu’elles sont, ces pages sur Molière nous ont paru, à plus d’un titre, mériter de voir le jour, et de prendre place à la suite des extraits de chronique théâtrale, de critique du lundi, que nous avons récemment publiés, sous plusieurs titres différents, et dont l’heureuse fortune a répondu à nos soins et à nos vœux d’ami et de légataire intellectuel. Ces pages nouvelles sont l’œuvre sincère du même esprit, de cet esprit chercheur, indépendant, jamais frivole dans ses audaces, lumineux et puissant jusque dans ses écarts, qu’on ne risque pas, ce nous semble, de surfaire en l’honorant du nom de génie. […] Cet homme d’un bon sens profond, qui a écrit contre les mariages disproportionnés des pages d’une éloquence si terrible, qui, s’il penche de quelque côté dans ses œuvres, s’il a quelque partialité, penche plutôt du côté de l’entreprenante jeunesse, en qui il est prêt à tout excuser et à tout pardonner ; cet homme imagina, à quarante ans sonnés, malade (sa poitrine était déjà atteinte), usé par les fatigues de sa profession d’auteur, et de sa profession de comédien, usé même par les désordres de sa vie antérieure, imagina, dis-je, d’associer à sa vie une petite fille de dix-sept ans, Armande Béjart, élevée au théâtre dans sa propre troupe, parmi les maximes licencieuses dont le théâtre de cette époque est plein, et parmi les mauvais exemples dont la vie de comédien était alors exclusivement remplie, et que Molière lui-même avait donnés autant que personne.