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273. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

J’y étais seul, pendant un séjour que mon père, ma mère et mes sœurs étaient allés faire en Bourgogne, chez l’abbé de Lamartine, dans sa terre auprès de Dijon. […] Vous n’aurez qu’une vague et lointaine mémoire De tout ce qu’au matin la vie a de plus doux, Et l’amour maternel ne sera qu’une histoire Qu’un père vous dira, seul et pleurant sur vous ! […] Le jeune fils de M. de Genoude vint la prendre. « Allez, lui dis-je, à la cour exilée de ce jeune prince, dont votre père et moi nous avons célébré la naissance et déploré les catastrophes. […] Il partit en remerciant Aubry-Foucault, qui s’était fait son second père. […] La destinée n’avait pas voulu qu’il restât rien sur la terre de sa charmante mère et de son infortuné père.

274. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Je feuillette la brochure et trouve en marge d’une page une addition au crayon, montant à quatre mille et quelques cents francs, — addition que son père, entré pour lui dire bonsoir, avant de sortir, regarde, et mis soudainement en gaîté — ainsi qu’un père sceptique qui aurait compris. Son père sorti, moi qui ne comprenais pas, je lui demandai : « Mais pour qui diable fais-tu ce travail-là ? — Pour mon père !  […] Au coin du feu, comme distraction d’un rhume, faire, tranquillement et posément et raisonnablement, la facture de la mort de son père en parfaite santé. Et notez que mon jeune ami avait tout allié dans son devis, les convenances à l’économie, les nécessités de la position sociale de son père avec le mépris des fausses dépenses, et le convoi de seconde classe avec la messe de première.

275. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Soit pour le Père, qui envoie son Fils, soit encore pour le Fils, qui est envoyé par le Père : voilà bien deux personnes de la sainte trinité ; mais où est la troisième ? […] Voyez, dit-on encore, l’opinion humaine faire descendre la responsabilité, soit en bien, soit en mal, du père aux fils, et l’infamie se perpétuer héréditairement46. […] Cette transmission du mal du père aux enfants est précisément un des scandales qui révoltent le plus le cœur humain, l’un de ceux qui suscitent le plus de doutes, et les doutes les plus amers, les plus douloureux. […] Si je demande comment il se fait qu’un enfant innocent hérite des infirmités d’un père coupable, comment croire que l’on répond à cette question en transportant à l’origine de l’humanité ce fait lui-même qui me remplit de pitié et d’horreur ? […] » Je sais que quelques pères n’ont pas craint de faire rejaillir jusque sur les animaux et même sur la nature matérielle en général les conséquences du péché primordial47 et les théologiens réformés ont été extrêmement loin dans cette voie.

276. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Sans médire des poumons de l’enfant, on peut bien ajouter qu’il occuperait moins nos oreilles sans le concours que lui prête le trombone puissant et infatigable de monsieur son père. […] Le « sabre de mon père » a tué « la croix de ma mère. » J’aimerais à voir M.  […] Il faut de l’argent au père pour continuer ses expériences qui seront demain la fortune : ses amis l’ont refusé ; il s’adresse à l’aînée de ses filles et lui demande ses 50,000 francs ; elle aussi refuse, car ces 50,000 francs c’est le moyen d’assurer le pain de la vieillesse de son père qu’elle sait ruiné. […] Sa fille, innocente, est condamnée à mort, et si, dans une conversation suprême, elle découvre que son père est l’assassin de sa sœur et l’auteur de sa propre mort, ce n’est pas elle qui le dénoncera. La veille du jour où l’on doit trancher la tête de la malheureuse, le père va passer sa soirée aux Cloches de Corneville.

277. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Antoine a pour père un simple calculateur royal. […] Un chagrin lent le mine ; son père l’aime à la folie, et il doute s’il n’aurait pas à rougir de son père devant les honnêtes gens. […] C’est un vol accompli sur ton père. » Le fils saisit la main de son père : « Tu m’as toujours aimé. […] C’est la première, mon père, ce sera aussi la dernière. […] Praxède père a fait ici un tout petit mensonge.

278. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Ce qui frappa surtout quand elles parurent, car son génie était connu et faisait trembler, ou du moins étonnait quand on ne tremblait pas, ce qui frappa en ces lettres inespérées, ce fut le père, non le père majestueux, quoiqu’il y fût aussi, le paterfamilias, Romain deux fois, de la Rome antique et de la Rome chrétienne, mais le père tendre comme une mère, le genre de père qu’avec la gravité d’un tel homme justement on n’attendait pas !

279. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

… Victor Hugo est, en effet, littérairement, le père de M.  […] Il l’est comme les hommes qui ont dans l’opinion position de génie, peuvent être les pères intellectuels de ceux qui viennent après eux et qui les admirent. Ils ne les ont pas faits leurs fils comme les pères de la chair font les leurs. […] Il est devenu le Ménechme du père d’élection qu’il s’est donné… Sans l’antériorité indiscutable de Victor Hugo, venu le premier dans la vie, ce serait à se demander lequel est le Sosie ou le Mercure de l’autre ?

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